ANALYSE

Les faux pas de Danielle McCann

QUÉBEC — Elle n’a pas fait de gaffe. Ne s’est pas empêtrée dans ses déclarations. Mais la ministre de la Santé, Danielle McCann, est néanmoins « en observation » au sein du gouvernement de François Legault. Question de manque d’assurance, de déficit de leadership ; les nombreuses volte-face de la responsable du plus important budget du gouvernement ont allumé des voyants rouges sur le tableau de bord de François Legault.

Dans le réseau, on a soupiré de soulagement à sa nomination à la Santé, conscient qu’elle serait plus ouverte à la discussion que son prédécesseur, Gaétan Barrette, qui ne souffrait pas la contradiction. Chez les syndicats d’employés, on attend le prochain budget et les crédits de dépenses ; on verra alors si Québec a un plan d’action pour réduire la pression sur les infirmières, une facture potentielle de plus de 300 millions par année à terme. Les 17 « projets pilotes » mis en place sous Gaétan Barrette seront tous terminés à Pâques et jusqu’ici, le constat est unanime, il faut embaucher davantage. Il faudrait 5000 infirmières et un plan sur quelques années pour y arriver. Actuellement, les heures supplémentaires obligatoires sont encore généralisées dans les établissements.

Responsable de la régie de la santé à Montréal, pour y faire le ménage après David Levine, Mme McCann avait été congédiée sans appel par le péquiste Réjean Hébert, qui jugeait qu’elle manquait de leadership. D’autres voient plutôt que, issu de l’Université de Sherbrooke, le Dr Hébert voulait y placer Patricia Gauthier, venue du même réseau. Comme directrice générale du CSSS de Verdun, Mme McCann, formée au travail social, avait acquis une solide réputation – la solidité de la « première ligne » sur son territoire, la dispensation des soins à domicile, était citée en exemple.

Mais depuis sa nomination, tout en passant sous le radar, Mme McCann a accumulé les faux pas. 

Dans le réseau, les yeux se tournent vers le chef de cabinet sans connaissance du réseau de la santé, Denis Simard, un ancien des cabinets péquistes à l’époque de Lucien Bouchard.

Mme McCann avait, par exemple, annoncé dès décembre des cliniques contre la grippe, mais elles ne seront pas ouvertes avant plusieurs semaines. À la fin de l’année, les spécialistes en obstétrique et en neurologie ont eu une mauvaise surprise : les prestations d’assurance responsabilité normalement assumées par Québec n’avaient pas été payées.

Mme McCann a cédé aux arguments de la présidente des spécialistes, Diane Francœur, pour qu’elle mette de côté Manon Paquin, la fonctionnaire clé du ministère de la Santé, la négociatrice qui pouvait le mieux répliquer aux fédérations de médecins.

Récemment, elle a finalement donné le feu vert au projet d’hôpital à Vaudreuil. Elle avait mis le projet au placard pour des semaines, estimant qu’un autre site serait plus indiqué. L’établissement, promis pour 2022 par François Legault, a glissé jusqu’en 2026.

La ministre a aussi été retournée comme une crêpe par la Fédération des médecins spécialistes quand elle a promis de divulguer les noms des médecins qui avaient trop facturé à la Régie de l’assurance maladie. 

Elle n’est pas allée de l’avant même si elle en avait le pouvoir ; tout a été lancé dans la cour des tribunaux.

Quand le réseau a crié famine pour les budgets de soins à domicile, elle a spontanément lancé que tous les fonds nécessaires seraient débloqués – 64 millions cette année, 220 millions l’an prochain. Le Conseil du trésor aurait vite refermé la valve, et la ministre contrite a dû battre en retraite, les établissements de santé attendent toujours l’argent.

Autre passage délicat, elle a ordonné que le gouvernement rembourse le Spinraza, un médicament extrêmement coûteux, en dépit de la recommandation de l’Institut d’excellence en santé. Il faut dire que dans ce cas, elle était l’objet de fortes pressions ; les autres provinces couvrent cette molécule qui soigne l’amyotrophie spinale, une maladie génétique rare.

