L’Économie dans le temps

Le dernier pouf !

La Champlain & St. Lawrence Railroad Company prolongera sa ligne jusqu’à Rouses Point, dans l’État de New York, en 1851, puis jusqu’à Saint-Lambert en 1852. Elle fusionnera avec la Montreal & New York en 1857, pour former la Montreal & Champlain. Celle-ci sera achetée par le Grand Tronc en 1872, elle-même intégrée au CN en 1923. La Champlain & St. Lawrence a enregistré des bénéfices durant ses 17 premières années d’exploitation. Vendue en 1849 pour 500 livres au Chemin à rails de l’Industrie et du Saint-Laurent, la vénérable locomotive Dorchester a encore toussé jusqu’en 1864, lorsque sa chaudière a explosé. Il n’en reste qu’une plaque d’identification trouvée dans un champ près de Joliette. On peut la voir, tout comme une réplique de la Dorchester, au musée ferroviaire de Saint-Constant.

L’économie dans le temps

Des rails en bois

Une débâcle économique fait cependant fuir les investisseurs potentiels. Là-dessus, Horatio Gates, premier président de la compagnie, est emporté par l’épidémie de choléra qui frappe Montréal en 1833. Pierce persévère et convainc le président de la Banque de Montréal Peter McGill et le brasseur John Molson, déjà au nombre des 74 fondateurs, d’investir massivement dans le projet. Ce dernier ne craint pas le progrès : il a lancé le premier vapeur sur le Saint-Laurent, en 1809.

William Casey, un ingénieur américain de 28 ans qui supervise en saison le creusage du canal de Chambly, est chargé d’établir le tracé de la voie.

Les rails sont des lisses de pin de 14 cm de largeur, jointes par des éclisses de fer boulonnées. Elles sont recouvertes d’une bande de roulement en fer de 9 cm de largeur et de 1,25 cm d’épaisseur.

Sur les traverses, entre les rails, on étend une couche de terre pour le passage des chevaux de trait qui prendraient le relais en cas de panne.

L’Économie dans le temps

UN CHEMIN DÉFONCÉ

Au début des années 30 (1830 !), le chemin qui reliait La Prairie, sur les rives du Saint-Laurent, à Saint-Jean, sur la rivière Richelieu, était en piètre état et souvent impraticable. Passage obligé entre Montréal et le trajet fluvial qui menait à New York par le lac Champlain et l’Hudson, c’était la voie la plus fréquentée de tout le Bas-Canada.

Un groupe de commerçants, mené par deux expatriés américains, Jason C. Pierce, marchand établi à Saint-Jean-sur-Richelieu, et Horatio Gates, importateur montréalais, trouve une solution : appliquer au Bas-Canada la technologie de George Stephenson. Le Britannique avait fait rouler le premier train digne de ce nom à peine cinq ans plus tôt, en 1825.

La Champlain & St. Lawrence Railroad Company reçoit sa charte en février 1832, malgré les réticences des législateurs du Bas-Canada, qui croient davantage en l’avenir du canal de Chambly, en cours de creusage. Parmi les 74 fondateurs, on ne compte que 6 Canadiens français.

L’Économie dans le temps

La machine

Les promoteurs font construire à Montréal le vapeur Princess Victoria et commandent en Angleterre une locomotive à Robert Stephenson, fils de George. Ce sera la 127e assemblée par son entreprise. La Dorchester – c’est son nom – coûte 1500 livres, ne pèse que 6 tonnes et roule sur quatre roues motrices de 120 cm. La machine de 4,1 m de longueur arrive en pièces détachées à Québec au printemps 1836. Expédiée par barge à Montréal, elle est assemblée dans les ateliers Molson.

Le premier essai est un échec. Il faut faire appel à un spécialiste américain, qui trouve vite le remède : mettre plus de bois dans le foyer.

Durant les nuits claires – c’est-à-dire discrètement –, la machine subit une série de tests qui révèlent sa fragilité. Dans les meilleures conditions, le bolide atteindra la vitesse de 48 km/h (mise en contexte : le sprinter Usain Bolt effleure les 45 km/h).

