OPINION adolescence

Du Tanguy à l’adulescent, le pédiatre Jean-François Chicoine réfléchit sur les nombreux mythes à propos du monde des teens.

Opinion

La main sur l’épaule

Paix et amitiés aux familles dévastées et terrorisées qui ont été et seront pour toujours ses victimes : à Québec, cette semaine, il semble qu’on ait échappé une adolescence.

Vingt-sept ans qu’il a maintenant, le grand jeune, celui qu’on décrit comme un p’tit cul fuyant. À la télé, il a encore cet air d’ange des garçons immatures, qui sont pernicieusement forgés de pureté dangereuse et d’insécurité évitante. Par qui, par quoi, par ses brisures affectives, par les cognitions négatives de son cerveau, par l’ambiance des médias et des réseaux sociaux, par le président ?

Depuis des années sans doute, il cherchait, il tempêtait, il projetait, il clivait, il croulait sous la honte et détestait.

Je ne dis pas qu’un parent, un ami, un éducateur, un psychologue aurait pu soulager sa quête maudite. Je dis juste que j’espère qu’à travers ce que je ne sais pas de sa naissance, de son enfance, de sa vie d’écolier et des chamboulements physiques et psychiques de son adolescence, de ses sympathies pour le diable et de son agressivité alors encore passive, quelqu’un, quelque part, dans un moment du passé, même bref, aura eu l’audace de lui mettre la main sur l’épaule pour tenter de le réparer.

Alex, tu as soif, tu as faim ? Tu n’as pas à parler, mais tu peux parler si tu en as envie. Tu as juste à m’écouter, moi je vais parler, une heure, deux, j’ai tout mon temps. Tu peux m’aimer ou pas, c’est comme tu veux. Alex, écoute-moi bien, n’essaie pas de comprendre tout de suite, essaie de faire confiance, je sais c’est difficile, regarde-moi comme je te regarde. Tu fais juste répéter, imprimer dans ta tête ce que j’ai à te dire : 

On peut exister sans choisir d’être détesté.

On peut changer d’idée et choisir de se sentir en sécurité.

On peut s’apaiser sans détruire les autres.

« Il cherchait quelque chose sur mon visage. Il l’a scruté longuement et attentivement avant de s’adosser à la banquette. Quel qu’ait été l’objet de sa quête, il n’avait pas trouvé, ce qui a aussi paru, d’une certaine façon, le satisfaire. Il n’a pas souri. Mais il aurait fort pu. »

– Lionel Shiver, We Need to Talk About Kevin, 2003

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