Mme McCann restera-t-elle longtemps en poste ? Le portefeuille de la Santé bouffait les politiciens jusqu’à l’arrivée de Gaétan Barrette, qui a fait tout le mandat sous Philippe Couillard. Cette fois, la ministre devra composer avec un environnement particulier. Car le responsable du Trésor, Christian Dubé, souhaitait à l’origine avoir le portefeuille de la Santé – Legault l’a satisfait en partie en lui confiant les négociations à venir avec les médecins.

signes religieux

Le débat sur les signes religieux crée des remous au PLQ

Sébastien Proulx songerait à partir pour cette raison, tandis qu’André Fortin prend du galon auprès de ses pairs

QUÉBEC — Le débat sur le port de signes religieux par les employés de l’État explique le manque d’enthousiasme du leader parlementaire libéral Sébastien Proulx à poursuivre sa carrière politique. L’unanimité récente des députés libéraux contre toute interdiction, en dépit de la proposition Bouchard-Taylor, témoigne de l’ascendant du député André Fortin sur les instances du PLQ.

Dans un reportage de La Presse, la semaine dernière, Sébastien Proulx reconnaissait ne pas être convaincu de terminer le mandat que lui ont confié les électeurs de Jean-Talon, il y a quatre mois. Derrière des portes closes, à la fin de janvier, l’ancien ministre de l’Éducation était pratiquement seul au sein du caucus libéral à pousser pour que son parti adopte la proposition du rapport Bouchard-Taylor pour dénouer le nœud gordien, la question au centre du débat politique québécois depuis désormais 10 ans. Son unique appui : l’ex-ministre de la Santé Gaétan Barrette. Les deux sont aussi favorables à ce qu’on enlève le crucifix de l’Assemblée nationale.

Pour MM. Proulx et Barrette, le PLQ doit prendre acte du verdict de la population lors des élections du 1er octobre et adopter des positions pour se rapprocher de la majorité francophone.

Seul député libéral élu dans une région très majoritairement francophone, M. Proulx a poussé devant ses pairs pour l’interdiction du port de signes religieux aux employés de l’État dotés d’un pouvoir de coercition, comme les juges, les policiers et les gardiens de prison, la proposition d’origine de Bouchard-Taylor. Il n’était pas favorable à l’idée d’élargir cette interdiction aux enseignants, comme le désire la Coalition avenir Québec, encore moins aux directeurs d’école, comme le propose le Parti québécois.

Mais la question a été évacuée sans affrontement lors du caucus du PLQ sur cette question, le 31 janvier. Porte-parole de son parti en la matière, l’ex-ministre Hélène David n’a pas pris position sous prétexte qu’elle animait la discussion. Alors que plusieurs élus s’attendaient à ce qu’on reporte la décision au moment du dépôt du projet de loi par le gouvernement Legault, Pierre Arcand a publiquement tiré un trait et dit que les députés restaient opposés aux interdictions.

Fortin consolide son emprise

Candidat à la succession de Philippe Couillard, André Fortin, élu dans l’Outaouais, était à l’évidence le porte-parole du camp majoritaire, qui soutenait que le PLQ devait continuer à prôner les libertés individuelles sur cette question. Issu du Parti libéral du Canada, il « joue la carte libérale classique », a confié un collègue.

Son adversaire probable, Dominique Anglade, est quant à elle restée plutôt vague sur cet enjeu délicat, « elle veut se donner le temps de réfléchir », a résumé un de ses proches.

L’ex-ministre Christine St-Pierre était clairement en faveur du maintien de la position du parti, tout comme les nombreux députés de l’Ouest-de-l’Île. À Laval, Francine Charbonneau ne s’est pas exprimée. Dans l’est de Montréal, Lise Thériault est restée vague, mais a soutenu qu’elle tenait à ce que le crucifix reste au Salon bleu, à l’Assemblée nationale.

André Fortin peut déjà compter dans les coulisses sur l’appui des anciens supporteurs de Pierre Moreau en 2013 – dont le chef intérimaire Pierre Arcand, désormais tenu à une neutralité officielle –, idem pour Filomena Rotiroti, la présidente du caucus.