L’Économie dans le temps

Première saison rentable

À la fin de la saison, le 23 novembre, l’asthmatique et chétive Dorchester avait tout de même parcouru 13 800 km et transporté 15 929 passagers, en sus du fret. La vaillante locomotive avait toutefois montré ses limites. Dans la montée à partir du quai de Saint-Jean, le chétif engin devait se faire aider par un cheval blanc – un gros, tout de même –, ce qui donne une idée du manque de souffle du premier et de la vigueur du second.

Durant les soulèvements des patriotes de 1837 et 1838, la voie servira au transport de troupes et d’équipement britanniques – la première fois dans l’histoire où un chemin de fer a été utilisé pour des opérations militaires, ont noté certains.

Les banques du Bas-Canada ayant interrompu leurs activités, la Champlain & St. Lawrence fait alors imprimer sa propre devise à New York. Détail amusant : la valeur est également exprimée en devises américaine, française et britannique.

21 JUILLET 1836

LE PREMIER CHEMIN DE FER AU CANADA EST INAUGURÉ

Chaque semaine de l’été, La Presse+ revient sur un événement qui a marqué la petite ou la grande histoire économique durant la belle saison.

La locomotive, sans cabine, était poussive. Les rails étaient en bois bandé de fer. Le trajet n’avait que 22 km. Mais l’inauguration du premier chemin de fer au Canada, entre La Prairie et Saint-Jean-sur-Richelieu, il y a 180 ans, a marqué le point de départ d’une aventure économique qui dure encore.

Un chemin défoncé

Au début des années 30 (1830 !), le chemin qui reliait La Prairie, sur les rives du Saint-Laurent, à Saint-Jean, sur la rivière Richelieu, était en piètre état et souvent impraticable. Passage obligé entre Montréal et le trajet fluvial qui menait à New York par le lac Champlain et l’Hudson, c’était la voie la plus fréquentée de tout le Bas-Canada.

Un groupe de commerçants, mené par deux expatriés américains, Jason C. Pierce, marchand établi à Saint-Jean-sur-Richelieu, et Horatio Gates, importateur montréalais, trouve une solution : appliquer au Bas-Canada la technologie de George Stephenson. Le Britannique avait fait rouler le premier train digne de ce nom à peine cinq ans plus tôt, en 1825.

La Champlain & St. Lawrence Railroad Company reçoit sa charte en février 1832, malgré les réticences des législateurs du Bas-Canada, qui croient davantage en l’avenir du canal de Chambly, en cours de creusage. Parmi les 74 fondateurs, on ne compte que 6 Canadiens français.

Des rails en bois

Une débâcle économique fait cependant fuir les investisseurs potentiels. Là-dessus, Horatio Gates, premier président de la compagnie, est emporté par l’épidémie de choléra qui frappe Montréal en 1833. Pierce persévère et convainc le président de la Banque de Montréal Peter McGill et le brasseur John Molson, déjà au nombre des 74 fondateurs, d’investir massivement dans le projet. Ce dernier ne craint pas le progrès : il a lancé le premier vapeur sur le Saint-Laurent, en 1809.

William Casey, un ingénieur américain de 28 ans qui supervise en saison le creusage du canal de Chambly, est chargé d’établir le tracé de la voie.

Les rails sont des lisses de pin de 14 cm de largeur, jointes par des éclisses de fer boulonnées. Elles sont recouvertes d’une bande de roulement en fer de 9 cm de largeur et de 1,25 cm d’épaisseur.

Sur les traverses, entre les rails, on étend une couche de terre pour le passage des chevaux de trait qui prendraient le relais en cas de panne.

La machine

Les promoteurs font construire à Montréal le vapeur Princess Victoria et commandent en Angleterre une locomotive à Robert Stephenson, fils de George. Ce sera la 127e assemblée par son entreprise. La Dorchester – c’est son nom – coûte 1500 livres, ne pèse que 6 tonnes et roule sur quatre roues motrices de 120 cm. La machine de 4,1 m de longueur arrive en pièces détachées à Québec au printemps 1836. Expédiée par barge à Montréal, elle est assemblée dans les ateliers Molson.

