Restauration

L’éveil de La val

Laval a beau être la troisième ville la plus peuplée du Québec, elle est longtemps restée dans l’ombre de Montréal en matière d’offre gastronomique. Mais le vent est en train de tourner, grâce à la multiplication des nouvelles adresses.

UN DOSSIER D’IRIS GAGNON-PARADIS

Un « centre-ville » en effervescence

À Laval, autour du métro Montmorency, le paysage est en train de changer radicalement. Il y a d’abord eu l’arrivée de la Place Bell, l’an dernier, avec sa Taverne 1909, la petite sœur de la brasserie sportive du Centre Bell, à Montréal, mais aussi d’un tout nouveau complexe où sont regroupées plusieurs nouvelles adresses gourmandes.

Car c’est ici que s’érige peu à peu le « centre-ville » de Laval, lieu accessible où convergent déjà travailleurs et étudiants, grâce au campus de l’Université de Montréal et au collège Montmorency. On voit d’ailleurs, bien en évidence à la sortie du métro, l’immense panneau qui annonce le mégaprojet d’Espace Montmorency, mené par le promoteur Montoni.

D’une superficie de 1,4 million de pieds carrés, ce projet en quatre phases imaginé par Sid Lee annonce, au-delà d’une simple attraction commerciale qui rassemble restaurants, cafés, spas, bureaux, boutiques et hôtels, un véritable projet « multifonctionnel » avec espaces verts et cours intérieures.

Rencontré à son nouveau restaurant Gatto Matto, dans le complexe de la Place Bell, Jacques Gaspo, du groupe Foodtastic, est enthousiaste. Le Lavallois d’origine, derrière des marques comme La Belle et La Bœuf et Carlos & Pepe’s, croit que tout est désormais en place pour mettre la ville sur le radar gastronomique.

« Ça fait 20 ans que je dis que Laval est en expansion, et ça l’est encore. Laval commence à montrer ses vraies couleurs. Ce n’est pas le 450, la banlieue ! C’est une ville au même titre que Montréal et Québec. Il n’y a aucune raison d’aller à Montréal avec ce que Laval a à offrir », lance celui qui prévoit d’ailleurs ouvrir non pas un, mais trois nouveaux concepts de restaurant dans le futur Espace Montmorency, dont l’ouverture est prévue autour de 2020.

En plus de cet « instagrammable » restaurant italien à la décoration fleurie, Foodtastic a ouvert au Centropolis, l’été dernier, la très courue Miss Wong, une brasserie asiatique nouveau genre, située dans l’ancien club Moomba – le tout premier projet de M. Gaspo, au début des années 2000. Un endroit qu’il a conçu en collaboration avec Dan Pham, un restaurateur de Montréal (Blossom, Red Tiger). « C’est la folie furieuse, et on a une forte proportion de la clientèle qui vient de Montréal », lance M. Gaspo pour illustrer la popularité de ses établissements.

5 millions

Investissement total pour les projets du Miss Wong et Gatto Matto

Quand les Montréalais débarquent

Nul doute, la scène gastronomique est en effervescence à Laval. Une impression que confirme Geneviève Roy, PDG de Tourisme Laval. « Il y a une effervescence gastronomique certaine à Laval. La ville est en croissance en ce moment, dans tous les sens du terme. Les propriétaires de nouveaux restaurants disent tous la même chose : ils ont choisi Laval pour l’effervescence de son centre-ville, son accessibilité, la qualité du pied carré disponible. »

Pas étonnant, donc, que plusieurs Montréalais aient les yeux tournés vers l’île Jésus, et particulièrement son « centre-ville » – un périmètre qui inclut tout le développement autour du métro, mais aussi le Centropolis et le Carrefour Laval.

C’est le cas d’un d’A5 Hospitality, une entreprise montréalaise spécialisée dans la création et l’exploitation de restaurants et de bars. La Presse a appris que le groupe compte s’installer dans le complexe de Place Bell dès février, avec un concept de resto-bar qu’il préfère garder secret pour l’instant.

Connu pour ses populaires établissements montréalais comme le Jatoba, Kampai Garden, Mayfair et Flyjin, mais aussi pour ses deux projets sur la Rive-Sud (General Sherman et Madame Bovary), le groupe est allé chercher Jean-Louis Labrecque comme partenaire pour cette nouvelle aventure. Ce dernier est « acheteur de talent » pour le Beach Club, mais aussi, et surtout, un grand épicurien, explique Patrick Hétu, coprésident et fondateur d’A5.

