Opinion  Transition énergétique Québec

Une occasion à saisir

La création de l’organisme Transition énergétique Québec est une bonne nouvelle, mais des lacunes importantes restent à corriger

Le Québec a globalement raté ses objectifs d’efficacité énergétique pour la période 2006-2015 : environ 40 % de l’objectif visé a été atteint.

La gestion de l’efficacité énergétique durant cette période était éclatée entre Hydro-Québec, Gaz Métro et le Bureau de l’efficacité et de l’innovation énergétiques, sans qu’une approche globale et cohérente émerge. Principale conséquence : seulement une fraction des sommes investies est allée au transport, le secteur où l’énergie coûte le plus cher et pollue le plus. 

Ces constats sont quelques-uns des éléments détaillés dans un rapport de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à paraître début septembre.

Pour remédier à cette situation déplorable, un projet de loi sera discuté cette semaine à Québec afin de préparer la mise en œuvre de la nouvelle politique énergétique 2030, qui propose des cibles ambitieuses. C’est une bonne nouvelle. La pièce maîtresse de ce projet de loi est la création d’un nouvel organisme, dont le nom témoigne de l’ambition du gouvernement : Transition énergétique Québec (TEQ). 

Cet organisme, relevant du ministère de l’Énergie et des ressources naturelles (MERN), aura pour mission de s’assurer que les cibles du gouvernement soient atteintes. Elle aura surtout à l’œil la cible assez radicale de diminuer de 40 % la consommation de produits pétroliers d’ici 2030. 

L’outil principal de TEQ sera un « plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques », d’une durée de cinq ans, qui coordonnera et fera le suivi des programmes et mesures nécessaires pour atteindre les cibles.

Pour la première fois, le Québec aura donc non seulement des cibles, mais un organisme responsable de planifier de manière globale comment les atteindre, sur un horizon plus grand qu’un mandat électoral.

Le TEQ devra documenter annuellement le financement requis ainsi que l’état de la situation énergétique du Québec. Si les choses ne vont pas comme il faut, cet organisme relevant du gouvernement sera là pour tirer la sonnette d’alarme et rectifier le tir. Félicitons le gouvernement pour son intention de créer TEQ !

LACUNES MAJEURES

Malheureusement, le projet de loi souffre d’au moins deux lacunes majeures. La première, c’est qu’au lieu de simplifier la gouvernance de la transition énergétique, le gouvernement crée une nouvelle structure qui duplique certaines initiatives visant des objectifs similaires. La seconde, c’est que loin d’être un organisme indépendant, TEQ sera constamment exposée à de possibles ingérences politiques qui pourraient la détourner de sa mission.

Voyons d’abord la duplication des initiatives. Au Québec, les émissions de gaz à effet de serre (GES) proviennent à 70 % de la combustion d’hydrocarbures, principalement des produits pétroliers (essence et diesel). Près de 80 % de ces produits pétroliers sont utilisés en transport. C’est donc dire que si l’on cherche à réduire les émissions de GES, on a le même objectif que celui de la diminution de la consommation de produits pétroliers, et on ne pourra rien faire sans toucher le secteur du transport. 

Il aurait donc été logique, et souhaitable, que le plan d’action sur les changements climatiques (PACC), financé par le Fonds vert, ne fasse qu’un avec TEQ. Il n’en est rien.

C’est d’autant plus étrange que la gouvernance du Fonds vert est elle aussi en refonte : un « conseil de gestion du Fonds vert » est en voie d’être créé, qui aura sensiblement le même mandat que TEQ, soit s’assurer que l’argent pour réduire la consommation d’hydrocarbures (les émissions de GES) est bien dépensé. 

Quant au ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports, qui devrait être au cœur de la révolution permettant d’effectuer la transition énergétique, il n’est pas impliqué dans TEQ, et de loin dans le PACC. Trois ministères, donc, qui veulent chacun garder leur budget et leurs pouvoirs, sans unir leurs efforts pour atteindre l’objectif commun.

COMMANDES POLITIQUES

Voyons ensuite les risques d’ingérence politique. Le fonctionnement de TEQ sera soumis à l’approbation du MERN, qui pourra notamment changer « à tout moment » le fameux plan directeur de TEQ. Cela signifie donc que TEQ sera constamment à risque de devoir répondre à des commandes politiques, qui n’auront malheureusement pas un impact optimal sur la transition énergétique. 

Pire, il suffirait qu’une élection survienne et qu’un Donald Trump québécois devienne ministre de l’Énergie pour qu’une nouvelle cible soit prioritaire, par exemple celle de construire des casinos LEED à travers le Québec. La transition pourrait être repoussée sans fin.

Bravo au gouvernement Couillard pour les cibles de transition énergétique. Mais assurons-nous que TEQ réunisse toutes les forces du changement et ne soit pas soumise aux éventuels caprices d’un ministre mal choisi. Ce n’est qu’un projet de loi que nous avons : la loi à écrire devra remédier à ces lacunes.

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