Opinion

Il faut appuyer Montréal, ville de mode

Le 20 mars dernier s’est tenue à la Société des arts technologiques la 11e édition du Fashion Preview. Une édition qui s’est déroulée cette année sur une seule soirée, comparativement aux habituels trois soirs. Dans le milieu, il y a une inquiétude quant à l’avenir de cette manifestation alors que son rôle est essentiel pour conforter le positionnement de Montréal, ville de mode.

D’abord, mettons les choses au clair. Montréal ne sera jamais Paris, Milan ou New York en termes de positionnement sur l’échiquier des villes de mode. Elle se présente plutôt comme un écosystème de mode différent, créatif et inspirant. La force de Montréal, c’est la présence sur son territoire de tous les maillons d’une industrie forte et innovante : une base manufacturière, un bassin de créativité et de designers, reconnu mondialement, des organismes de soutien, des écoles de mode, des partenaires tout au long de la filière mode-habillement et une grande expertise dans certaines matières comme la fourrure.

Ce qui manque par contre, c’est deux choses. Premièrement, une masse suffisante de consommateurs éduqués, conscientisés par l’existence de cette mode locale et consommatrice de ses produits, mais ça, c’est un autre défi à relever. Deuxièmement, le rôle des pouvoirs publics qui doivent assumer une forme de leadership autour duquel s’unissent les différents autres acteurs.

Il est évidemment question d’argent, mais surtout de stratégies judicieuses pour donner un coup de main à cette industrie.

Dans une ère où l’on parle beaucoup des retombées d’événements culturels et sportifs, on devrait avoir la même approche. Jouer de façon intelligente ses pions pour soutenir et positionner différemment Montréal comme ville de mode ne peut que renforcer, plus généralement, l’ADN de Montréal comme ville d’art et de culture, inspirante, innovatrice et avant-gardiste. D’ailleurs, dans le prestigieux journal Le Monde du 7 mars dernier, Bassel Aatallah, un des fondateurs de SSENSE, entreprise mondialement connue située dans le quartier Chabanel, a affirmé qu’« avec son côté multiculturel et alternatif, Montréal, c’est le Berlin de l’Amérique du Nord ! ».

Aider à garder des événements comme le Fashion Preview (ou d'autres types d’événements mettant de l’avant le talent d’ici en design) perpétue le positionnement de notre ville comme ville de mode, participe à l’éducation et à la notoriété de la mode d’ici et en inspire d’autres à poursuivre dans la même lignée. D’ailleurs, mardi dernier, on évoquait dans La Presse+ la présence de deux talents montréalais, Emeric Tchatchoua, de 3.Paradis, et Marie-Ève Lecavalier (tous deux passés par l’École supérieure de mode de l’ESG UQAM), dans la courte liste des finalistes du prestigieux prix LVMH.

Un historique gagnant

Dans le passé, l’intervention des gouvernements a donné de très bons résultats. Citons en exemple le Programme des industries canadiennes du textile et du vêtement (PICTV), doté de 33 millions de dollars sur quatre ans (de 2002 à 2006), puis prolongé jusqu’en 2010. Ce programme a aidé plusieurs entreprises à revoir leur stratégie et à investir dans différents aspects pour demeurer compétitives dans un contexte d’ouverture des marchés.

Il faudra réfléchir sur les meilleures façons de soutenir les talents d’ici pour éviter que ce soient toujours les mêmes qui bénéficient d’aides, sans pour autant commencer à subventionner tout le monde.

Le leadership des pouvoirs publics et notamment de la Ville de Montréal et de la Communauté métropolitaine de Montréal devrait aussi inspirer et pousser les acteurs privés à s’investir d’une façon ou d’une autre, comme certains le font déjà à travers la grappe mode. Que ce soit en France, en Italie ou aux États-Unis, le secteur privé s’implique de façon active. L’idée étant qu’à long terme cet investissement rejaillira sur l’ensemble de l’industrie.

Un des rares exemples de leadership assumé par les entreprises locales est celui de Simons qui a mis en place et accéléré ces derniers temps des collaborations avec les designers locaux (Philippe Dubuc, Markantoine, Marie-Ève Lecavalier). Ces initiatives constituent de véritables bouffés d’air pour les créateurs d’ici qui bénéficient d’un soutien financier et d’une augmentation de leur notoriété tout en permettant à l’entreprise d’asseoir son engagement envers le Québec et de poursuivre une sorte de patriotisme économique.

Ayons alors une vision à long terme, investissons dans le potentiel créatif des entreprises d’ici et participons à renforcer le positionnement de Montréal comme un écosystème inspirant et avant-gardiste de la mode.

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