Montréal en histoires

Montréal ravagé par le typhus

Entre mai 1847 et avril 1848, une grave épidémie de typhus, dit la fièvre des navires, décime la population des immigrants irlandais récemment arrivés à Montréal. D’autres Montréalais sont également emportés par la maladie, dont des membres des communautés religieuses s’étant portés au secours des malades. Quelques mots pour comprendre.

Grande famine

Septembre 1845. Pour la première fois, on signale en Irlande la présence du mildiou. Ce parasite s’attaque à la pomme de terre, notamment la variété Irish Lumper, qui constitue la base de l’alimentation des Irlandais. Très vite, une famine sans précédent éclate. La production de pommes de terre diminue de 40 % dans le pays. Résultat : autour de 1 million de personnes meurent, et elles sont près du double à quitter le pays entre 1845 et 1852. Des centaines de milliers d’Irlandais se dirigent vers le Québec.

Maladie

Un malheur n’arrivant jamais seul, des épidémies de typhus éclatent dans les navires. Cette bactérie, transmise aux humains par des insectes vivant sur le dos des rongeurs, se caractérise par une fièvre intense, des éruptions cutanées douloureuses et une faiblesse extrême, rappelle l’historien Martin Landry, de Montréal en histoires. Malgré la quarantaine imposée à Grosse-Île, sur le Saint-Laurent, des passagers porteurs de cette bactérie s’installent à Montréal, où l’épidémie éclate chez les nouveaux arrivants irlandais.

Sheds

« Par conséquent, indique Martin Landry, les autorités montréalaises ont dû réagir rapidement pour tenter de freiner la propagation de la maladie en ville. Prises au dépourvu, afin d’éviter que les malades ne s’entassent sur les quais, elles ont décidé de placer les premiers immigrants malades dans des sheds [baraques] à Pointe-Saint-Charles, non loin du lieu autrefois occupé par les travailleurs du canal de Lachine. » Ces sheds font entre 100 et 200 pieds de long sur 30 à 40 pieds de large et abritent 180 couchettes faites de planches de bois et de paille.

Sœurs grises

La maladie se transmet aussi dans ces baraquements. Les Sœurs grises viennent au secours des malades et font le récit de la situation. Dans un document intitulé La terrible épidémie de 1847, on lit : « Jamais langue humaine ne pouvait rendre l’affreux et repoussant spectacle qui s’offrit à leurs regards !!! Des centaines de pestiférés dans la saleté la plus dégoûtante, gisant pour la plupart sur le plancher nu, aux prises avec la mort et dans des souffrances que la plume se refuse à décrire. » Débordées, les Sœurs grises auront l’aide d’autres communautés religieuses, de médecins et d’infirmières.

John Easton Mills

Le maire de Montréal, John Easton Mills, n’est pas en reste. D’abord, c’est lui qui ordonne la construction des baraques. Et il se porte volontaire pour soigner les malades. Il paiera ce geste de sa vie, le 12 novembre 1847. « Cet excellent citoyen a été la victime de sa charité philanthropique et de son zèle à secourir les pauvres émigrés irlandais, écrit-on dans le journal Le Canada. Frappé du typhus il y a près d’un mois, il a souffert avec une patience et une résignation admirable les douleurs atroces de la maladie. » Sise près du port, une petite rue d’Hochelaga-Maisonneuve porte le nom de ce « maire-martyr ».

Bilan 

On estime en général que quelque 6000 immigrants irlandais sont morts du typhus en moins d’un an à Montréal. À l’entrée du pont Victoria, côté montréalais, une énorme pierre excavée au moment des travaux sert de monument à leur mémoire. « Plus d’une trentaine de religieux et religieuses ont été affectés et au moins quatre sœurs de la Providence, cinq hospitalières, cinq sulpiciens et sept sœurs grises sont décédés », ajoute Martin Landry. On sait aussi que des milliers d’autres immigrants ont dû être hospitalisés pour être soignés.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.