Date limite de échanges

Les souvenirs d’André Savard

André Savard se souvient bien des tergiversations à l’interne chez le Canadien avant l’acquisition d’Alex Kovalev, à la date limite des échanges en 2004.

Savard était alors devenu l’un des lieutenants de Bob Gainey en compagnie de Pierre Gauthier.

« J’étais sur la route, mais en communication constante avec Pierre. On travaillait sur ce dossier depuis plusieurs semaines. Bob tenait à Kovalev, mais Pierre avait des doutes. Étant basé à Philadelphie, il le voyait souvent à l’œuvre avec les Rangers, et les choses ne se passaient pas bien pour Kovalev. Il se faisait régulièrement huer à New York. Je me rappelle avoir dit à Pierre que lorsqu’un directeur général voulait absolument un joueur, on pouvait lui donner des arguments et offrir une résistance, mais ne pas s’opposer. Finalement, Bob l’a fait. »

Ce fut l’une des décisions les plus fructueuses de l’ère Gainey. Le Canadien a cédé Jozef Balej et un choix de deuxième ronde contre celui qui allait devenir leur meilleur attaquant lors des quatre années suivantes.

DU VÉCU

Savard a vécu de nombreuses dates limites des échanges, dans tous les rôles et avec plusieurs organisations.

« À Pittsburgh, le DG Ray Shero aimait s’entourer. Tous les dépisteurs et même les entraîneurs étaient réunis dans une pièce, le jour de la date limite, et quand les offres arrivaient, il les inscrivait au tableau et on en débattait. Moi, quand j’étais DG à Montréal, j’étais au bureau avec [mes bras droits] Julien Brisebois et Martin Madden. »

Rares sont les échanges préparés à la dernière minute, confie Savard.

« Les pourparlers commencent beaucoup plus tôt, parfois un ou même deux mois avant la date butoir. »

— André Savard

En 2001, quelques mois après son entrée en poste avec le Canadien, Savard avait effectué une transaction majeure à la date limite des échanges : Trevor Linden, Dainius Zubrus et un choix de deuxième ronde aux Capitals de Washington en retour de Jan Bulis, Richard Zednik et un choix de première ronde (Alexander Perezhogin).

« Je parlais à Vancouver et Washington depuis un bout de temps à propos de Linden, raconte Savard. Vancouver ne voulait pas m’offrir ce que je demandais. J’étais prêt à garder Linden, même si on le critiquait beaucoup à Montréal. Washington a accepté d’entrer dans la course à la condition qu’on cesse de discuter avec Vancouver, ce que j’ai respecté. La veille, j’ai discuté deux ou trois fois avec Washington et on ne semblait pas s’entendre. On s’est dit qu’on se reparlerait le lendemain à 9 heures. Je suis allé souper en soirée avec le propriétaire George Gillett et je lui ai dit qu’un échange paraissait improbable. »

Le ton avait changé le lendemain. « On en est venus à un accord verbal après le premier coup de téléphone. Mais une heure plus tard, il avait changé d’idée. D’autres transactions sont survenues au cours des heures suivantes et [George McPhee] a finalement rappelé pour confirmer qu’on avait une entente. Il était environ 14 heures. »

Sinon, Savard n’était pas resté scotché à son téléphone pour multiplier les appels. « On ne passe pas la journée à parler à tout le monde. Tu as des affinités avec certains directeurs généraux, tandis qu’avec d’autres, tu sais que c’est une perte de temps parce qu’ils veulent absolument avoir le dessus. 

« Quand il n’y a pas de volonté de l’autre côté, ça ne donne rien de rappeler. »

— André Savard

Linden n’a fait que passer à Washington. Zednik et Bulis sont restés à Montréal quatre ans. Zednik a connu des saisons de 26 et 31 buts.

CES TRANSACTIONS QU’ON NE FAIT PAS...

Il est rare que le directeur général reste en communication régulière avec son propriétaire, lors d’une telle journée.

« Tu connais les joueurs plus que lui. Tu es préparé et tu n’as pas le temps de commencer à l’appeler, car il y a trop de monde dans l’équation. Tu communiques avec lui uniquement pour des questions financières. »

Il y a aussi ces transactions qui ne surviennent jamais, et que le DG ne regrette pas.

« Quand Saku Koivu est tombé malade (en 2001), on m’a suggéré à l’interne d’acquérir Jason Allison, des Bruins, qui était sur le marché. Mais Allison touchait 7 millions et j’ai dit non. »

Allison a été échangé aux Kings de Los Angeles en retour de Jozef Stumpel et Glen Murray. Allison a joué moins de deux saisons à Los Angeles avant de se retirer en raison d’une blessure. Il a tenté un bref retour à Toronto quelques saisons plus tard. Murray a connu plusieurs saisons de plus de 25 buts à Boston, dont une de 44 buts et 92 points. Stumpel a été solide pendant deux ans pour les Bruins.

« Je suis content de ne pas l’avoir fait. Ça aurait été un désastre. »

Koivu est revenu au jeu avant la fin de la saison et le Canadien a pu éliminer… les Bruins !

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