Entrevue avec le nouveau président du Collège des médecins

Objectif : « retrouver l’estime du public »

Lors de sa première visite dans les luxueux bureaux du Collège des médecins situés au 35e étage d’une prestigieuse tour du centre-ville de Montréal, le Dr Mauril Gaudreault s’est passé la réflexion : « Ça n’aide pas. »

Le Dr Gaudreault vient d’être nommé à la tête de son ordre professionnel après une carrière de 40 ans comme médecin de famille à Chicoutimi et professeur titulaire de l’Université de Sherbrooke.

Une perception du « médecin dans la tour d’ivoire » se dégage des lieux : les planchers d’un blanc immaculé, la vue imprenable à la fois sur le mont Royal et le Vieux-Port, les vastes espaces de travail épurés et lumineux.

« Ça n’aide pas », donc, à atteindre l’objectif qu’il s’est fixé de « renverser les perceptions et faire en sorte que les médecins et la profession médicale retrouvent l’estime du public ».

« Regarde, le public est tout en bas », lui a d’ailleurs souligné sa conjointe à qui il faisait visiter l’endroit, le week-end dernier, alors qu’ils admiraient la vue à couper le souffle sur la métropole.

L’image publique des médecins québécois a été particulièrement malmenée ces dernières années, note le Dr Gaudreault.

Les primes accordées à certains médecins, les hausses de rémunération et les difficultés d’accès à un médecin sont dénoncées dans les médias et sur les réseaux sociaux depuis plusieurs mois.

« Je propose de bâtir un Collège nouveau qui met le public au centre de ses préoccupations et qui est reconnu comme tel par la population », a expliqué le Dr Gaudreault en entrevue à La Presse, plus tôt cette semaine.

Le Collège traîne la réputation, déplore-t-il, d’être là pour protéger ses membres au détriment du public.

Et la perception négative envers le Collège est également répandue chez les médecins eux-mêmes, croit le Dr Gaudreault. « Quand tu reçois une enveloppe du Collège, tu crains d’apprendre qu’un patient te poursuit », illustre-t-il.

Il devra donc travailler sur les deux fronts.

« On est perçus négativement par la population et négativement par les membres. Pourquoi on en est arrivés là ? Je pense que c’est un problème de communication. »

— Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins

Si des médecins vivent des difficultés d’ordre psychologique, organisationnel, personnel ou encore professionnel, le Dr Gaudreault aimerait que le Collège soit là pour les aider plutôt que de leur inspirer de la crainte.

Le Dr Gaudreault s’est fait élire par les administrateurs du Collège en promettant notamment d’organiser une tournée du Québec dès l’an prochain pour aller à la rencontre de la population.

« Je tiens à faire cette démarche de consultation citoyenne pour voir l’ampleur des défis qu’on a à relever. Je m’attends à ce qu’il y ait des commentaires voulant qu’on devrait faire plus de choses pour protéger le public », dit celui qui a siégé 10 ans au conseil d’administration de l’ordre professionnel avant d’en devenir le président.

Le Dr Gaudreault veut que son ordre professionnel devienne « un acteur social majeur, soucieux et capable de se prononcer publiquement sur de grands enjeux de la société en santé ».

« Pour moi, la santé, ce n’est pas juste entre le patient et son médecin. Ça englobe l’éducation, la lutte contre la pauvreté, l’environnement, explique-t-il. Il ne faut pas avoir peur de se prononcer, ce que selon moi, dans le passé, le Collège a eu peur de faire à certaines occasions. »

— Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins

Si le gouvernement prend une décision qui va à l’encontre de la santé publique, par exemple, le Collège devrait avoir le courage de le dénoncer haut et fort, plaide-t-il.

Une minorité qui entache la réputation

Les médecins qui facturent des frais déraisonnables aux patients, comme cet ophtalmologiste de la Beauce qui facturait à ses patients 30 $ des gouttes qui valaient entre 0,70 $ et 3,84 $, nuisent à la réputation de la grande majorité des médecins animés par des valeurs de bienveillance, d’honnêteté et de rigueur, croit le Dr Gaudreault.

« Quand je parle de responsabilité sociale, c’est de ça que je parle aussi, souligne-t-il. Heureusement, on parle d’une minorité. »

Lorsqu’on lui souligne que son prédécesseur à la tête du Collège des médecins, le Dr Charles Bernard, a gagné un total de 643 212 $ au cours de la dernière année, le Dr Gaudreault concède que « ça n’aide pas », non plus, à améliorer la perception que le public a de la profession médicale. Il apporte toutefois un bémol : le Dr Bernard cumulait les fonctions de président et de directeur général.

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