Le Canadien

Tokarski au pays des géants

En 1997-1998, 20 gardiens de moins de 6’ ont disputé au moins 10 matchs dans la Ligue nationale, parmi lesquels on retrouvait Grant Fuhr, Curtis Joseph et autres Mike Richter. Dix ans plus tard, ce chiffre chutait de moitié.

Cette saison, il reste quatre portiers de moins de 6’. Du nombre, seuls Jhonas Enroth, à Buffalo, et Jaroslav Halak, à Long Island, sont des numéros 1 dans leur équipe.

Un autre porte les couleurs du Canadien et s’appelle Dustin Tokarski.

L’adjoint de Carey Price n’est pas le plus bavard. Dans un point de presse, devant de nombreuses caméras après un match, il prendra 15 secondes pour donner sa plus longue réponse. Mais dans un contexte plus intime, parlez-lui de sa charpente de 5’11 et 195 lb et il devient pratiquement verbomoteur !

« Je ne crois pas que ce soit quelque chose de majeur, soutient Tokarski au cours d’un généreux entretien d’une vingtaine de minutes à Brossard. Les médias aiment en parler, les gens aiment en entendre parler. Mais que tu sois 5’11 ou 6’5, si tu vas dans un match 7, celui qui arrête le plus de rondelles va gagner, peu importe ce que dit le ruban à mesurer. »

Cela dit, n’allez pas croire qu’il partage la mentalité d’un Martin St-Louis ou d’un David Desharnais, des joueurs qui se sont fait dire constamment qu’ils étaient trop petits pour la LNH et qui s’en sont servis comme motivation.

« Tim Thomas n’était pas grand, mais il a gagné un Vézina et une Coupe Stanley, poursuit Tokarski. Carey est un des meilleurs au monde et il est grand. Je n’en veux pas à ceux qui sont grands ! Évidemment, ce serait un défi pour un gardien de 5’5, mais à 5’11, personne ne m’a dit en pleine face que j’étais trop petit pour percer.

« Tout est une question de lecture du jeu. Tu dois bien lire le jeu pour savoir si tu restes debout une seconde de plus ou si tu t’agenouilles. » 

« À 5’11, je ne suis pas le grand, donc je dois être patient, en mouvement et devant mon demi-cercle, et éviter de tomber sur mes genoux trop rapidement. »

— Dustin Tokarski

N’empêche que Tokarski fait partie d’une espèce en voie de disparition si on se fie aux dernières années. Et à voir arriver les John Gibson, Malcolm Subban, Jack Campbell et autres Andrei Vasilevskiy, tous des gardiens d’avenir de 6’2 et plus, la tendance ne semble pas sur le point de changer.

LES INFLUENCES DE PRICE ET WAITE

Difficile pour un jeune d’être mieux entouré que l’est Tokarski. Le gardien devant lui est considéré comme l’un des meilleurs de sa profession et possède une médaille d’or olympique. Et Stéphane Waite a gagné la Coupe Stanley avec deux portiers différents qu’il a dirigés chez les Blackhawks de Chicago.

De son travail avec Waite, il préfère parler d’ajustements plutôt que de changements.

« Je ne crois pas qu’ils m’auraient fait une place s’ils croyaient que j’avais beaucoup de choses à changer ! Ce sont plutôt des ajustements. Des différences de six pouces ici et là, comment affronter tel type de tir… Il ne veut pas me changer, mais il voit des choses de son point de vue que je ne vois pas dans le feu de l’action. »

Au sujet de Price, on sent manifestement de l’admiration. Il suffit de lui demander qui sont ses modèles de gardiens.

« J’en ai un assez bon ici, répond-il du tac au tac. J’essaie d’apprendre de lui. Sa technique est incroyable. Sinon, j’ai plusieurs modèles. Jonathan Quick est très mobile. Pekka Rinne est un vrai batailleur qui arrête les rondelles de toutes les façons. »

LE FERMIER EN VILLE

Il parlera aussi d’une relation saine avec son partenaire, et ce, même s’il se présente dans la délicate situation de succéder à un bon ami de Price en Peter Budaj. Mais Tokarski et Price ont beaucoup en commun. Deux personnalités calmes, deux types qui proviennent des grands espaces de l’Ouest canadien.

Tokarski ne vient pas des montagnes reculées de la Colombie-Britannique comme son partenaire, mais plutôt des prairies de la Saskatchewan. Plus précisément de Watson, un village isolé à 150 km à l’est de Saskatoon.

Enfant, Tokarski a grandi dans la ferme de ses parents, qu’ils ont vendue quand il avait « 14 ou 15 ans ». Le monde du sport lui a toutefois évité le dur labeur autour des champs et du bétail.

« À 12 ou 13 ans, j’ai commencé à participer à des camps de hockey estivaux. J’aidais un peu autour de la ferme, mais j’ai été assez chanceux, je pratiquais plusieurs sports et mes parents conduisaient de longues distances pour que je participe à mes entraînements de soccer et de baseball. Ils ont travaillé très fort pour moi. »

La semaine prochaine, avec le voyage du Tricolore dans l’Ouest, il obtiendra logiquement son second départ de la saison lundi ou mardi, à Edmonton ou à Calgary.

Même s’il refuse d’afficher sa préférence pour l’un ou l’autre des matchs, il admet avoir plusieurs amis et membres de sa famille à Edmonton. Quand vous venez de la Saskatchewan, une visite à Edmonton est ce qui s’apparente le plus à un match à la maison. Reste à voir si Michel Therrien lui offrira cette tribune.

TOKARSKI EN VRAC

As-tu d’autres athlètes dans ta famille ?

Mon père, mon grand-père et deux de mes oncles étaient tous des gardiens. Ils connaissent bien la position. Mon père a même obtenu un essai dans la Ligue junior de l’Ouest. Ils étaient tous de bons gardiens dans notre région.

Qui sont tes meilleurs amis dans la LNH ?

Jarred Tinordi et Nathan Beaulieu. J’ai joué avec eux pendant un an et demi dans les mineures. J’ai hâte de connaître un peu plus les autres.

D’où vient ton surnom, Ticker ?

Ça vient de mon nom de famille. Ça a commencé quand j’avais 15-16 ans, un coéquipier m’appelait comme ça et ça s’est transmis d’une équipe à l’autre. Je n’ai jamais dit à qui que ce soit que c’était mon surnom, je ne sais pas pourquoi on le connaît, mais tous les gens dans le monde du hockey m’appellent comme ça !

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