C’est dans le bureau d’Arcand que s’est décidé le départ du directeur du PLQ, Sylvain Langis. Ce dernier avait souligné vouloir partir à la fin de son mandat de cinq ans, fin 2018. M. Arcand lui a demandé de rester en poste jusqu’en juin. Un appel de candidatures a été lancé, mais dans les cercles libéraux, il est déjà clair qu’Olivier Parent, ancien chef de cabinet de Pierre Moreau, sera choisi.

Atallah pose ses pions à l’interne

Dans la même mouvance, le président du PLQ, Antoine Atallah, pose ses pions. Son « conseiller spécial » sans poste précis au sein du parti, Jonathan Abecassis, ancien bras droit de Michael Applebaum, est sévèrement critiqué à l’interne. Après une réunion houleuse du conseil de direction du PLQ, le 27 janvier, Atallah a obtenu la majorité sur l’exécutif du PLQ, ce qui lui donne le contrôle des règles de nomination du futur chef.

Mais l’opération ne s’est pas faite sans heurts – à cette réunion, pendant plusieurs heures, le plan d’action de la direction et les militants se sont mesurés sur la nomination de Katherine Martin comme vice-présidente du PLQ. Issue du cabinet de Robert Poëti – un ancien supporteur de Pierre Moreau –, Mme Martin a été élue de justesse, un vote à 11 contre 11 qu’elle a remporté parce que la voix du président, M. Attalah, prévaut.

Comme le clan d’André Fortin, Attalah veut une course à la direction le plus tard possible, en 2021. Dans l’entourage de Dominique Anglade, on souhaite procéder plus rapidement.

Linda Caron a quitté la présidence de la commission politique, un poste pour lequel le fils de Jean Charest, Antoine Charest, a retiré sa candidature – le « comité de gouvernance » du parti a choisi Simon Papineau. La présidente de la commission politique, Émilie Nadeau, est aussi partie – déjà, elle n’avait pas digéré d’avoir été laissée sur le carreau par l’organisateur de la dernière campagne, Hugo Delorme.

interdiction des signes religieux

Andrés Fontecilla « à l’aise » avec la position de QS

Québec solidaire (QS) risque d’envoyer un « message négatif » aux immigrants en défendant les prescriptions du rapport Bouchard-Taylor, a reconnu le député Andrés Fontecilla, hier. Il reste toutefois « à l’aise » avec cette position de son parti. « Ça peut envoyer un message négatif, oui, parce que, objectivement, il y a une limitation d’un droit individuel », a convenu M. Fontecilla. « Mais il y a beaucoup d’immigrants qui comprennent aussi que les droits individuels ont aussi une limitation, a-t-il ajouté. Donc, je ne vais pas être absolutiste. Certains peuvent le percevoir de façon négative, mais d’autres peuvent le percevoir de façon plutôt positive. » Depuis plusieurs années, QS adhère à la recommandation phare de la commission Bouchard-Taylor, soit l’interdiction des signes religieux aux fonctionnaires ayant un pouvoir de coercition comme les juges, les policiers ou les procureurs de la Couronne. Le parti y voit une solution de « compromis ». À l’instar de plusieurs autres députés solidaires interrogés dans les dernières semaines, M. Fontecilla s’est dit prêt à continuer de défendre cette position. « Je pense qu’il y a certaines fonctions de l’État qui exigent un devoir de réserve absolu en apparence, et donc, oui, je me sens à l’aise avec cette position-là », a-t-il affirmé. — Martin Croteau, La Presse

Annulation de 18 000 dossiers en immigration

Québec contactera les demandeurs touchés

QUÉBEC — Un nouveau chapitre s’écrit dans le feuilleton de la réforme du système d’immigration. Critiqué pour avoir annulé près de 18 000 dossiers non traités qui s’empilaient depuis des années, Québec communiquera désormais avec les demandeurs pour les informer des nouvelles procédures à suivre.

« J’ai demandé au ministère de l’Immigration de contacter l’ensemble des candidats qui sont concernés par le remboursement des inventaires pour les informer des démarches à effectuer pour s’assurer que leur déclaration d’intérêt soit traitée », a dit hier le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette.

