OPINION ALIMENTATION

Le monde selon Amazon

Amazon est un mastodonte. L’entreprise n’a jamais caché ses ambitions de devenir le plus grand détaillant du monde. Depuis ses débuts en 1994 avec son imposant effectif de 235 000 employés, Amazon a dérangé plusieurs secteurs de notre économie.

D’abord, le domaine du livre et ses librairies, puis les centres commerciaux et plusieurs détaillants bien connus ressentent les effets d’Amazon depuis fort longtemps. Mais avec l’achat récent de Whole Foods, Amazon risque de faire trembler le secteur de la distribution alimentaire, des deux côtés de la frontière.

Personne n’est surpris de voir Whole Foods passer entre les mains d’une autre entreprise. Mais le nom de l’acquéreur, Amazon, en étonne plusieurs. L’acquisition de Whole Foods s’inscrit dans la continuation d’une logique qui dure depuis déjà un certain temps. Amazon investit dans Amazon Go, un magasin sans caissier où quiconque peut prendre des produits et partir sans payer puisque les transactions s’effectuent par téléphone intelligent. Amazon a même développé de nouvelles marques privées afin de fidéliser sa clientèle.

Contrairement à d’autres détaillants, Amazon maîtrise bien la force des sciences de l’information. Elle tente de comprendre le client avant que le client comprenne ce qu’il cherche. 

Les algorithmes permettent à Amazon d’anticiper les achats, les comportements, les hésitations entre certaines marques, enfin tout. Amazon développe cette force mieux que quiconque. Les enseignes traditionnelles en alimentation commencent à peine à mieux comprendre le sens du marché, surtout pour l’achat en ligne. Pendant des années, les trois grands de l’alimentation, Loblaw, Sobeys et Metro, rejetaient toute possibilité d’adopter une stratégie énergique de commerce en ligne. Mais ces derniers temps, peu à peu, dans le but de défendre leurs acquis, les marchands traditionnels apprivoisent le monde virtuel de l’achat en ligne. La raison principale ? Amazon. Même Walmart se prête au jeu.

L’attrait de Whole Foods pour Amazon n’a rien à voir avec les quelque 450 magasins situés un peu partout en Amérique. D’ailleurs, loin d’Amazon l’idée de vouloir se diriger vers le magasin physique, mais cette acquisition offre une logistique en distribution. Whole Foods, reconnu pour être la façade d’une gigantesque filière biologique, donnera l’accès à son nouveau propriétaire à une capacité de production hors pair. Et puisque la production biologique est variable et difficile à gérer, Whole Foods offre à Amazon un avantage concurrentiel énorme sur d’autres concurrents, comme Walmart.

Cependant, Amazon demeure une énigme pour les investisseurs. Malgré le fait que ses revenus dépassent les 130 milliards, son niveau de profitabilité n’a jamais affiché de constance.

On remarque toutefois une profitabilité qui s’enregistre au cours de huit trimestres consécutifs. Depuis deux ans, Amazon démontre ainsi sa volonté d’attirer des investisseurs en devenant de plus en plus profitable. Son action valant pratiquement 1000 $ a sans aucun doute permis à Amazon d’acheter Whole Foods pour 13 milliards en argent comptant. Nous assistons de loin à la plus grosse transaction de la jeune histoire de l’entreprise.

Amazon veut devenir le plus grand détaillant au monde et y parviendra sûrement. Elle offre une variété incroyable de produits à prix avantageux et un service de livraison intraitable. Elle planifie même la livraison par drone afin de diminuer ses coûts. L’entreprise de Seattle a rapidement compris que pour atteindre son objectif, elle doit vendre des produits alimentaires. Le commerce de détail en alimentation en Amérique du Nord représente une affaire de plus de 900 milliards ; un trop gros secteur pour l’ignorer. De plus, l’achat alimentaire crée des habitudes. Amazon veut plus de clients, mais surtout, elle veut plus de clients fidèles.

En attendant, au Canada, les choses se corsent. Les grands distributeurs se font imposer une nouvelle cadence par des entreprises qui considèrent l’alimentation comme un élément secondaire à leur modèle.

Walmart, Costco et Amazon bouleversent le secteur. Walmart est maintenant le troisième détaillant alimentaire au Canada, ex æquo avec Metro.

Si la tendance se maintient, d’ici 20 ans, Walmart ravira la couronne du plus grand détaillant alimentaire à Loblaw. Walmart le fera par sa logistique. Mais les milléniaux domineront le marché dans environ 20 ans, cette génération qui a grandi avec l’internet et qui ne se gêne pas du tout pour acheter en ligne, même l’épicerie. Alors, le successeur de Walmart à titre du plus grand distributeur alimentaire pourrait bien être Amazon.

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