La personnalité de la semaine

Isabelle Arsenault

Ses coups de crayon mettent en images des récits qui touchent au cœur. L’illustratrice et auteure Isabelle Arsenault a récemment obtenu un prix Ragazzi, Oscar du livre pour enfants, à Bologne. Celle qui compte une quinzaine de livres à son actif vient de lancer L’oiseau de Colette, et travaille sur plusieurs projets avec des éditeurs américains. Décidément, notre personnalité de la semaine n'a pas fini de nous conter des histoires. 

Il pleut lourdement et tristement sur Montréal, mais la boutique où l’illustratrice et auteure Isabelle Arsenault m’a donné rendez-vous, Comme des enfants, dans le Mile End, est un petit havre de douceur et nous fait oublier la grisaille. Ici, on est dans l’intelligence, le soin, à l’abri du commercialisme criard. Ici, les livres, les vêtements, les jouets pour enfants sont des objets confectionnés, pensés avec goût et respect pour la valeur du design, des artisans et des idées.

Et c’est exactement ce que projettent aussi les livres d’Isabelle. Des livres impeccablement imprimés et reliés, avec des matériaux de qualité, des dessins touchants et différents de ceux qu’on voit partout. Des histoires, que ce soit celles qu’elle illustre uniquement ou qu’elle écrit aussi, qui plongent dans le cœur tout en sachant parler avec une brillante lucidité aux enfants et aux ados. Ces œuvres lui ont valu bien des prix, dont un tout nouveau remis à la grande Foire du livre de jeunesse de Bologne au début d’avril, un Ragazzi dans la catégorie Livre d’art, pour Une berceuse en chiffon. Isabelle Arsenault, notre personnalité de la semaine, a illustré cette biographie de la sculptrice Louise Bourgeois, écrite par l’Américaine Amy Novesky, publiée en français à La Pastèque et en anglais chez Abrams.

Une splendeur sur une grande artiste, à lire même avec des yeux d’adulte.

Vendredi, l’illustratrice lançait officiellement à Montréal un nouvel ouvrage intitulé L’oiseau de Colette, publié en français encore aux Éditions de la Pastèque. Il faut dire que c’est la maison qu’a cofondée Frédéric Gauthier, son mari, avec qui elle a eu deux fils, de 10 et 13 ans. C’est d’eux que parle L’oiseau de Colette, de leur vie dans les ruelles du Mile End, explique-t-elle dans ce nouveau récit qui sera publié aussi aux États-Unis et deviendra une série.

Isabelle Arsenault, qui a grandi à Sept-Îles avant d’arriver à L’Île-Bizard via Québec à l’âge de 12 ans, a maintenant 39 ans et une quinzaine de livres à son actif, dont plusieurs ont été traduits, certains dans une quinzaine de langues. Elle a étudié les arts plastiques au cégep du Vieux Montréal avant de s’inscrire en design graphique à l’UQAM. Mais elle n’a jamais réellement travaillé en graphisme, explique-t-elle. L’illustration a vite pris le dessus. Dès sa sortie de l’université, elle a commencé à travailler avec l’agence Anna Goodson pour des illustrations à la pièce, avant de se diriger vers le livre avec l’arrivée de ses enfants. Aujourd’hui, elle travaille avec une agence de New York, Catbird, qui l’a contactée après avoir vu ses premiers livres. Cela a ouvert le marché américain pour Isabelle.

C’est ainsi qu’elle a pu travailler sur Une berceuse en chiffon, et maintenant plusieurs autres projets sont en route. L’oiseau de Colette est publié chez Penguin Random House et il y a aussi un projet de livre en marche avec Simon & Schuster, et encore un autre avec un éditeur de Seattle. Isabelle réussit donc à bien gagner sa vie grâce à son travail d’illustratrice, mais ça n’a pas toujours été facile. Les bourses sont plus rares pour ceux qui illustrent que pour ceux qui écrivent, explique-t-elle.

« Le travail d’illustrateur est trop souvent relégué au second plan. »

— Isabelle Arsenault

« J’ai eu la chance d’avoir des bourses du CALQ [Conseil des arts et des lettres du Québec]. C’est essentiel, ce soutien à la création », poursuit-elle. Grâce à cela, son livre Jane, le renard et moi, sur un texte de Fanny Britt, a pu exister, consolider sa présence comme artiste et donc participer au lancement de sa carrière. Qui prend son envol aux États-Unis, où il y a un bien plus grand marché et donc un plus grand potentiel de revenus.

Dans ce pays, dit-elle, les illustrateurs peuvent plus aisément vivre de leur art. Mais si elle n’avait pas eu ce coup de pouce de fonds publics au départ, dit l’artiste, tout ce processus n’aurait peut-être jamais pu être enclenché.

Isabelle Arsenault veut donc qu’on appuie davantage les artistes comme elle, et faire connaître l’importance de l’illustration comme outil de narration. Et pas uniquement dans les livres pour enfants. 

Tant de choses peuvent être expliquées, établies, explique-t-elle, par des images, des atmosphères. Elle fait référence au cinéma d’Alfred Hitchcock et à l’art de suggérer sans imposer, et ainsi de faire cheminer le lecteur ou le spectateur plus loin, dans sa propre imagination. « J’aime un livre quand tout n’est pas dit et quand l’illustration amène ailleurs. »

Et pour cette jeune mère qui voit comme nous tous les enfants embrasser l’électronique, le livre tout entier est et demeure crucial. Le livre papier. Celui que les enfants apprennent à prendre, à regarder, à partager, celui qu’on commence par leur raconter avant qu’ils volent de leurs propres ailes. Elle se rappelle l’époque où elle était enfant, à Sept-Îles, et que les livres arrivaient chez elle par la poste. « C’était une fête. » Elle aimait les Martine, les classiques, et aujourd’hui encore rêve d’illustrer Hansel et Gretel et Le lac des Cygnes. « J’aime les atmosphères un peu glauques », dit-elle. Et nous, on aime sa façon de rendre adorables ces atmosphères, qui finissent par nous faire rêver.

Isabelle Arsenault en quelques questions

Votre personnage historique préféré ?

Emily Dickinson

Votre personnage contemporain préféré ?

Tove Jansson, l’illustratrice finlandaise qui a créé les Moomins

Un livre préféré ?

Cinq mille kilomètres par seconde de Manuele Fior

Un film préféré ?

Eternal Sunshine of the Spotless Mind

Une citation préférée ?

« Lire, c’est écrire. » — Marguerite Duras

Si vous deviez aller manifester, pour quelle cause le feriez-vous et qu’est-ce qui serait écrit sur votre pancarte ?

Je manifesterais pour la protection de l’environnement, et sur ma pancarte je dirais : « Ne tuons pas la beauté du monde. »

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