Athlétisme

Jesse Owens, P. Q.

L’histoire de Jesse Owens n’avait jamais été racontée au grand écran. Ça vient de changer avec 10 secondes de liberté, une coproduction québéco-allemande à laquelle une soixantaine d’athlètes québécois ont participé. Témoignages du sprinter Hank Palmer et de l’entraîneur Daniel St-Hilaire.

Daniel St-Hilaire aurait lui-même découvert Jesse Owens qu’il n’aurait pas été plus enthousiaste. Quand un producteur lui a proposé de travailler sur un film consacré au célèbre champion olympique américain, il n’a pas hésité.

« Pour moi, c’était un honneur. C’était comme la chance de devenir entraîneur de Jesse Owens », lance St-Hilaire.

Non, le Montréalais de 62 ans n’a pas incarné Larry Snyder dans 10 secondes de liberté (Race en version originale), qui sort en salle le 19 février. L’acteur américain Jason Sudeikis, un habitué de Saturday Night Live, est celui qui a incarné l’entraîneur d’Owens.

Quand il a eu Sudeikis au téléphone avant le tournage, St-Hilaire lui a expliqué comment un entraîneur réagirait s’il tombait sur un phénomène de la trempe du quadruple médaillé d’or aux Jeux olympiques de Berlin en 1936.

« C’est comme un René Angélil qui découvre sa Céline Dion : toutes tes cellules vibrent. Tu te dis : tabarouette, on va avoir du fun ! »

— Daniel St-Hilaire, qui a été le premier à repérer le futur champion olympique Bruny Surin

St-Hilaire a été consultant en athlétisme sur Race, une coproduction québéco-allemande de 30 millions, dont les deux tiers du tournage se sont déroulés dans la grande région montréalaise à l’été 2014. Son mandat : chorégraphier et assurer le réalisme des scènes de course, conseiller le réalisateur Stephen Hopkins et l’acteur Sudeikis, valider les équipements d’époque et trouver des coureurs figurants.

Un dépôt à neige de Longueuil a servi de lieu de tournage pour toutes les scènes d’athlétisme. Une piste de 360 mètres a été construite pour l’occasion, avec une surface en terre battue semblable à celle de l’Olympiastadion de Berlin en 1936, où un Adolf Hitler médusé a vu Owens battre « son » champion « aryen » Luz Long. Des images numériques ont permis de recréer les gradins et les foules.

MÉCANIQUE

Une soixantaine de jeunes athlètes québécois, actifs ou fraîchement retraités, ont redonné vie aux coureurs américains, allemands, britanniques ou canadiens de l’époque.

Première constatation : la mécanique du sprint a beaucoup évolué. En entrevue, St-Hilaire se lève se met à imiter la foulée cadencée d’Owens. « Jesse ne court pas comme les athlètes modernes, explique-t-il. Ça lui prenait 60 foulées pour courir un 100 mètres, tandis qu’un gars comme Bolt en fait 40. »

Le Montréalais Hank Palmer a hérité de la tâche délicate de doubler l’acteur principal Stephen James, l’interprète d’Owens. L’olympien de 2008, sixième du relais 4 X 100 mètres à Pékin, a dû oublier sa propre technique de sprinter.

« Dans la phase initiale, on reste bas, on baisse la tête, on fait de longs mouvements avec les bras, on espace nos genoux un peu plus. Jesse, il se relève après deux pas, il court droit et il fait juste pomper les bras. »

— Hank Palmer

Pendant le tournage, Palmer et James, un Canadien qui avait tâté du sprint à l’adolescence, s’entraînaient ensemble au complexe sportif Claude-Robillard. Téléphone à la main, St-Hilaire leur faisait regarder des films d’archives d’Owens. L’objectif était d’uniformiser le mieux possible leur façon de courir.

Palmer, qui incarne aussi l’un des frères d’Owens, a exécuté toutes les scènes de course à haute vitesse. Le Montréalais Stevens Dorcelus s’est chargé des séquences de saut en longueur. Une technique appelée Face replacement a ensuite permis de remplacer le visage des athlètes par celui de James, une opération de longue haleine effectuée dans les studios MELS à Montréal.

Hank Palmer vise un retour

Quatre ans après sa tentative ratée de se qualifier pour les Jeux olympiques de Londres, Hank Palmer planifie un retour. À 30 ans, il pense pouvoir être sélectionné pour les JO de Rio. « Je suis en train de rebâtir ma masse musculaire », explique celui qui tient la forme en entraînant des coureurs pour le club Les Vainqueurs+. « J’ai toujours été impliqué dans le sport et je suis toujours passionné. J’aime me faire dire que je ne peux pas réussir quelque chose... » Ancien grand espoir junior (quatrième sur 200 m aux Mondiaux 2004), Palmer n’a jamais vraiment atteint son véritable potentiel. Malgré une blessure, il s’était qualifié in extremis pour les Jeux de Pékin en réalisant son meilleur chrono à vie au 100 m des championnats canadiens en 2008. Son temps : 10,21... comme le record mondial de 10,2 de Jesse Owens en 1936.

Adidas

Jesse Owens a réalisé ses exploits olympiques à Berlin dans des souliers fournis par l’Allemand Adolf Dassler, fondateur d’Adidas. Pour le tournage de Race, la multinationale a fait fabriquer deux paires de ces chaussures originales à crampons métalliques. L’acteur Stephen James en a offert une en cadeau à sa doublure Hank Palmer.

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