« Jean-Louis nous a vraiment allumés sur le fait qu’il y avait un “trou” gastronomique à Laval, un potentiel énorme ! Du côté de l’offre branchée et haut de gamme, il n’y a rien, et c’est ce qu’on veut faire. On ciblera particulièrement les trentenaires qui ont le goût d’aller prendre un verre et de bien manger. On croit avoir une clientèle qui viendra de partout, de Laval, de la Rive-Nord, mais aussi de Montréal. »

Un peu plus au nord, tout près du Carrefour Laval, un établissement montréalais vient lui aussi de s’aventurer en territoire lavallois : l’Escondite. Fort de la popularité de ses deux adresses du centre-ville de Montréal, le restaurant inspiré par la culture mexicaine cartonne depuis son ouverture à Laval, au début d’octobre. Au cours de notre passage, un vendredi sur l’heure du lunch, le restaurant était d’ailleurs plein à craquer.

Directeur général des Escondite, Louis P. Rouleau est un gars de Laval. Ouvrir, enfin, dans sa ville natale est donc un grand bonheur pour lui, et surtout un projet qui a beaucoup de sens. « On est le premier vrai restaurant mexicain à Laval. Les gens connaissent notre marque et ils sont vraiment contents qu’on vienne s’installer ici. Nous avons même eu des clients de Montréal, trop heureux d’éviter le trafic… et d’avoir du stationnement ! »

Saint-Rose : Laval « indie »

Le quartier de Sainte-Rose serait-il à Laval ce que le Plateau ou le Mile End sont à Montréal ?

Loin de l’immense centre-ville de Laval où poussent les gros projets portés par les gros sous, le charmant quartier du « vieux » Sainte-Rose a su développer son identité distincte côté gastronomie avec des projets indépendants démarrés par de jeunes passionnés.

Pour Francis Lorrain, copropriétaire du très populaire Boating Club, Sainte-Rose, ce n’est pas vraiment Laval, en fait. « Je m’identifie plus à Sainte-Rose qu’à Laval. Pour moi, c’est carrément une petite région à part. Je ne vais jamais au sud en tant que client, ce ne sont pas des offres qui me rejoignent », explique celui qui est aussi propriétaire de la Boucherie Lorrain et de Lorrain à la mer, tout juste de l’autre côté de la rivière des Mille-Îles, à Rosemère.

C’est avec une bande d’amis qui sont tous originaires des environs qu’il a lancé le Boating Club, en 2014, en quelque sorte le premier établissement porté par cette nouvelle garde de jeunes restaurateurs qui ont le désir de faire de Laval une destination gastronomique intéressante au même titre que Montréal.

« Comme n’importe quel projet de restauration, c’était un peu un coup de dés, mais nous avions une belle bâtisse et un beau projet. Cela a décollé super vite ! », se souvient-il, ajoutant que le groupe cherche actuellement d’autres locaux dans le coin pour un nouveau projet à venir.

Il ne faut pas oublier qu’à une certaine époque, le boulevard Sainte-Rose était une destination gastronomique de choix dans la banlieue nord avec des adresses réputées, comme Derrière les Fagots. « Ce n’est pas vrai que les gens de Laval sont moins foodies, c’est juste que pendant longtemps, il n’y avait aucune offre, donc tout le monde se retrouvait en ville. Il y a du monde hot en masse dans la région ! Et de plus en plus, on a des belles adresses », lance-t-il.

Tables inspirées

Parlant de coup de dés, c’est un peu ce qu’ont fait les six partenaires du restaurant Oregon lorsqu’ils ont ouvert en décembre 2016 les portes de leur bar à vin, situé dans un petit « mall » du boulevard Curé-Labelle, à l’entrée de Sainte-Rose.

Si l’extérieur ne paie pas de mine, l’intérieur, vaste, tout en bois et verdoyant, donne immédiatement l’envie de s’attabler à cette adresse où l’on sert une cuisine de saison délicate et inspirée, création du nouveau chef de l’endroit, Liam Beckett, qui a succédé à Paul Couture. Le tout, accompagné d’une carte de vin axée sur les jus nature qui n’a rien à envier aux tables du genre à Montréal.