Le premier essai est un échec. Il faut faire appel à un spécialiste américain, qui trouve vite le remède : mettre plus de bois dans le foyer.

Durant les nuits claires – c’est-à-dire discrètement –, la machine subit une série de tests qui révèlent sa fragilité. Dans les meilleures conditions, le bolide atteindra la vitesse de 48 km/h (mise en contexte : le sprinter Usain Bolt effleure les 45 km/h).

L’inauguration

Le 21 juillet 1836, jour de l’inauguration, le Princess Victoria transporte 330 invités du port de Montréal au quai de La Prairie. Parmi les notables, on compte le gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique, Lord Gosford, et Louis-Joseph Papineau, alors président de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada.

La locomotive, mal remise de ses efforts nocturnes, ne peut tracter que 2 voitures et 32 passagers jusqu’à Saint-Jean, à la décoiffante vitesse moyenne de 23 km/h. Des voitures de train tirées par des chevaux amènent les autres invités jusqu’au banquet organisé dans le nouveau hangar.

Le service est lancé le 25 juillet. Le 23, les journaux montréalais publient l’horaire des départs et traversées – le premier indicateur de chemin de fer de l’histoire canadienne.

Première saison rentable

À la fin de la saison, le 23 novembre, l’asthmatique et chétive Dorchester avait tout de même parcouru 13 800 km et transporté 15 929 passagers, en sus du fret.

La vaillante locomotive avait toutefois montré ses limites. Dans la montée à partir du quai de Saint-Jean, le chétif engin devait se faire aider par un cheval blanc – un gros, tout de même –, ce qui donne une idée du manque de souffle du premier et de la vigueur du second.

Durant les soulèvements des patriotes de 1837 et 1838, la voie servira au transport de troupes et d’équipement britanniques – la première fois dans l’histoire où un chemin de fer a été utilisé pour des opérations militaires, ont noté certains.

Les banques du Bas-Canada ayant interrompu leurs activités, la Champlain & St. Lawrence fait alors imprimer sa propre devise à New York. Détail amusant : la valeur est également exprimée en devises américaine, française et britannique.

Le dernier pouf !

La Champlain & St. Lawrence Railroad Company prolongera sa ligne jusqu’à Rouses Point, dans l’État de New York, en 1851, puis jusqu’à Saint-Lambert en 1852. Elle fusionnera avec la Montreal & New York en 1857, pour former la Montreal & Champlain. Celle-ci sera achetée par le Grand Tronc en 1872, elle-même intégrée au CN en 1923.

La Champlain & St. Lawrence a enregistré des bénéfices durant ses 17 premières années d’exploitation.

Vendue en 1849 pour 500 livres au Chemin à rails de l’Industrie et du Saint-Laurent, la vénérable locomotive Dorchester a encore toussé jusqu’en 1864, lorsque sa chaudière a explosé. Il n’en reste qu’une plaque d’identification trouvée dans un champ près de Joliette.

On peut la voir, tout comme une réplique de la Dorchester, au musée ferroviaire de Saint-Constant.

L’économie dans le temps

L’inauguration

Le 21 juillet 1836, jour de l’inauguration, le Princess Victoria transporte 330 invités du port de Montréal au quai de La Prairie. Parmi les notables, on compte le gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique, Lord Gosford, et Louis-Joseph Papineau, alors président de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada.

La locomotive, mal remise de ses efforts nocturnes, ne peut tracter que 2 voitures et 32 passagers jusqu’à Saint-Jean, à la décoiffante vitesse moyenne de 23 km/h. Des voitures de train tirées par des chevaux amènent les autres invités jusqu’au banquet organisé dans le nouveau hangar.

Le service est lancé le 25 juillet. Le 23, les journaux montréalais publient l’horaire des départs et traversées – le premier indicateur de chemin de fer de l’histoire canadienne.

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