En mêlée de presse avant la période des questions, M. Jolin-Barrette a également accusé le Parti libéral de mener « une campagne de peur ». Plus tôt dans la journée, la critique libérale en matière d’immigration, Dominique Anglade, exigeait du ministre qu’il modifie le projet de loi 9 sur l’immigration, déposé la semaine dernière, afin de traiter les 18 000 dossiers plutôt que de les annuler.

« Pour les gens qui sont déjà sur le territoire québécois, qui parlent français et qui sont en emploi depuis 12 mois sur [un total de] 24 mois, ils ont [déjà] une voie rapide à laquelle ils peuvent adhérer. C’est le système d’expérience québécoise », a affirmé le ministre Jolin-Barrette hier.

En vertu de ce programme, a-t-il dit, les demandeurs qui remplissent les exigences requises par le Ministère obtiennent leur certificat de sélection du Québec (CSQ), nécessaire à l’obtention de la résidence permanente, en 20 jours ouvrables.

Les autres demandeurs dont les dossiers ont été annulés par la réforme du système d’immigration doivent déposer une déclaration d’intérêt auprès du Ministère. Québec invitera à l’avenir les candidats dont le profil socio-économique correspond aux besoins du marché du travail à entamer la procédure d’immigration officielle.

À terme, souhaite le gouvernement, le délai de traitement pour obtenir un CSQ doit passer de 36 mois (comme c’était le cas avec l’ancien régime) à 6 mois.

Une première pétition

Un couple de jeunes Colombiens qui craint de voir sa demande d’immigration au Québec mise de côté par le gouvernement de François Legault a lancé une pétition en ligne. Hier, en fin de journée, près de 5000 personnes avaient signé la lettre demandant l’annulation du projet de loi 9.

« Nous avons mis nos projets en pause en attendant une réponse [de Québec] et ce n’est pas juste que le ministère n’ai[t] pas la considération, ni le respect pour nous et [n’ait pas] pris le temps de vérifier nos dossiers. Ces 18 000 dossiers ne sont pas seulement des chiffres », peut-on lire dans la pétition mise en ligne sur le site Avaaz.org.

Par contre, puisque cette pétition électronique n’a pas été créée sur le site internet de l’Assemblée nationale, elle ne pourra pas être parrainée par un député afin d’être éventuellement déposée au Salon bleu.

— Avec Laura-Julie Perreault, La Presse

Maternelle 4 ans 

Le gouvernement doit abandonner son plan, dit l’opposition

Le gouvernement Legault doit renoncer à son plan de déploiement de la maternelle 4 ans partout au Québec devant le faible engouement des parents, estiment les partis de l’opposition. Ils brandissent le sondage publié hier dans La Presse et commandé par l’Association québécoise des centres de la petite enfance : un parent sur deux préfère le CPE, contre 19 %, la maternelle 4 ans. « C’est un projet ni souhaité par les parents, ni souhaitable pour les enfants, ni réalisable en termes de ressources », a plaidé la députée péquiste Véronique Hivon. « À part le premier ministre, qui veut des maternelles 4 ans mur à mur ? », a lancé de son côté la libérale Jennifer Maccarone. Pour l’élue de Québec solidaire Christine Labrie, Québec devrait « prendre acte de ce que les gens veulent et aller dans ce sens-là ». 

— Tommy Chouinard, La Presse

Ministère de l’Agriculture

La protectrice du citoyen enquête sur le congédiement de Louis Robert

La protectrice du citoyen, Marie Rinfret, enquête sur le congédiement du lanceur d’alerte Louis Robert, a-t-elle confirmé dans une lettre déposée à l’Assemblée nationale, hier. Elle a ainsi répondu favorablement à une demande formulée la semaine dernière par le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne. L’agronome, qui avait 32 années d’expérience dans le Ministère, a été mis à la porte pour avoir transmis à un journaliste des documents internes qui démontraient l’ingérence du privé dans la recherche publique sur les pesticides. — Martin Croteau, La Presse

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