Chronique

Quand Revenu Québec se traîne les pieds

Habituellement très prompt à facturer les impôts impayés des particuliers et des entreprises, Revenu Québec n’affiche pas du tout la même célérité lorsque vient le temps de rembourser les crédits d’impôt aux entreprises du secteur des technologies de l’information qui peuvent patienter jusqu’à deux ans avant de toucher les montants qui leur sont dus.

La situation est à ce point critique que l’Association québécoise des technologies (AQT) – qui regroupe 2000 PME du secteur des TI – a annoncé au début du mois la création de deux fonds de 10 millions pour permettre aux entreprises en attente de paiement de Revenu Québec de disposer des sommes auxquelles elles ont droit.

L’AQT avait instauré un premier fonds de financement des crédits d’impôt de 10 millions l’an dernier, mais devant la demande sans cesse croissante des entreprises en attente de remboursement, on a décidé d’en créer deux autres cette année, l’un pour les entreprises de la région de Montréal et l’autre pour la région de Québec.

Ces fonds sont gérés par la firme Finalta Capital qui, évidemment, facture un taux d’intérêt de l’ordre de 7 % aux entreprises qui ont recours à ses services.

Ce qui est pour le moins paradoxal. Le gouvernement a décidé de soutenir le secteur des TI en instaurant des crédits d’impôt pour la recherche et le développement, pour le développement des affaires électroniques (CDAE) et pour la production de titres multimédia.

Les entreprises qui sont admissibles à ces programmes doivent donc consacrer une partie de leur remboursement en frais d’intérêt uniquement pour pallier les carences de Revenu Québec.

Une situation que déplore Nicole Martel, présidente de l’AQT, qui craint qu’on en arrive à développer une économie parallèle sur le dos des PME du secteur des TI.

« Oui, il y a des frais d’intérêt à payer sur les remboursements de crédits d’impôt qui tardent. Mais il y a aussi maintenant des firmes qui proposent aux entreprises de réaliser les démarches à leur place et qui les facturent en conséquence. Tout ça parce que les procédures sont trop longues et laborieuses », explique Mme Martel.

DE DÉMARCHE EN DÉMARCHE

Il faut savoir qu’une entreprise qui fait une demande de remboursement de crédits d’impôt doit produire et acheminer les résultats vérifiés de sa dernière année financière, donc deux mois après la fin de son exercice, à Investissement Québec qui va décider si elle est admissible ou non aux remboursements.

Selon Investissement Québec, une décision est habituellement rendue dans un délai inférieur à quatre mois. Si la demande est acceptée, elle est acheminée à Revenu Québec qui est responsable d’émettre le chèque. L’agence fiscale s’accorde un délai de 180 jours pour réétudier la requête et donner signe de vie.

Dans les faits, Revenu Québec étire habituellement de beaucoup ce délai en exigeant des renseignements supplémentaires ou en faisant réaliser des vérifications par des auditeurs qui donnent souvent lieu à des projets de cotisations rétroactifs, ce qui retarde encore sa décision.

« On peut ainsi retenir un crédit d’impôt de 1 million pour le développement des affaires électroniques d’une entreprise qui reçoit un avis de cotisation de 20 000 $. Plusieurs PME ne contesteront pas la cotisation parce qu’elles ne veulent pas prolonger inutilement le délai », m’a expliqué un gestionnaire d’une PME des TI par courriel.

Une entreprise peut ainsi compter deux années entre la fin de son exercice financier et l’obtention du crédit auquel elle a droit, ce qui peut mettre sa trésorerie en péril.

Rémi Racine, PDG de Behaviour Interactive, est un entrepreneur aguerri de la gestion des crédits d’impôt dans le secteur des jeux vidéo et il n’en revient toujours pas de la lenteur du processus.

« Ça fait 15 ans que je fais des demandes chaque année et ça prend toujours de 9 à 12 mois avant que je reçoive mes remboursements. Lorsque l’Ontario m’a approché pour que j’investisse là-bas, on me promettait un remboursement un mois après la fin de mon exercice financier.

« C’est Investissement Québec qui décide si tu as droit ou non aux crédits. Pourquoi Revenu Québec prend-il un autre six mois pour prendre la même décision ? C’est absurde », déplore vertement le PDG.

Lui aussi se fait financer son remboursement de crédits d’impôt par sa banque et il doit payer des intérêts sur l’argent en attendant le remboursement de Revenu Québec.

L’an dernier, Revenu Québec a traité 63 demandes de crédits d’impôt des titres multimédias et 239 demandes de remboursement de crédits d’impôt pour le développement des affaires électroniques.

Les demandes de crédits d’impôt pour la R-D sont évaluées, quant à elles, par l’Agence du revenu du Canada, et Revenu Québec rembourse en fonction de la décision de l’agence fédérale.

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