Parlons guenilles

Nous on est dans le vent !

… chantait le beau Pierre Lalonde dans les années 60. J’ai souvenir également que Donald Lautrec (un autre beau) était tellement dans le vent, dans une publicité pour le sirop Lambert, qu’il devait nouer son écharpe plus près du cou. Si l’expression est désuète, dans des temps pourtant pas si lointains, tout et tout le monde étaient dans le vent. C’est un des avantages au fait de prendre de l’âge : tant de souvenirs de brocante à radoter, la larme à l’œil.

À l’époque du yéyé, du vent et du gogo, j’étais bien jeune, mais j’ai emmagasiné beaucoup de chansons, d’anecdotes et d’images en Ektachrome, réminiscences aux couleurs à peine délavées.

Scoop et primeur, j’ai eu le bonheur de voir un aperçu de Mode Expo 7 qui débutera le 17 mars au musée McCord. Le bruit ayant couru que je ramasse et raffole des vêtements de cette formidable période, on m’a proposé d’être ambassadrice de l’exposition. Surprise, stupeur et joie, j’ai vu, dans les derniers préparatifs, et ce, malgré quelques housses protégeant les précieuses reliques, un décor pop art et un riche échantillonnage de la mode canadienne à l’honneur pendant Expo 67.

Les fameux uniformes d’hôtesses, créés par Michel Robichaud, et d’autres vêtements modernes et élégants signés Marielle Fleury, Jacques de Montjoye, Serge et Réal et John Warden. Des designers de renom conçurent les uniformes d’hôtesses des pavillons des pays invités : Bill Blass pour les États-Unis, Jean-Louis Scherrer pour les hôtesses du pavillon de la France, entre autres.

Effervescence et fierté ; la mode était à la mode. Tout le monde sur son 31 pour accueillir le Monde chez nous. Vous verrez les robes de Mme Drapeau (assez chic, pour une rencontre avec la princesse Grace de Monaco), des confections d’avant-garde, quelques clins d’œil à notre folklore et même des dessins de mode commentant l’actualité de 1967.

Peut-être aurez-vous envie, à la vue de ces beautés, de retourner aux lignes pures, aux tissus qui ont du corps et de la tenue et aux jolis accessoires simples et délicats ; une boucle à la ceinture, de gros boutons colorés, un bibi pour compléter la tenue et, aux pieds, de petits talons carrés pour trotter aisément d’île en île. La confection est impeccable, fallait-il qu’un costume soit résistant pour être porté pendant six mois ? Et, ce qui me touche particulièrement, il y a de la couleur, des couleurs franches et pimpantes, à l’ère du gris et noir qui sévit, c’est un vrai baume.

Que vous ayez vu et vécu l’époque ou que cette exposition soit une découverte, partout, dans les mosaïques de photos et dans les archives filmées, vous verrez que les visiteurs aussi s’habillaient pour leur visite : lunettes de soleil, petits sacs en vinyle, chapeaux de paille stylisés. Le public avait véritablement répondu à l’appel, les femmes avaient écouté les reportages suggérant « quoi porter pour visiter Expo 67 » et les défilés de mode quotidiens présentés sur le site donnaient envie d’être beau. Quelle formidable vitrine pour la mode c’était !

Certains de ces créateurs étant toujours parmi nous, un devoir de mémoire s’impose : chapeau messieurs-dames, vous fûtes les acteurs d’une révolution.

J’aime peut-être cette période parce qu’au fond, je n’ai pas vraiment pu porter la mode qui y était rattachée, mais je continue à la découvrir et à l’exploiter à chaque occasion qui m’est donnée. C’est peut-être pour cette raison que j’ai une fausse sœur et un alter ego chantant (si vous ne connaissez pas notre musique, courez chercher nos 45 tours chez votre disquaire, demandez Les Galipeau’s !), le plaisir sans fin de replonger en musique et de porter des robes des années 60.

Oui, vous viendrez faire un tour au musée McCord. Peut-être avec une petite jupe ligne A, une robe trapèze ou un imperméable à grosses rayures aux teintes toniques. Pour ma part, j’hésite encore : devrais-je porter une robe ayant appartenu à la femme de l’ambassadeur de Grande-Bretagne, cousue main et achetée dans une vente de succession, ou bien une robe de satin jaune avec une bordure brodée qui venait de chez Lily Simon Montréal ? À moins que, par une chance extraordinaire, je déniche une robe signée Michel Robichaud, elles ne peuvent pas toutes être au musée…

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