Patrice Michaud

Voyage en première classe

Patrice Michaud a invité mardi soir les spectateurs à monter à bord du MTELUS pour un Grand voyage désorganisé, spectacle tout chaud et chaleureux qui fera escale un peu partout au Québec dans les prochains mois.

« C’est dangereux combien on est en forme, a averti le chantre de Cap-Chat. C’est olympique. Ce soir, on vous donne tout, et vous nous redonnez tout. Ceci n’est pas un mardi : ce sont des retrouvailles ! »

Au moment de son entrée en piste, le pilote s’est présenté au micro sans instrument, mains derrière le dos, pour réussir un décollage en douceur avec Origami, extrait de son plus récent opus. « C’est vraiment cette chanson-là que j’avais envie de vous faire en premier, a expliqué le capitaine Michaud. Parce que ça fait un an et demi qu’on attend ça. Parce que ça fait un an et demi qu’on vous espère. Merci, tout le monde ! »

Disposée en formule cabaret, la salle était remplie au maximum de sa capacité – le gouvernement le permet depuis lundi –, un sentiment de saturation beau comme une promesse envers les arts vivants.

« Veuillez détacher vos ceintures. On vous souhaite un beau voyage désorganisé », a poursuivi le commandant devant un imposant cercle lumineux qui servira tantôt de lune, tantôt de modélisation astronomique. Durée du vol : 2 heures.

L’un des plus solides auteurs-compositeurs-interprètes du Québec – on l’écrit sans gêne – a une fois de plus démontré qu’il sait concilier les codes de la pop et les expérimentations sonores ou langagières.

Mardi soir, il a survolé à peu près tout de son Grand voyage désorganisé ; du tube orchestral et up-tempo La grande évasion au funk irrépressible d’Un cœur de baleine bleue, en passant par le crescendo aérien de Je t’aime quand je mens.

Si notre compte est bon, seules À qui l’aura et OK maman n’auront pas atterri dans les oreilles du public. Les avions n’ont pas de rétroviseurs, mais Patrice Michaud s’est tout de même permis quelques retours en arrière, par exemple avec Julie revient. Julie s’en va ou la poignante ballade de deuil La saison des pluies, jouée en version piano-voix en compagnie de la claviériste Marie-Pierre Bellefeuille.

Petit entracte pour permettre aux spectateurs de sécher les larmes qui glissaient sous leur masque, et c’était reparti de plus belle avec Je cours après Marie, dont les premières notes ont été chaudement applaudies.

« Je trippe très fort »

« Ce soir, je joue pour la première fois de ma vie un spectacle à moi, au MTELUS, et je trippe très fort », a lancé M. Michaud. Son équipage d’expérience était aussi composé de Marc Chartrain (batterie), Mark Hébert (basse) et Simon Pedneault (guitares). Tout ce beau monde connivent, dirigé par Alex McMahon, avait travaillé en studio sur l’album paru le 24 septembre dernier.

Dans la veine de ses inspirateurs Michel Rivard et Richard Desjardins, Patrice Michaud aime raconter posément entre deux turbulences. Le chanteur, guidé par des mécaniques générales et conseillé au script par François Avard, se laisse néanmoins un peu d’espace pour poser des questions, improviser, rebondir. L’animateur des variétés du dimanche de Star Académie a sans doute aiguisé son sens de la répartie dans les studios Mel’s.

Il fait le récit de la sonde Voyager 1 avant de propulser Golden Record ou quémande – à la blague – des applaudissements lorsqu’il évoque le mariage de ses parents pour introduire la délicieusement romantique 1977. Tous les passagers présents au MTELUS semblaient « heureux comme un chien dans une boîte de camionnette », comme le veut la chanson, en partie inspirée par un vers de Dédé Fortin.

Les réactions du public étaient limitées par les places assises et les masques, mais les transitions, faites de cris et d’applaudissements, ne laissaient aucun doute sur l’appréciation générale.

Les corps n’ont toutefois pas résisté à une relecture de Living on My Own, de Freddie Mercury. C’est que le Gaspésien et sa bande ont fait le pari de revisiter, à chaque concert, une chanson qui se trouvait sur une vieille cassette retrouvée, soit l’essentiel de la trame sonore de l’aréna de Cap-Chat.

Ce moment de liesse allait insuffler l’énergie nécessaire pour l’enchaînement de Kamikaze et de Vous êtes ici, deux chouchoutes du public. « On avait tellement besoin de ça », a lancé Patrice Michaud avant de présenter Un point bleu pâle, spoken word écologiste auquel ont contribué sur disque et sur scène mardi les ex-académiciens Rosalie Ayotte et Shayan Heidari, « deux artistes à avoir à l’œil ».

La descente était amorcée, mais le public, « crinqué » par un caméo costumé en cosmonaute, en a redemandé. Il a obtenu La guerre de toi n’aura pas lieu et Mécaniques générales, succès de 2014. Les spectateurs se sont levés d’un bond et se sont mis à chanter en chœur, comme s’ils avaient été contraints et irrités par un trop long voyage de presque deux ans. Celui de deux heures, mardi, a eu l’effet exactement inverse : libérer et apaiser.

Et pourquoi pas un deuxième rappel pioché dans la fameuse cassette de Cap-Chat ? The Best, chanson de Bonnie Tyler propulsée par Tina Turner, a gardé le public à la verticale, galvanisé par l’apparition surprise du saxophoniste Luc Lemire.

Atterrissage réussi. « Allez voir des shows, merci d’être venus voir le mien ! », a conclu le capitaine. Les applaudissements, plus denses encore qu’au terme d’un vol Montréal-Punta Cana, résonnaient comme un « Enfin ! » unanime.

Grand voyage désorganisé sera présenté un peu partout au Québec et reviendra à Montréal le 15 juin 2022 dans le cadre des Francos.

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