Accès à la justice

Les robots de « l’espoir »

Environ 80 % des Québécois n’ont pas accès à un avocat, selon le Barreau du Québec. Vous avez donc une chance sur cinq de pouvoir vous payer un avocat. En matière d'accès à la justice, les robots pourraient-ils réussir là où les avocats ont échoué ? Oui, espèrent en chœur plusieurs intervenants du milieu juridique, dont le nouveau bâtonnier du Québec.

« Quatre-vingts pour cent de la population n’est pas desservie [en matière de services juridiques] et ça nous peine. On espère que [les robots juridiques] soient le great equalizer qui rendra la société plus juste. C’est mon espoir que les gens puissent obtenir de meilleurs conseils à moindre coût », dit le nouveau bâtonnier du Québec, Paul-Matthieu Grondin, en entrevue avec La Presse.

« L’espoir » du bâtonnier : que les robots facilitent les tâches administratives et de recherche des avocats, qui pourront ainsi passer moins de temps sur chaque dossier. Résultat : la facture sera allégée pour chaque client, et le nombre de clients augmentera d’autant. À terme, Paul-Matthieu Grondin pense ainsi que davantage de Québécois auraient accès à un avocat – si bien qu’il faudra peut-être davantage d’avocats. « Est-ce qu’un avocat va pouvoir servir 15 clients au lieu d’un ? Peut-être. Si 80 % de la population est desservie, on aurait peut-être besoin de plus d’avocats », dit-il.

Un meilleur accès à la justice, c’est aussi l’espoir qu’entretient le professeur Yoshua Bengio, chercheur montréalais de renommée mondiale en intelligence artificielle.

« Ça va démocratiser l’accès à la justice. Les robots virtuels vont être capables d’avoir un dialogue avec le client, de lui faire des suggestions, de filtrer le dossier et, dans certains cas, de lui suggérer une marche à suivre. »

— Yoshua Bengio, professeur à l’Université de Montréal et chef du Laboratoire d’informatique des systèmes adaptatifs (MILA)

Selon M. Bengio, les gens auront ainsi le choix de faire appel à un robot-avocat, qui leur résumera le droit applicable à leur dossier, ou d’engager un avocat moins cher qu’actuellement en raison des avancées en intelligence artificielle. « Ça devrait baisser les coûts de la justice des deux façons », dit le professeur Yoshua Bengio, qui pense que les gens qui « en ont les moyens » continueront de faire appel à un avocat.

Me Julien David-Pelletier, cofondateur de la clinique juridique Juripop, fonde aussi de grands espoirs en l’intelligence artificielle. « C’est une ouverture sans précédent qui pourrait régler le problème d’accès à la justice, mais encore faut-il que ceux qui la font la dirigent vers le bon objectif, celui de servir le plus grand nombre et non de faire économiser de l’argent à ceux qui peuvent déjà se payer un avocat », dit-il.

Sur le principe, Me David-Pelletier voit les bienfaits potentiels de l’intelligence artificielle. Mais celui qui a fondé Juripop alors qu’il était toujours étudiant à l’Université de Montréal reste toutefois prudent. « J’ai trop vu de discours vides et peu concrets. La réforme du Code de procédure civile était vue comme un énorme pas en avant qui devait favoriser les règlements alternatifs, mais on craint maintenant une justice à deux vitesses : la médiation pour les pauvres et les palais de justice pour les riches », dit Me David-Pelletier, précisant que 55 % des Québécois se représentent seuls devant les cours civiles.

Les grands cabinets nationaux d’avocats estiment aussi que l’intelligence artificielle permettra un meilleur accès à la justice. « Ça devrait permettre de limiter les coûts pour les clients et d’améliorer l’accès à la justice, dit Antoine Guilmain, avocat chez Fasken Martineau. C’est plus efficace, donc nous pourrons desservir un plus gros marché. »

Le Barreau du Québec rappelle que seuls ses membres peuvent donner des avis juridiques, mais qu’il est « ouvert à toutes les solutions » en matière réglementaire pour améliorer l’accès à la justice, notamment avec les enjeux d’intelligence artificielle.

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