Alimentation

Plus d’œufs de poules en liberté

C’est maintenant au tour des épiceries d’adopter les poules en liberté. Loblaws, Walmart, Sobeys et Metro ont annoncé vendredi d’une voix commune qu’ils ne vendraient que des œufs provenant de poules en liberté d’ici 2025. L’annonce est importante pour les consommateurs, la mesure entraînant une inévitable hausse du prix des œufs en épicerie, et pour les producteurs québécois, qui devront aménager leurs poulaillers afin de répondre à la demande des détaillants dans un court laps de temps. — Stéphanie Bérubé, La Presse

À ma manière

Quand l’éthique fait l’Attraction

Aux confins de l’Estrie, une petite entreprise confectionne des t-shirts promotionnels à partir de coton biologique tissé au Québec et les distribue partout au Canada. Une initiative à contre-courant d’une industrie où le plus bas prix asiatique dicte sa loi.

Suivez bien le fil.

D’abord, ce fil est tressé en Asie à partir de coton biologique et de polyester recyclé. Il est ensuite transformé en tissu de mailles et teint au Québec. Livré en rouleaux, ce tricot est coupé et assemblé en t-shirts et chandails dans l’usine d’Attraction, à Lac-Drolet. Ces vêtements sont imprimés et décorés au nom des organisations qui passent commande et expédiés « de Victoria à Terre-Neuve », selon l’expression de Sébastien Jacques, vice-président, ventes corporatives et développement des affaires, chez Attraction.

Dans une industrie – les vêtements identifiés et promotionnels – où le plus bas coût et l’éphémère sont la norme, les vêtements de la gamme Ethica d’Attraction visent plutôt la consommation responsable et la fabrication locale. Et nous parlons ici de très locale.

Situé à environ 30 km au nord de Lac-Mégantic, Lac-Drolet est un petit village peuplé de quelque 1000 Droletois et Droletoises.

À LEUR MANIÈRE

« Le secteur de la publicité est encore friand d’articles à très bas prix », décrit Sébastien Jacques. Le traditionnel t-shirt distribué lors du tournoi de balle-molle, acheté en Asie et imprimé à la va-vite, se trouvera le plus souvent relégué à la peinture du plafond ou au nettoyage de la salle de bains.

« On essaie de faire les choses différemment, de faire les choses à notre manière », explique-t-il.

« On vise à faire un objet qui va être porté par les gens qui le reçoivent – employés et clients –, porté avec fierté et qui soit durable. »

— Sébastien Jacques, vice-président, ventes corporatives et développement des affaires, chez Attraction

UNE TRADITION LOCALE

Fondée à Lac-Drolet il y a 36 ans par quatre frères de la famille Gagnon, Attraction se spécialise dans la fabrication et l’identification de vêtements à des fins promotionnelles. Les frères Jean-Marc et Simon Gagnon sont maintenant les seuls actionnaires, mais les activités quotidiennes sont menées par une équipe de gestion dont font partie leur nièce Julia Gagnon, vice-présidente aux ventes récréotouristiques et au développement de produits, et son conjoint Sébastien Jacques, qui l’a rejointe il y a deux ans.

Ils sont en place, prêts à assurer la relève, quand le moment viendra.

L’AIMANT ASIATIQUE

Au début des années 90, l’essentiel de la production d’Attraction était réalisé par ses employés. Avec l’ouverture des marchés mondiaux, la pression des coûts a toutefois forcé l’entreprise à s’approvisionner en Asie, de telle sorte qu’au milieu des années 2000, à peine 5 % de la confection se faisait encore dans leur usine.

Vers 2009, Attraction a senti un regain d’intérêt pour les produits fabriqués au Canada. Elle a alors pris le risque de créer la gamme Ethica, qui compléterait sa gamme Initial, plus traditionnelle.

Ethica a d’abord visé le secteur récréotouristique – les boutiques de souvenirs, par exemple.

Mais la bonne volonté et la vertu ne sont pas nécessairement récompensées. Le succès est mitigé.