En entrevue, Jérôme Pinard, l’un des propriétaires, revient sur le chemin parcouru depuis deux ans. « On est une adresse de destination, donc on a dû se faire connaître, bâtir notre clientèle. Mais les gens de Laval sont très curieux, prêts à essayer, ils se laissent guider. Notre clientèle est très éclectique. Oui, on est un restaurant d’occasion, mais c’est très important pour nous d’être un restaurant de quartier, et c’est pourquoi on ajuste nos prix en conséquence. »

À quelques minutes de là, Le Black Forest s’est installé dans une jolie maisonnette de 1834 remise au goût du jour. Ouvert à l’été 2017, le restaurant est le projet de Jean-François Pepin et de sa femme, Mélanie Joannette, tous deux originaires de Sainte-Rose, auxquels s’est joint le chef de cuisine Mark Lee Basombrio, auparavant au Boating Club.

Après avoir travaillé longtemps comme traiteur, M. Pepin avait envie d’un restaurant où il pourrait exprimer sa créativité. Ce qu’il fait, puisque son menu, composé de petits plats, change tous les mois. Un menu pour lequel il s’approvisionne beaucoup auprès des producteurs locaux – car oui, il y a encore beaucoup de producteurs maraîchers à Laval.

« C’est sûr qu’on propose une cuisine plus raffinée, différente. Le plus difficile à Laval, c’est de convaincre les clients de franchir la porte. Mais une fois que c’est fait, les fidéliser, c’est facile ! »

Adresses gourmandes lavalloises 

Les projets gourmands de toutes sortes se multiplient à Laval. Nous vous présentons les ouvertures récentes et celles à venir, un peu partout dans l’île Jésus.

La bête à pain

En matière de boulangeries artisanales, c’est un peu, beaucoup le désert à Laval. Mais plus pour longtemps, car La bête à pain, déjà installée dans Ahuntsic et Griffintown, s’y amène pour l’hiver 2019. Comme à Griffintown, la boulangerie sera intégrée au magasin de décoration urbaine Must Société. Le chef Marc-André Royal y installera un concept hybride, à la fois boulangerie et comptoir, comme La bête à pain, donc, mais aussi un peu restaurant, comme son établissement Le St-Urbain. « Nous avons déjà une bonne clientèle de gens de Laval qui viennent au St-Urbain. Nous allons proposer une cuisine moderne et de saison en salle à manger », précise-t-il.

1965, voie de desserte Est, Laval

Gatto Matto

Designer de formation, Jacques Gaspo, de Foodtastic, est derrière le décor rose et fleuri du Gatto Matto, situé dans le complexe de la Place Bell. « Notre concept est très “girly”, très axé sur Instagram. On veut parler le langage de la nouvelle génération », explique-t-il. Au menu, des mets italiens classiques – pizzas, pâtes fraîches, mais aussi des tartares et crudos – , travaillés avec des ingrédients frais et où tout est fait maison. L’endroit compte également une carte des vins qui en offre pour tous les goûts, des grands classiques en passant par les vins bios et en importation privée.

1950, rue Claude-Gagné, Laval

Miss Wong

Campé dans l’ancien club Moomba, fermé à l’été 2017, le Miss Wong est un autre projet de Foodtastic, mené en collaboration avec le restaurateur Dan Pham et le chef Phong Thach (Le Red Tiger, Le Blossom). Avec ses 400 places et son design complètement inspiré des « Chinatown » signé par le designer Guillaume Ménard, l’endroit, qui fait partie du Centropolis, se veut une brasserie asiatique réinventée, à la fois restaurant et bar. Depuis l’ouverture, l’endroit attire les foules.

1780, avenue Pierre-Péladeau, Laval

Escondite

Après avoir cartonné avec son adresse près du square Phillips, puis celle tout à côté du Centre Bell, rue Drummond, Escondite et ses tacos ont débarqué à Laval au début d'octobre, tout à côté du Carrefour Laval. La marque est l’affaire d’un groupe de restaurateurs montréalais motivés, derrière des concepts comme le Biiru, La Habanera, Koa Lua et Gokudo. Escondite est reconnu pour son ambiance festive, sa bouffe d’inspiration mexicaine et ses cocktails colorés. Bon à savoir : contrairement à Montréal, les mineurs sont admis dans l’établissement lavallois.

