Idées d’ailleurs

Des bouteilles de plastique contre un billet de métro

Coût d’un billet de métro, à Istanbul : 28 bouteilles de plastique ! Pour lutter contre la pollution, la métropole turque a commencé à installer des « gobeuses » dans ses stations de métro. Une mesure d’incitation inspirante pour repenser notre vieux système de consigne.

Les Stambouliotes peuvent désormais réduire leurs dépenses de transport en commun grâce au recyclage.

Dans le but de réduire la pollution causée par les déchets, la Ville d’Istanbul a commencé à installer des machines qui récupèrent les bouteilles de plastique et les canettes d’aluminium dans ses stations de métro, a rapporté le New York Times à l’automne.

Ces machines s’apparentent aux « gobeuses » qui récupèrent les contenants consignés dans nos supermarchés, bien qu’il ne s’agisse pas en Turquie du remboursement d’une consigne, mais bien d’une mesure d’incitation financière.

Pour chaque contenant ainsi récupéré, un crédit de quelques cents est accordé sur un titre de transport valide dans le métro, l’autobus et le tramway, ou encore pour accéder aux toilettes publiques.

Le New York Times a calculé qu’il faut rapporter 28 bouteilles de plastique de 1,5 litre pour bénéficier d’un aller simple ou un peu moins de canettes d’aluminium, qui ont une plus grande valeur.

Les participants les plus importants et réguliers auront même droit à des récompenses supplémentaires, comme des billets de théâtre gratuits, affirme le quotidien new-yorkais, citant le maire d’Istanbul, Mevlut Uysal.

Il faut dire que la Turquie fait piètre figure en matière de recyclage ; elle arrive bonne dernière, en Europe, alors qu’elle figure au troisième rang des pays qui produisent le plus de déchets sur le continent, a rapporté l’an dernier la firme britannique Expert Market.

L’installation des machines est en cours. À terme, il y en aura au moins une centaine dans quelque 25 endroits de la ville, principalement des stations de métro, mais aussi des écoles et des universités.

Idée d'ailleurs

L'avis de l'expert

Il n’y a pas meilleure façon d’amener les gens à récupérer leurs contenants qu’avec une mesure d’incitation financière, croit Karel Ménard.

Le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets voit donc d’un très bon œil l’idée mise en place à Istanbul et croit qu’il faudrait non seulement l’étudier, mais aussi l’adopter, « à la sauce québécoise ».

Le Québec devrait s’inspirer de l’initiative turque et en profiter pour « repenser et moderniser le système de consigne » en y ajoutant notamment les bouteilles d’eau, mais aussi les bouteilles de vin, a-t-il déclaré à La Presse lors d’un entretien téléphonique.

« Je suis dans une rue du Vieux-Montréal en ce moment et je vois des bouteilles d’eau partout ! », s’est-il exclamé.

Car si les Québécois récupèrent 95 % de leurs bouteilles de bière et 72 % de leurs contenants de boissons gazeuses, ce taux chute sous les 30 % pour les bouteilles d’eau, explique M. Ménard.

« Et récupérer ne veut pas dire recycler », insiste-t-il, précisant que bien des contenants de plastique se retrouvent mélangés au papier à leur sortie des centres de tri.

Ainsi, non seulement diminuent-ils la qualité du papier récupéré sur le marché, mais surtout ils se retrouvent à prendre finalement le chemin du site d’enfouissement.

Pour que le recyclage soit « vraiment efficace », il faut donc retourner les bouteilles « dans un flux dédié » où elles ne sont pas mêlées à d’autres matières, explique Karel Ménard, qui précise que « la matière pure peut aller directement chez le recycleur, donc elle a plus de valeur ».

C’est ce que permet la consigne.

Mais l’initiative stambouliote inspire Karel Ménard pour une autre raison, aussi : « C’est l’idée que l’argent de la consigne puisse être utilisé à d’autres fins », ce qu’il appelle la « consigne sociale ».

« Il y a des magasins au Québec qui ont des gobeuses où on peut faire le don du montant de la consigne à une organisation », illustre-t-il.

Dans certains pays, la consigne donne des crédits pour acheter dans des commerces locaux, poursuit-il.

L’utiliser pour les transports en commun permet de faire d’« une pierre deux coups » en aidant les plus démunis à se déplacer, tout en faisant un geste pour l’environnement, estime-t-il.

Les stations de métro ne seraient peut-être pas le meilleur endroit pour installer de telles machines à Montréal, reconnaît Karel Ménard : « L’idée, c’est de se déplacer rapidement, mais si on est bloqués aux gobeuses, on n’est pas avancés. »

Il suggère cependant de s’inspirer de « ce qui se fait dans d’autres provinces », où l’on vend des permis à des entreprises privées, qui obtiennent ainsi le droit de gérer profitablement les consignes et qui disposent de lieux appropriés pour le faire.

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