Irma 

Les consommateurs voguent dans le flou

L’ouragan Irma fait ressortir les incohérences de la protection des voyageurs. Serez-vous remboursé pour vos vacances écourtées ? Pourrez-vous modifier votre prochain voyage ? Désolée, il n’y a pas de réponse unique. Les voyageurs voguent dans le monde flou et arbitraire du cas par cas.

Laissez-moi vous raconter la mésaventure de la fille d’Isabelle Gagnon, qui devait passer la semaine dernière dans un club tout inclus à Punta Cana, en République dominicaine.

Le forfait lui avait coûté 1370 $. C’était le premier voyage que la jeune femme de 20 ans payait de sa poche. Mais l’ouragan a bousillé ses vacances. Et Vacances Air Canada n’a rien fait pour l’aider.

Elle aurait bien voulu annuler ou reporter son départ du 3 septembre. Mais le voyagiste a refusé. La jeune femme s’est donc résignée à partir, malgré la crainte de devoir revenir d’urgence.

Une fois sur place, la menace s’est précisée rapidement. L’hôtel a averti les clients qu’ils seraient confinés dans leur chambre avec des boîtes à lunch. Isabelle Gagnon et sa fille ont alors entrepris des démarches pour accélérer le retour.

Mais au Canada, les lignes téléphoniques de Vacances Air Canada étaient surchargées, raconte la mère qui a attendu plus de quatre heures au bout du fil. Et à Punta Cana, le représentant du voyagiste était introuvable, assure la jeune fille.

Abandonnée à elle-même, elle s’est donc décidée à rentrer au Canada, le 5 septembre, deux jours à peine après son départ, sur un vol de Delta qui lui a coûté 2000 $.

À son retour, elle a voulu se faire rembourser pour la portion inutilisée de son voyage ou pour le prix du billet d’avion de Delta. Mais elle a essuyé un nouveau refus.

Quel comportement de la part de Vacances Air Canada ! Pourquoi envoyer ainsi les voyageurs dans la gueule du loup ?

Le voyagiste rétorque qu’il se fonde sur les prévisions officielles du National Hurricane Center, qui n’a publié que le 5 septembre son avis pour Irma en République dominicaine. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’Air Canada a instauré sa « politique de bonne volonté » qui a permis aux clients touchés de reporter leur vol.

Mais cette décision est venue bien tard, puisque l’ouragan a déferlé le lendemain. Si Air Canada avait offert plus vite à ses clients de modifier leurs plans, il leur aurait évité le cauchemar d’un rapatriement quelques jours à peine après leur départ.

En effet, le 6 septembre, juste avant qu’Irma touche la République dominicaine, « nous avons dépêché quatre vols et nous avons évacué plus de 700 clients, dont des clients qui se trouvaient à l’hôtel Grand Palladium », explique Melissa Iantosca, porte-parole de Vacances Air Canada.

Mais la fille de Mme Gagnon était déjà rentrée. Et on ne peut pas la blâmer puisque le voyagiste l’avait tenue dans le noir.

Que dit la loi ?

Lors de catastrophes naturelles, les voyageurs qui sont bloqués à l’étranger peuvent s’attendre à ce que la compagnie aérienne les ramène à bon port, sans avoir à payer quoi que ce soit.

Mais légalement, les transporteurs ne sont pas tenus à grand-chose d’autre. « Les cas de force majeure ferment la porte à des recours en dommages dans la mesure où le transporteur n’est pas en faute », dit Charles Tanguay, porte-parole de l’Office de la protection du consommateur (OPC).

Les politiques ouragan

Toutefois, certains voyagistes ont une politique ouragan avantageuse. Par exemple, Transat, Sunquest et WestJet permettent aux clients qui s’en vont dans le Sud de reporter leurs vacances, de changer de destination ou d’obtenir un remboursement sous forme de crédit-voyage si leur destination est menacée ou vient d’être frappée par un ouragan.

Leur politique ouragan prévoit aussi le remboursement de la portion du voyage inutilisée pour les voyageurs forcés d’écourter leurs vacances.

Par contre, d’autres entreprises comme Sunwing se déchargent complètement de toute responsabilité en cas d’ouragan. Pour être à l’abri, il faut acheter la « Protection sans soucis » à partir de 49 $ par personne. Idem chez Vacances Air Canada, qui vend une « Protection Tempête », à 49 $ par personne.

La carte de crédit en renfort

Cela dit, les assurances voyage peuvent couvrir les dommages qu’un transporteur ou un voyagiste refuse d’assumer. Les voyageurs qui ont payé leurs vacances avec leur carte de crédit devraient donc téléphoner le plus vite possible au responsable du programme d’assurance voyage.

Mais ici encore, chaque programme est différent. Par exemple, certains couvrent les frais de subsistance, d’autres, non. Il faut lire les petits caractères…

Le FICAV à la rescousse

Les voyageurs peuvent aussi se tourner vers le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (FICAV), s’ils ont acheté leur forfait dans une agence détentrice d’un permis de l’OPC.

« L’OPC a l’intention d’être aussi généreux que la réglementation le lui permet », dit M. Tanguay. Qu’est-ce qui sera couvert au juste ? Ici encore, c’est au cas par cas.

Mais pour avoir droit à un remboursement, les voyageurs doivent conserver précieusement leurs factures s’ils subissent des pertes ou s’ils doivent effectuer des dépenses supplémentaires.

Et les projets de vacances ?

Pour tous ceux qui s’inquiètent des vacances qu’ils ont déjà réservées, sachez que l’entreprise doit fournir un service conforme à ce qu’il a vendu au moment de la réservation.

Donc, si l’hôtel a été lourdement endommagé par l’ouragan, les consommateurs pourraient demander de changer de destination, de reporter leur voyage ou carrément d’annuler la réservation. « Vu les circonstances, on s’attend à ce que tout le monde soit ouvert aux discussions », dit M. Tanguay.

Mais si le voyagiste refuse, le client n’aura d’autre choix que d’aller sur place, noter et photographier tous les éléments non conformes… et poursuivre devant les tribunaux à son retour. Pas des vacances de tout repos !

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