Immigration illégale
Une ex-mannequin québécoise dénonce l’hypocrisie de Trump
Rachel Blais a été embauchée en 2004 par Trump Models alors qu’elle ne détenait pas de permis de travail valable
Collaboration spéciale
NEW YORK — Pendant une période de six mois en 2004, la Montréalaise Rachel Blais a travaillé illégalement aux États-Unis pour l’agence de mannequins de Donald Trump, qui était au courant de sa situation. Mais elle hésite à utiliser le mot « hypocrite », ne le trouvant pas assez fort pour décrire celui qui a fait de la lutte contre l’immigration illégale son principal cheval de bataille en tant que candidat à la Maison-Blanche.
« Hypocrite est le minimum que je pourrais dire, car il y a 99,99 % de chances que sa femme, Melania Trump, ait commencé à travailler aux États-Unis de la même façon que je l’ai fait, de la même façon que plein de mannequins l’ont fait », a déclaré l’ancien modèle de 31 ans lors d’un entretien téléphonique avec
.Après une pause, elle a ajouté : « Donc, hypocrite. Raciste. Misogyne. Je ne veux pas m’embarquer dans la campagne présidentielle […], mais il y a quelque chose d’affolant dans tout ça. »
Même si elle vit aujourd’hui en Allemagne, Rachel Blais s’est bel et bien invitée dans le débat sur l’immigration illégale aux États-Unis. À la suite d’un reportage publié dans le magazine
, elle a notamment accordé hier matin une interview à CNN sur son expérience au sein de Trump Model Management, une agence fondée en 1999 et pour laquelle elle a travaillé pendant près de trois ans.M
Blais est l’un des trois mannequins étrangers qui ont confié à avoir travaillé pour Trump Models avec un visa de touriste. Elle est persuadée que leurs cas n’avaient rien de particulier. Or, selon la loi américaine sur l’immigration, un employeur peut écoper d’une amende ou d’une peine de prison pour avoir embauché des personnes sans permis de travail valable.« Parmi les mannequins étrangers que j’ai croisés dans l’agence de Trump, 99 % n’avaient pas de visa pour travailler aux États-Unis. »
— Rachel Blais
« Pour moi, c’est ridicule. Il y a des choses que cet homme-là a dites par rapport à l’immigration qui viennent me chercher. Ça fait mal en tant qu’être humain qui a voyagé, qui a des amis partout dans le monde », poursuit-elle.
Rachel Blais garde en outre un très mauvais souvenir des conditions de travail au sein de Trump Models. À son arrivée à New York, à l’âge de 18 ans, l’agence l’a installée dans un appartement de mannequins qui avait le confort, l’intimité et la propreté d’un dortoir pour adolescentes plus ou moins bien ajustées.
« J’avais déjà vécu dans des appartements de mannequins à Paris et à Milan. L’appartement de Trump était de loin le pire », s’est souvenue M
Blais, qui devait néanmoins verser 1600 $ par mois à Trump Models pour le luxe de dormir dans un lit superposé.« Chez Trump, les sommes d’argent qui étaient soutirées aux mannequins pour l’appartement et pour plusieurs autres dépenses inexplicables étaient beaucoup plus importantes que dans les autres agences, a-t-elle dit. Et quand on disait à l’agence qu’on avait trouvé un appartement pour 1200 $ par mois, elle refusait de nous avancer l’argent parce qu’elle ne parvenait pas à s’en mettre dans les poches à ce moment-là. »
« C’est pour ça que je compare ça à de l’esclavagisme. C’est un système où on entre vite dans un cercle vicieux de dettes. On doit rester là. On n’a pas de visa de travail, on n’est pas légale. »
— Rachel Blais
Travailler pour l’agence de Trump signifiait également travailler gratuitement pour Trump à l’occasion. En 2004, Blais a notamment fait une apparition en tant que mannequin à l’émission de téléréalité
, apparition pour laquelle elle a dû céder tous ses droits pour la somme de 0 $. En 2006, l’agence de Trump a également fait appel à ses services comme ornement lors du lancement de la Trump Vodka. Le mannequin avait alors un permis de travail valable, mais elle n’a jamais été payée pour cette soirée de travail au cours de laquelle elle a été présentée à Trump.« J’avais déjà un sentiment bizarre face à l’homme, a-t-elle raconté. Autour de lui, il y avait déjà plusieurs mannequins en talons hauts qui posaient. Ça faisait un peu cliché. Comme je suis une fille de l’est de Montréal, ça m’est toujours resté en mémoire. Il m’a dit que j’avais de beaux yeux. J’ai été arrogante et je lui ai répondu que c’était génétique et que ce n’était pas la première fois que j’entendais ça. Je lui ai dit merci et je suis partie rapidement. »
Un an plus tard, Rachel Blais a quitté New York avec un chèque de 8427,35 $, la somme globale de ses gains comme mannequin pour l’agence de Trump.