À votre tour

Avant que l’irréparable ne se produise

Mon fils a 15 ans. Il a été diagnostiqué comme souffrant de troubles du spectre autistique avec un TDAH, ainsi que de troubles anxieux, obsessionnels, compulsifs et relationnels. Son impulsivité est très difficile à contrôler.

Malgré tout ça, mon fils est doté d’une intelligence supérieure à la moyenne. Il a déjoué les pires pronostics négatifs. Il était en classe régulière au secondaire et il a réussi tous ses cours. Il a été capable de se faire des amis et de jouer au hockey durant quatre ans. Il est doté d’un très bon sens de l’humour, d’une grande vivacité d’esprit et il est très sensible. Il a toujours été très apprécié par ses pairs.

Durant ces années, notre vie familiale était relativement normale, malgré des périodes de crise, mais nous réussissions à les contrôler et elles s’estompaient en quelques semaines.

L’été dernier, tout a basculé. Notre fils se sentait persécuté, un rien l’irritait, le rendait susceptible, anxieux et, à la fin, il était vraiment très agressif. Sa désorganisation, ses crises de colère, son anxiété et sa violence s’accentuaient de jour en jour et devenaient de plus en plus incontrôlables. La peur a pris le dessus et nous avons dû faire un choix éprouvant pour préserver la santé mentale de notre famille.

Ainsi, au mois d’août, à bout de ressources et de patience, nous avons décidé de placer mon fils dans une ressource d’hébergement. Les symptômes de ses troubles étaient en constante évolution et nous ne pouvions plus vivre avec un adolescent de 15 ans, mesurant 6 pieds et pesant 170 livres, ayant un comportement comparable à une bombe prête à exploser à tout moment.

La santé mentale n’affecte pas seulement la personne qui en est atteinte, mais tous ceux qui sont dans sa vie : sa famille, ses amis, ses intervenants, etc.

Nous voulons tous l’aider, mais la médecine est souvent contre nous. Par exemple, son pédopsychiatre n’a pas pris pas le temps d’écouter nos peurs. Il n’a écouté que notre fils et celui-ci l’a assuré qu’il allait bien.

Le pédopsychiatre n’a pas consulté les autres professionnels qui s’occupaient de lui et aucun travail interdisciplinaire n’a été effectué. Il ne connaît pas l’histoire de la vie de notre fils et de notre famille, il ne consulte pas la travailleuse sociale, l’éducateur spécialisé du CRDI et le milieu scolaire. Il ne se base que sur l’attitude et l’état de mon fils dans son bureau. Un petit ajustement de médication et la consultation est terminée. Il ne le reverra que dans deux mois.

Mon fils a été placé dans deux centres d’accueil et une ressource d’hébergement depuis le 15 août. Il a fugué deux fois, il a été hospitalisé à la suite d’une tentative de suicide, il a proféré des menaces de mort, s’est battu une dizaine de fois à l’école et le centre d’accueil a dû utiliser des mesures de contention. Il a volé un cellulaire, un vélo, de l’argent. Il ne respecte pas les règles. Il a brisé une salle de conférence dans les locaux du CRDI, a arraché un robinet et provoqué une inondation au Centre jeunesse. Tout ça en cinq mois ! Le pédopsychiatre dit que tout ça ne nécessite pas une hospitalisation. Je ne comprends pas. Expliquez-moi.

Pourquoi ne pas lui offrir les ressources et les soins nécessaires maintenant, avant que l’irréparable ne se produise, avant que la mince ligne séparant l’impulsivité de la folie soit franchie et qu’on assiste à un drame lourd de conséquences ?

Que va-t-il se passer quand il aura 18 ans et qu’il sera libre de ses choix ? Où ira-t-il et surtout que fera-t-il si personne ne lui offre les soins de qualité auxquels il a droit. On peut imaginer toutes sortes de scénarios, plus effrayants les uns que les autres.

Mon cœur de mère est incapable d’accepter de le savoir malheureux à ce point et que personne ne veuille nous aider. C’est mon devoir de tout faire pour que mon fils soit soigné, comme n’importe quelle mère qui a un enfant malade. Alors, je rassemble mon courage, mon espoir et ma détermination et je décide de monter au front pour le sauver.

On offre toutes les possibilités pour soigner quelqu’un souffrant d’une maladie physique. Pourquoi est-ce différent avec la maladie mentale ?

Après toutes ces années à survivre à la maladie mentale de mon fils, mon conjoint, mes filles âgées de neuf et deux ans et moi-même avons été fortement ébranlés. Nous avons dû réapprendre à vivre sans lui avec un certain soulagement, mais aussi avec un très fort sentiment de culpabilité pour l’avoir abandonné.

Je suis prête à déplacer des montagnes pour lui, car je crois sincèrement que tous les enfants ont droit à leur chance et moi, sa mère, je crois en lui. Avec espoir, je souhaite que la vie mette sur notre chemin quelqu’un qui nous accompagnera dans notre bataille.

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