2119, boulevard Le Carrefour, Laval

Le Petit Dep

Les habitués du Vieux-Montréal risquent d’être surpris lors de leur prochaine visite au Carrefour Laval en passant devant la version lavalloise du Petit Dep, ce très mignon dépanneur et café de la rue Saint-Paul Ouest. La propriétaire, Magda Slezak, est aussi derrière le Magenta Studio, situé dans le Carrefour Laval. Comme son bail arrivait à échéance, elle a décidé de changer de local et de proposer un concept hybride de studio de photographie et de dépanneur-café. « Je trouvais qu’il y avait vraiment une opportunité pour un café de meilleure qualité au Carrefour », confie-t-elle. L’endroit est reconnaissable à sa jolie façade vert menthe.

3003, boulevard Le Carrefour, Laval

À Domicile

Récemment, La Cage – Brasserie sportive a délaissé son local de Laval, situé dans le Holiday Inn, pour s’implanter dans le Carrefour Laval. Groupe Sportscene, qui détient la marque, a choisi de faire de l’espace un terrain d’essai pour un nouveau concept, À Domicile, qui verra le jour en janvier. « On veut vraiment y attirer la jeune génération, mettre de l’avant une nouvelle façon de faire de la restauration », explique Louis-François Marcotte, vice-président image de marque et innovation pour l’entreprise. Polyvalence semble être le mot-clé pour ce concept où l’on pourra à la fois commander pour emporter ou manger sur place et profiter des tables de ping-pong et de baby-foot. Côté bouffe, le chef évoque à la fois des burgers à la plaque avec choix de garnitures, un bar à patates et un « cellier » de boissons, alcoolisées ou non, de spécialité. À suivre.

2900, boulevard Le Carrefour, Laval

Piatti Pizzeria

Ouvert à Rosemère il y a 10 ans, le restaurant Piatti s’est taillé un nom dans la région avec sa cuisine italienne de qualité. Quand s’est présentée l’occasion d’occuper un local dans le nouveau lotissement Promenades du Boisé, situé aux abords de la 440, les propriétaires ont décidé de plonger. Cette nouvelle adresse, dont le design est l’affaire des Gauley Brothers (Foiegwa, Birdbar), sera peu plus conviviale et décontractée que la première, et axée sur la pizza. Mais « il y aura aussi des pâtes fraîches, un cellier à fromages et à charcuteries, des poissons et viandes du jour », détaille Gianpero Morgia, l’un des propriétaires. Ouverture prévue d’ici l’hiver 2019.

3665, voie de desserte nord de l’autoroute 440, Laval

Jack Saloon

Fondé à Québec sur la Grande Allée en 2011, le Jack Saloon, un resto-bar inspiré des saloons de l’Ouest américain, a fait beaucoup de petits depuis un peu partout en province  – DIX30, Trois-Rivières, Sainte-Foy, Beauce… L’endroit, qui sert du « trashfood de luxe », a ouvert au début de septembre une sixième adresse, à Laval, dans le Centre Laval.

1600, boulevard Le Corbusier, Laval

Oregon

En décembre, Oregon fêtera ses deux ans d’existence. Les six partenaires ont fait le beau pari d’ouvrir un bar à vin qui n’a rien à envier aux établissements montréalais du genre. Depuis peu, un nouveau chef, Liam Beckett, est aux commandes de la cuisine, après avoir travaillé notamment à Belfast, en Irlande, en Toscane et chez Impasto, à Montréal. Sa cuisine de marché, axée sur les légumes, est bien maîtrisée et créative. Une bonne raison d’aller faire un tour à Sainte-Rose.

241, boulevard Curé-Labelle, Laval

Le Black Forest

Le chef Jean-François Pepin a longtemps travaillé comme traiteur. C’est parce qu’il avait envie de laisser aller sa créativité qu’il a décidé d’ouvrir, à l’été 2017, Le Black Forest, dans un immeuble datant de 1834. L’endroit a été modernisé avec une décoration rappelant notre identité boréale. Le menu, composé d’une dizaine de petits plats, change tous les mois et l’endroit compte une clientèle d’habitués qui aime venir découvrir les créations du moment de la cuisine. Un bel endroit pour un tête-à-tête en amoureux.

284, boulevard Sainte-Rose, Laval

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.