Non coupable
Le procès en destitution de Donald Trump a accouché d’un verdict prévisible : le président des États-Unis, accusé d’abus de pouvoir et d’entrave au Congrès, est acquitté par le Sénat.
De prévisible façon, le Sénat américain a acquitté mercredi le président des États-Unis, Donald Trump, à l’issue d’un procès en destitution d’une durée de deux semaines lourdement marqué par la partisanerie politique.
Seul le sénateur républicain de l’Utah, Mitt Romney, critique de longue date du président, a rompu avec son camp lors du vote sur le chef d’accusation d’abus de pouvoir, mais est rentré dans le rang pour celui d’entrave au Congrès.
Tous les autres membres de la chambre haute à majorité républicaine ont voté avec leur formation respective, permettant au chef d’État d’éviter, par une large marge, le total de deux tiers des voix requis pour le condamner.
Donald Trump a réagi rapidement à la décision sur Twitter en relayant un vidéomontage où il apparaît derrière une affiche de campagne sur laquelle l’année de référence augmente rapidement avant de conclure par le message « Trump à jamais ».
Il doit rencontrer les médias ce jeudi à la Maison-Blanche pour commenter « la victoire du pays » face à une procédure assimilable, selon lui, à un « canular ».
Alors que l’acquittement de Donald Trump était largement acquis d’avance, les médias américains ont passé une bonne partie de la journée de mercredi à scruter les intentions des rares sénateurs susceptibles de voter contre leur parti.
L’attention s’est surtout portée sur trois élus démocrates, mais la surprise est finalement venue de M. Romney, qui s’est dit contraint de dénoncer par son vote le comportement « abusif et destructeur » du président des États-Unis dans le dossier ukrainien à l’origine du procès en destitution.
Il s’est dit convaincu que Donald Trump avait abusé de son pouvoir en suspendant une aide militaire au pays d’Europe de l’Est pour tenter d’amener le président de l’Ukraine à ouvrir une enquête pour corruption sur le candidat démocrate Joe Biden et son fils.
« Si leur nom n’avait pas été Biden, je suis certain qu’il n’aurait jamais fait ce qu’il a fait », a noté M. Romney en soulignant que son vote lui vaudra sans doute de « véhémentes dénonciations » du président et de ses partisans.
Avant les votes sur les deux chefs d’accusation, tenus un peu après 16 h, les sénateurs des deux camps se sont succédé au micro pendant plusieurs heures pour expliquer leur décision et leur vision du processus de destitution.
Républicains et démocrates se sont accusés mutuellement de compromettre le fonctionnement de la démocratie américaine, souvent en faisant référence, avec gravité, aux discours des rédacteurs de la Constitution du pays.
Le chef de la minorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a prévenu que l’acquittement du chef d’État n’aurait « aucune valeur » puisque ses homologues républicains ont tout fait pour empêcher la tenue d’un procès sérieux.
« Vous ne pouvez pas être du côté du président et être du côté de la vérité. Pour survivre comme nation, nous devons être du côté de la vérité. »
— Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate au Sénat
Le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, a souligné avec satisfaction que son camp allait en finir avec les accusations « incohérentes » formulées contre le président en relevant qu’elles ne pouvaient d’aucune façon constituer matière à destitution.
Le politicien a affirmé que les élus démocrates étaient motivés par leur « haine » du président et cherchaient, en abusant du système politique du pays, à renverser le résultat de l’élection présidentielle de 2016.
Il s’est dit convaincu, après le vote, que son parti était en excellente position pour le scrutin à venir en novembre.
Rafael Jacob, chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM, a indiqué mercredi que le processus de destitution avait mis en relief « l’hyperpartisanerie » prévalant à Washington.
Dans de telles circonstances, il paraît « tout compte fait impossible » d’imaginer qu’un président puisse être destitué, dit M. Jacob, qui serait étonné de voir Donald Trump esquisser un quelconque mea-culpa en lien avec l’affaire ukrainienne dans les prochains jours. Le président continue de maintenir que son intervention dans ce dossier était « parfaite », rappelle l’analyste.
Brian Kalt, professeur de droit rattaché à l’Université d’État du Michigan, souligne que le clivage de la vie politique américaine limite l’efficacité de la procédure de destitution, qui a été pensée pour des « cas extrêmes ».
Le parti disposant de la majorité à la Chambre des représentants peut être plus facilement tenté de lancer une procédure contre un président du camp adverse sans avoir l’assurance d’un soutien bipartisan suffisant. La majorité des deux tiers requise au Sénat devient aussi plus difficile à obtenir, dit-il.
« Je pense qu’on peut dire aujourd’hui que le processus est dysfonctionnel », conclut le chercheur.