Génie Construction

L’« industrie a eu un œil au beurre noir »

Un projet de grappe industrielle du secteur de la construction devrait voir le jour à l’été 2019

L’industrie de la construction échafaude depuis trois ans un projet « rassembleur » qui devrait mener à la création d’une première grappe industrielle d’ici à l’été.

« On y arrive bientôt », confirme Benjamin Laplatte, chargé de projet au Conseil du patronat du Québec, l’organisme représentant les employeurs dans cette démarche de concertation guidée par le ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec.

Selon lui, les consultations menées à Québec et à Montréal auprès des divers intervenants de l’industrie ont permis, jusqu’à présent, de cerner les principaux enjeux et de faire les constats qui s’imposent.

« Chose certaine, ce secteur d’activité accuse du retard en matière de productivité et d’innovation technologique », résume le chargé de projet.

Il ajoute : « Pendant longtemps, ceux qui y évoluent ont travaillé de façon traditionnelle, chacun dans son coin, chacun selon son expertise. Mais les temps changent, et il faut se servir des outils technologiques disponibles. »

redorer son image

Au-delà de la volonté de se mettre à niveau, les principaux acteurs (donneurs d’ouvrage, ingénieurs, architectes, entrepreneurs généraux, métiers spécialisés, sous-traitants, syndicats) disent souhaiter redorer l’image de l’industrie de la construction, entachée par les scandales de corruption et d’abus de confiance qui ont miné sa réputation au cours des dernières années.

« On le sait, c’est une industrie qui a eu un œil au beurre noir, qui a été durement touchée. Les employeurs, la Commission de la construction du Québec, les syndicats, tout le monde travaille pour que cette industrie écorchée retrouve ses lettres de noblesse. » 

— Benjamin Laplatte

La grappe de la construction permettra, notamment, de concevoir un plan stratégique avec des objectifs à atteindre sur une période de trois à cinq ans. « On vise un plus grand rayonnement à l’international, ça fait partie des priorités, relève le chargé de projet impliqué depuis 2016 dans les consultations menées auprès des intervenants. Il est également question de qualité, de durabilité, de main-d’œuvre et de formation. »

Le Conseil du patronat, et les associations d’entrepreneurs qu’elle représente, n’est pas sans savoir, par ailleurs, que la concurrence qui vient de l’étranger, que ce soit des États-Unis ou d’Europe, oblige les entreprises du secteur à réévaluer leurs forces et leurs faiblesses, mais aussi à trouver des façons innovantes pour se regrouper, dans l’obtention de projets réalisés en collaboration.

« On reconnaît qu’il est préférable de mieux s’outiller, mieux s’armer, pour adapter nos pratiques, les mettre au même niveau que les concurrents de l’extérieur du pays », fait valoir M. Laplatte.

Rappelons que dans son dernier budget, Québec a alloué une somme de 1,4 million pour financer la nouvelle grappe de la construction qui réunit près d’une vingtaine d’organisations de l’industrie.

Sortir du carcan québécois

Marc-André Bovet, président de Bone Structure, à Laval, croit au potentiel de la grappe de la construction. « Ça peut nous amener à travailler ensemble et à prendre conscience qu’on peut travailler sur des projets en collaboration, soulève l’entrepreneur. Il faut cesser de toujours se voir comme des concurrents. »

Il dit avoir observé « un vent de changement » au sein même de l’industrie. « Il y a un réel intérêt de voir bouger les choses, observe-t-il. Il est plus que temps qu’on cesse de nous coller l’étiquette d’un secteur où tout va de travers. On oublie qu’il se fait de très belles choses chez nous. On est capables d’innover, de créer. »

Il ne cache pas, cependant, que l’industrie de la construction au Québec est (encore) « trop souvent associée aux cônes orange, à l’échangeur Turcot et aux dépassements de coûts ».

« On a un problème d’image, déplore l’entrepreneur âgé de 59 ans. On entend rarement parler d’un projet d’envergure qui a été terminé à temps. »

Marc-André Bovet aimerait voir plus d’entreprises, et d’entrepreneurs, « sortir du carcan québécois » pour aller explorer de nouveaux marchés. Il dirige lui-même une PME présente sur le marché américain dans le secteur de la construction résidentielle et commerciale dans les structures en acier.

L’industrie de la construction en chiffres

269 500 emplois directs

27,3 milliards de dollars en contribution au PIB

Quatrième secteur de l’économie québécoise

Source : étude Deloitte/Conseil du patronat du Québec 2016)

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