Accès à l’information

OBSTACLES EN SÉRIE

Les chercheurs québécois se heurtent à toutes sortes d’obstacles lorsqu’ils tentent d’accéder à des données gouvernementales, même anonymisées. Voici trois exemples tirés du mémoire du scientifique en chef du Québec.

CONGÉ DE MATERNITÉ ET SERVICES DE GARDE

CATHERINE HAECK

département des sciences économiques, UQAM

Dans le cadre d’un projet visant à mesurer l’impact du congé de maternité sur la santé des enfants, la chercheuse Catherine Haeck avait besoin de données de la RAMQ, dont la date de naissance. Il lui a fallu plus de deux ans pour obtenir ces données requises pour un projet financé par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC). Mme Haeck a eu moins de chance dans un autre projet financé par le FRQSC sur les garderies, celui-là, la Commission d’accès à l’information (CAI) lui ayant refusé l’accès aux codes postaux des services de garde en milieu familial. « C’est très difficile. Je consacre une partie énorme de mon temps à faire des demandes d’accès à l’information », dit-elle.

CANCER DE L’OVAIRE

ANNE-MARIE MES-MASSON

professeure au département de médecine de l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du CHUM

L’équipe de la Dre Mes-Masson a recueilli des échantillons de tumeurs de l’ovaire de plus de 6000 patientes, avec leur consentement. Cette biobanque sert à des recherches dont l’objectif est de découvrir des biomarqueurs et de nouvelles cibles thérapeutiques. Certaines recherches requièrent la date de mort des patientes, qu’on peut obtenir dans le registre des décès. Échaudée par l’obligation qui lui serait imposée de détruire cette donnée après un certain temps, l’équipe de la Dre Mes-Masson a décidé de ne pas s’adresser à la CAI et préfère chercher l’information dans les médias sociaux et les avis de décès. « Cette obligation [de destruction] n’est pas compatible avec la constitution d’une banque de tissus ayant pour objet de permettre à des dizaines de chercheurs d’explorer différentes hypothèses de recherche sur le cancer », peut-on lire dans le mémoire du scientifique en chef, qui estime que « la destruction de données pour seul motif de l’écoulement du temps constitue un gaspillage de ressources de recherche que le Québec ne peut pas se permettre ». 

« Il est très important d’exercer une vigilance avec les données publiques, même pour la recherche, dit la Dre Mes-Masson. Ce n’est pas un bar ouvert où n’importe qui peut se servir. Mais entre ça et le système actuel, il devrait y avoir un juste milieu. »

SUIVI DES ENFANTS

HÉLÈNE BEAUMONT

Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant (GRIP)

Deux études visant à identifier les facteurs de risque et de protection de l’enfant ont été rendues « quasiment impossibles » par le refus de la CAI (trois ans après la demande initiale aux organismes gouvernementaux) que des données envoyées par la Régie de l’assurance maladie ou le ministère de la Santé soient conservées dans des banques de données longitudinales, même si ces banques ne contiennent pas de renseignements permettant d’identifier des personnes. « Sans une telle conservation à long terme, il est impossible de mener ces études », fait-on valoir. L’organisme subventionnaire avait pourtant qualifié de « joyaux » les bases de données longitudinales du GRIP.

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