Boissons sucrées fortement alcoolisées

Bouge de là !

Qu’attendons-nous pour restreindre la mise en marché des boissons alcoolisées caféinées ?

Il aura fallu qu’une adolescente soit trouvée sans vie derrière son école pour que le commerce des boissons sucrées à forte teneur en alcool soit enfin remis en question. Malheureusement, ces produits racoleurs, conçus pour les jeunes, ne sont toujours pas mieux encadrés. Il est urgent d’y voir.

Le mauvais exemple vient d’en haut. Santé Canada interdit la présence d’alcool dans les boissons énergisantes contenant de la caféine, et les canettes doivent afficher la mention « Ne pas mélanger avec de l’alcool ». Pourtant, la réglementation fédérale permet que des ingrédients contenant de la caféine (guarana, café, cola, etc.) soient ajoutés à certaines boissons alcoolisées.

« En principe, elles ne sont vendues qu’aux personnes âgées de 18 ans et plus ; mais leur marketing vise de toute évidence des personnes plus jeunes et celles-ci trouvent le moyen d’y avoir accès », rappelle le sénateur indépendant André Pratte dans une lettre envoyée à la ministre fédérale de la Santé dimanche. Le sénateur Pratte, comme l’organisme Éduc’alcool, demande à la ministre Ginette Petitpas Taylor d’intervenir au plus vite.

De fait, cette contradiction réglementaire est injustifiable. Que des produits classiques sans intérêt pour les mineurs, comme des liqueurs de café, soient offerts dans des magasins étroitement contrôlés comme ceux de la SAQ, passe encore.

Mais permettre que des ingrédients comme le guarana puissent être ajoutés à des breuvages fortement alcoolisés rappelant à tous égards (contenant, publicité, points de vente, accessibilité) ces boissons énergisantes dont raffolent les jeunes, c’est totalement irresponsable.

Le mélange alcool-boisson énergisante est associé à un risque accru de beuverie, de conduite avec facultés affaiblies, de comportements sexuels à risque et de dépendance à l’alcool. Un cocktail particulièrement explosif pour des mineurs qui ne sont pas habitués à reconnaître, ni à gérer, les symptômes de l’ivresse.

Selon les témoignages recueillis par La Presse, la jeune Athena Gervais, 14 ans, aurait bu, juste avant sa disparition, près de deux canettes de boisson de marque FCKD UP, contenant chacune l’équivalent de quatre verres de vin. Le fabricant a annoncé l’arrêt de la production et le retrait de ces boissons de tous les points de vente. Tant mieux, mais ça ne suffit pas.

La porte demeure grand ouverte à ces potions douteuses. Le fabricant du FCKD UP, rappelons-le, avait justifié le lancement de son produit par l’arrivée d’une marque américaine, Four Loko, dont la teneur en alcool était tout aussi extrême… sans toutefois contenir de caféine. Il ne s’agissait donc pas d’une réplique, mais d’une surenchère.

Rappelons aussi que le Four Loko, comme d’autres marques vendues aux États-Unis, contenait de la caféine et du guarana jusqu’à ce que le fabricant retire ces ingrédients en 2010. Les pressions de la Food and Drug Administration, et l’indignation causée par de multiples accidents, dont certains mortels, associés à la consommation de tels breuvages, ont eu raison des ingrédients stimulants. Les risques étaient donc déjà largement documentés.

Ces boissons qui amènent les jeunes à descendre une quantité phénoménale d’alcool en un rien de temps sont problématiques même sans caféine. Des mineurs amenés aux urgences dans un coma éthylique ont été signalés dans plusieurs hôpitaux de la province.

Le directeur national de santé publique du Québec doit déposer un rapport à la ministre déléguée à la Santé publique au cours des prochains jours. Il faudra voir ses recommandations, mais déjà, plusieurs éléments devraient interpeller le gouvernement.

Interdire le mélange alcool-caféine ne suffit pas. Il faut s’interroger sur la pertinence de mettre de telles doses d’alcool à la portée des mineurs – dans des étalages promotionnels, à si bas prix, et dans des dépanneurs où le contrôle des achats et du vol sont loin d’être optimaux.

On verra dans le rapport du coroner quel rôle ces boissons ont réellement joué dans la mort prématurée d’Athena Gervais. Nul besoin, par contre, d’attendre jusque là pour revoir la mise en marché de ces breuvages. On en sait déjà plus qu’assez sur leurs effets indésirables.

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