« Nous devons mieux intégrer nos innovations au Québec »
L’organisation était passée de 250 membres à 40. La crise financière s’était traduite en fermetures de centres de recherche. Cela a pris quelques années pour retrouver un certain dynamisme. Cela va beaucoup mieux depuis 2015. Nous comptons à présent plus de 100 adhérents.
Des changements technologiques majeurs sont survenus, comme l’arrivée de la génomique qui a modifié le modèle d’affaires et la façon de développer les produits. Les nouveaux traitements sont de plus en plus adaptés au profil génétique des patients. Dans les prochaines années, l’intelligence artificielle jouera un rôle important pour accéder aux données du patient, et ainsi lui administrer un médicament personnalisé. Mais nous devons mieux intégrer nos innovations dans notre système de santé.
Au Québec, les sciences de la vie connaissent le même phénomène que les arts et la culture : pour se faire accepter ici, on a avantage à commencer par faire ailleurs. Des innovations québécoises sont intégrées aux systèmes de santé américain et européen, mais pas ici.
L’entreprise GenePOC, basée à Québec, a développé un test diagnostique qui indique rapidement si une infection est de type bactériologique ou viral. L’Ontario utilise ce test, développé grâce aux techniques de génomique du Dr Michel G. Bergeron… Mais au Québec, on utilise encore les tests qui prennent trois jours pour obtenir la même information. Oui, le test de GenePOC est plus cher, mais dès que le diagnostic est posé, on peut libérer un lit d’hôpital et envoyer le patient chez lui avec la bonne médication. Et ces coûts ne sont pas pris en compte lors des achats de tests.
Dans le dernier budget du gouvernement, il y a la volonté de créer un bureau favorisant l’intégration des innovations. Mais cela risque de prendre du temps. Et puis, nos entreprises manquent de financement à long terme. Au Québec, on est bon en recherche fondamentale, mais quand on part en production, cela se passe souvent à l’étranger. Le programme gouvernemental BioMed Propulsion, lancé l’hiver dernier, est un pas dans la bonne direction. Mais on aura besoin de plus que 20 millions de dollars par année.
Il ne faut pas se voir en concurrence, mais plutôt en collaboration. Nous devons développer nos relations avec les territoires qui bougent. C’est le cas de Boston. Nous sommes en train de finaliser une entente de collaboration avec MassBio, notre homologue du Massachusetts. Leurs entreprises s’intéressent au Québec, notamment pour notre offre de services de recherche et d’essais cliniques. Le Québec peut mettre en avant une qualité comparable à coût moindre. Et notre système public de santé facilite l’accessibilité aux données des patients, alors que le système américain crée des cloisons entre les hôpitaux et les chercheurs.
La volonté protectionniste de Donald Trump risque d’inciter de grandes entreprises à se concentrer davantage sur le marché américain, en délaissant les plus petits. Or, le Canada est bien un petit marché avec ses 35 millions d’habitants. Aussi, les coupes annoncées par le président américain en recherche fondamentale présentent une autre menace. Dans le monde, la recherche se fait en collaboration. Nos chercheurs travaillent beaucoup avec des chercheurs américains et européens. Quand une coupe survient dans ces pays, ce serait se mettre la tête dans le sable que de croire qu’il n’y aura pas d’impact ici.