Attraction ajuste alors son tir vers le marché des produits promotionnels, qui s’est rapidement montré plus intéressé.

Les organismes et entreprises ont vu l’avantage de s’afficher sur des produits fabriqués au Canada, durables, que les gens vont porter souvent, longtemps.

Pour eux, « ce n’est pas juste une dépense en marketing, c’est un investissement en marketing », résume Sébastien Jacques.

Autre correctif, l’entreprise a délaissé depuis deux ans les sous-vêtements et les blousons pour se concentrer sur ce que Sébastien Jacques appelle « les vêtements décontractés pour le haut du corps ».

« Le virage important, ç’a été de dire : on va éliminer des produits pour augmenter la profondeur de la gamme. Ça a frappé très fort sur les distributeurs de produits promotionnels. »

— Sébastien Jacques, vice-président, ventes corporatives et développement des affaires, chez Attraction

En effet, les résultats ne se sont pas fait attendre.

SUCCÈS

Depuis deux ans, le chiffre d’affaires d’Attraction a bondi de 50 % pour dépasser le seuil des 10 millions de dollars. La gamme Ethica représente aujourd’hui un peu plus de 25 % de ces ventes.

Ses vêtements sont « vendus par 400 distributeurs de produits promotionnels à travers le Canada, de Victoria jusqu’à Terre-Neuve ».

L’entreprise compte à présent quelque 105 employés – 25 % de plus qu’il y a deux ans. Près de 70 se consacrent à la production.

Ce qui pose problème, d’ailleurs.

AUTOMATISATION

Les couturières de l’entreprise ont souvent 20 ou 25 ans d’ancienneté et approchent de la retraite. Or, les couturières sans emploi ne courent pas les rues à Lac-Drolet, dont Attraction emploie près du quart de la population active.

« Notre capacité à embaucher des couturières n’est pas très élevée », déplore Sébastien Jacques.

En réponse, l’entreprise a depuis un an investi un demi-million de dollars dans l’automatisation. Ces machines à coudre semi-automatiques demandent moins d’habileté et d’expérience. « Ça n’élimine pas des travailleurs, mais ça rend l’embauche plus simple. »

Mais ce n’est pas encore suffisant.

PÉNURIE DE COUTURIÈRES

À défaut d’attirer des couturières d’expérience, il faudra en former de nouvelles. Avec cinq autres entreprises et des organismes de la région, Attraction participe à la confection d’un programme de formation professionnelle sur mesure, destiné aux adultes : opérateur-opératrice de machines à coudre industrielles.

Ils doivent intéresser entre 8 et 15 élèves pour une formation qui commencerait dans les prochaines semaines. « On a de la difficulté », admet Sébastien Jacques.

Il faut démonter les mythes de l’industrie de la confection. « Nous payons à l’heure, pas à la pièce. Nos employés sont syndiqués et bien traités. Et il y a toute la fierté de ce qu’on est en train de fabriquer. Ce sont des produits qui gagnent des prix au Canada. »

Encore en février dernier, la collection Ethica a remporté à Toronto le prix Image PPPC de l’Association des professionnels en produits promotionnels du Canada dans la catégorie « Fabriqué au Canada ».

LA DISTANCE RAPPROCHE

L’autoroute la plus proche est à environ une heure de route, mais l’éloignement ne constitue pas un problème pour Attraction. Vu de Lac-Drolet, Vancouver n’est pas vraiment plus loin que Montréal, constate Sébastien Jacques.

Il reconnaît tout de même quelques inconvénients : « On n’est pas nécessairement le long de la 20, où ça rendrait le transport beaucoup plus simple. La cueillette de toutes les boîtes qu’on expédie tous les jours serait simplifiée et probablement moins dispendieuse. »

« Mais on a toujours grandi ici, ajoute-t-il aussitôt. Une partie de notre succès est relié au fait qu’on est dans une petite région, un petit village, et qu’on fait attention aux gens. Il ne faut pas changer ça. Ça fait partie de la recette. »

Lac-Drolet est une communauté tissée serré.

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