diagnostics prénataux

Une évaluation du risque bien personnelle

« Même si les opérations pour corriger un bec de lièvre sont de plus en plus efficaces, certains parents ne peuvent pas accepter que leur enfant ait un défaut visuel sur le visage. À l’inverse, des parents qui savent que leur bébé ne pourra survivre que deux ou trois mois préfèrent néanmoins le garder », raconte Jennifer Fitzpatrick, conseillère en génétique à l’Hôpital juif de Montréal.

Chacun réagit à sa façon, selon ses valeurs et sa propre évaluation du risque.

Et cette évaluation n’est pas nécessairement la même que celle des médecins. En témoigne le récit de Léa.

« En mesurant l’atrium du cerveau de mon enfant, mon médecin a jugé qu’il dépassait les normes, pour un garçon. J’ai été dirigée vers un hôpital spécialisé. Là, le généticien m’a dit que les risques de trisomie étaient de 2 % et de retard mental, de 10 %. Le médecin a lourdement insisté pour que je fasse une amniocentèse et a tout de suite évoqué l’avortement, comme si c’était une évidence. J’étais enceinte de cinq mois, j’avais vu mon enfant, j’avais même fait une échographie en trois dimensions, il avait déjà un prénom. L’avortement, pour moi, était impensable. »

« J’ai refusé l’amniocentèse et, franchement, je trouvais les médecins pas mal freak. On parlait ici de millimètres de différences par rapport aux standards, on parlait de pourcentage de risque pas si élevé. »

— Léa

« Et les médecins, eux, de s’emballer, poursuit-elle, et de nous recommander de passer des tests génétiques, à la fois pour nous et notre bébé. »

Si elle était certaine de sa décision, Léa a néanmoins été angoissée pendant toute sa grossesse – en vain, finalement. « Mon enfant n’avait rien. »

Sarah et son conjoint ont eu beaucoup moins de chance. Pendant la grossesse, ils ont appris que le fœtus avait la maladie d’ichtyose liée à l’X. « C’est une maladie de peau très rare qui cause une peau en écaille. C’est très douloureux et aucun traitement n’est offert, à part une crème apaisante. »

Pour eux, « impossible de faire vivre cet enfer » à leur enfant, dit Sarah, qui a subi une interruption de grossesse à 23 semaines de gestation.

« Près de 64 heures se sont écoulées pendant mon accouchement…64 heures à penser qu’on était en train de mettre au monde un enfant de 23 semaines qui allait mourir. Mon conjoint est allé voir le petit avec les médecins. Moi, je m’en sentais incapable. »

Plus question pour elle d’avoir un autre enfant. « Les risques sont trop élevés de donner la maladie à mon prochain enfant. »

La décision la plus difficile de toute une vie

« La découverte d’une anomalie fœtale majeure place les parents devant la décision la plus importante et difficile de leur vie, puisque peu importe leur choix, le bébé fera toujours partie de leur vie », fait observer la Dre Valérie Désilets, généticienne.

« Nous tentons de leur donner l’information la plus juste possible, en faisant bien la distinction entre les certitudes et les doutes, entre ce qui est possible et ce qui est confirmé. »

— Dre Valérie Désilets, généticienne

« Vingt ans de pratique m’ont appris que l’on ne peut pas toujours rassurer les parents. Nous partageons ce que nous savons et nous offrons notre soutien en respectant les valeurs qui les guident », conclut la médecin.

Quand les soupçons de départ ne se confirment pas et que l’enfant n’a pas de problème, dit Marilyn Richard, conseillère en génétique à l’Hôpital général juif de Montréal, « les parents se disent que le médecin s’est trompé. Dans les faits, pour répondre au besoin d’information des parents, le médecin aura dit toute la gamme des possibilités, mais les parents, le plus souvent, n’entendent que les pires scénarios ».

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.