OPINION SYSTÈME DE SANTÉ

Urgence !

Inspirons-nous des pays qui ont réussi à transformer leurs hôpitaux en structures plus autonomes, plus responsables face à leur organisation, leurs finances et leur budget

Le dernier rapport du Commissaire à la santé et au bien-être s’attarde à une problématique récurrente du réseau de la santé québécois : l’attente aux urgences. Bien que nos hôpitaux parviennent à répondre assez bien aux urgences aiguës, le lot de la majorité des personnes qui s’y présentent est une attente hors norme.

Les résultats de l’étude sont connus de tous : des urgences qui débordent et une attente inacceptable dans plusieurs établissements de santé.

Mais ce qui choque le plus, c’est qu’en se comparant aux autres réseaux dans le monde, on ne peut se consoler. Le Québec est bon dernier dans plusieurs indicateurs de performance.

Pourtant, plusieurs pays ont réussi à changer la direction de leur réseau et à résoudre rapidement les problèmes aux urgences. Des réseaux qui misent sur des gestionnaires chevronnés, qui ont du personnel bien formé et en nombre suffisant. Des organisations qui encouragent l’initiative et le leadership, qui bousculent les idées préconçues de prise en charge. Des systèmes qui refusent certains diktats de syndicats ou de fédérations médicales avides de pouvoir, et qui investissent aux bons endroits.

Dans le rapport du Commissaire, l’exemple de la Grande-Bretagne, qui a un réseau similaire au nôtre et obtient des résultats plus encourageants, vient tout de suite en tête.

Cependant, on revient toujours aux mêmes causes, parce que les mains des uns sont liées par les intérêts politiques des autres : vieillissement de la population, désinstitutionnalisation, manque de plateaux techniques, manque de personnel, manque de lits, attente interminable pour des consultations, première ligne inefficace, soins de longue durée et à domicile inadaptés, insuffisants et sous-financés.

On le sait, les hôpitaux doivent faire des miracles. Chaque année, ils compriment au maximum leurs dépenses et tentent l’exploit périlleux d’équilibrer leur budget.

Les gestionnaires n’obtiennent pas de reconnaissance pour le travail bien fait et, en plus, ils sont les premiers critiqués quand il manque de lits, d’équipements ou de salles. On sait tous que c’est plus facile de critiquer quand on n’est pas en position de décider.

Je ne m’attarderai pas sur les résultats de l’étude du Commissaire dont les résultats sont connus, clairement définis et facilement accessibles. Ce que je veux relater, ce sont les mesures prises par un hôpital ayant une des plus grandes urgences au Québec, l’Hôpital général juif de Montréal. L’hôpital réussit, année après année, à résoudre le mieux possible les problématiques inhérentes aux urgences, et ce, malgré toutes les contraintes que lui imposent les fonctionnaires à Québec.

Il n’y a pas de recette miracle pour des urgences comme celle de l’Hôpital juif, mais certaines caractéristiques se retrouvent chez toutes celles qui réussissent l’exploit d’avoir des urgences performantes.

Il importe en premier lieu d’avoir un directeur général, un conseil d’administration et un médecin-chef pouvant exercer un leadership fort auprès des urgences et capable de rallier l’ensemble des intervenants à la mission et aux objectifs établis.

Il doit aussi y avoir entente avec les médecins sur les objectifs à atteindre. Les médecins des urgences de l’Hôpital juif ont d’ailleurs convenu de regrouper 15 % de leurs revenus afin de payer le temps protégé des médecins qui s’occupent, avec les gestionnaires, du bon fonctionnement des urgences et de l’amélioration des processus.

Les infirmières sont également mises à contribution et leur autonomie doit être favorisée pour pallier la demande importante de soins. Une meilleure collaboration avec les divers intervenants est une clé pour améliorer constamment les urgences. De plus, que ce soit les médecins spécialistes, les services diagnostiques ou les responsables de la gestion des lits, tous doivent contribuer à la réussite des urgences.

La culture Lean doit aussi faire partie des mœurs de l’hôpital. L’équipe doit constamment chercher à s’améliorer et à trouver de nouvelles façons d’innover. Il faut encourager l’innovation, les services plus près du citoyen.

Nos organisations publiques ont des devoirs envers leur population. Elles doivent devenir plus autonomes et fortes face à une bureaucratie de plus en plus envahissante, autoritaire et centralisatrice au ministère de la Santé.

Il faut recréer des entités centrées sur le patient, plus près du citoyen, davantage soucieuses du bien-être des malades. Il faut revoir l’organisation de la première ligne, réexaminer les chasses gardées dans le réseau et mieux organiser les soins offerts aux clientèles vulnérables.

Comme le relate le bureau du Commissaire, la Grande-Bretagne a réussi à transformer ses hôpitaux en structures plus autonomes, plus responsables face à leur organisation, leurs finances et leur budget. Si elles ont réussi à améliorer leur performance en si peu de temps, on devrait être capable de faire de même.

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