Environnement

Québec investit 80 millions dans les technologies propres

Le ministre Fitzgibbon réitère sa foi dans la filière lithium

Électrification, captation du carbone, recyclage du plastique et réduction des gaz à effet de serre (GES) : Québec est prêt « à mettre de l’argent dans les entreprises québécoises qui veulent innover », a annoncé hier le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, avec un investissement de 80 millions dans les technologies propres.

« On a beaucoup d’entreprises québécoises qui ont l’énergie, le talent, la compétence pour innover, a-t-il déclaré en point de presse. Les fonds en question, c’est pour que les jeunes compagnies québécoises puissent se concentrer à aider les grands producteurs à se dépolluer. »

M. Fitzgibbon a fait cette annonce lors d’un discours qu’il a prononcé à l’occasion d’une conférence organisée par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). Avec ses 1100 personnes réunies au Palais des congrès, l’événement était « le plus costaud organisé pour un ministre », a précisé Michel Leblanc, président et chef de la direction de la CCMM.

La moitié des fonds de 80 millions sont destinés aux entreprises qui développent des procédés dans des secteurs jugés cruciaux pour la lutte contre les changements climatiques. Au cours des prochaines semaines, Québec lancera en outre deux appels de projets plus précis, totalisant 40 millions. On offre ainsi des subventions, de 200 000 $ à 10 millions, pour des projets visant à réduire les émissions de GES des entreprises. Une enveloppe de 5,5 millions est aussi réservée à des projets semblables en agriculture et dans le secteur agroalimentaire.

« Confiant » pour le lithium

Malgré les difficultés que rencontrent les deux projets de mines de lithium au Québec, le ministre Fitzgibbon a réitéré sa foi dans cette industrie. « Aujourd’hui, il y a plus d’offre que de demande, alors le prix est bas, a-t-il expliqué en point de presse. Si on regarde les projections, avec la courbe de croissance des véhicules électriques dans le monde, on va manquer de lithium. »

Il estime que le Québec dispose d’un avantage compétitif certain pour exploiter cette ressource étroitement associée au développement des batteries équipant les véhicules électriques. « Le lithium peut devenir une rareté ; or, il y a plusieurs gisements au Québec. Ça prend de l’électricité ; notre coût est bas et notre électricité est propre. Même si notre main-d’œuvre coûte plus cher qu’en Chine, on a un avantage comparatif. »

Interrogé sur la scène par Michel Leblanc sur la perspective d’une récession dans les prochaines années, M. Fitzgibbon s’est par ailleurs dit assuré que les entreprises du Québec étaient généralement bien équipées pour y faire face. Invité plus tard par les journalistes à préciser sa pensée, il s’est dit rassuré par leur faible niveau d’endettement.

« Quand une entreprise a trop d’emprunts, les profits baissent, les charges financières deviennent trop lourdes. Quand je parle à M. Vachon, de la Banque Nationale, à M. Cormier, du Mouvement Desjardins, ce qu’on voit, c’est que les gens semblent prêts à passer au travers d’un ralentissement. »

ENVIRONNEMENT

Quand le climat divise les économistes

Décroître pour enrayer le réchauffement climatique ou compter sur le progrès technologique ? Laisser libre cours au marché ou réguler davantage face aux inégalités ? Parmi les économistes et essayistes, le clivage entre marché libre et économie dirigée est en tout cas loin d’être enterré.

Dès 1972, le rapport Meadows, rédigé par des experts américains, s’interrogeait : comment assurer une croissance continue dans un monde aux ressources restreintes ? Conforté par les critiques du consumérisme et le spectre du réchauffement climatique, le concept de décroissance gagne en popularité.

« Le problème, c’est que notre économie dépend du carbone, des énergies fossiles. Il y a une prise de conscience, mais le ver est dans le fruit […] c’est une dépendance », relève auprès de l’AFP Sophie Swaton, économiste et philosophe à l’Université de Lausanne, en Suisse.

Et d’énumérer des mesures pour en sortir : limitation des bonus, interdiction des pesticides, instauration d’un « revenu de transition écologique » récompensant de nouvelles activités vertueuses…

La décroissance reste cependant compliquée à revendiquer : « On est dans un verrouillage sociétal, culturel, c’est difficile pour un chef d’État de faire un pas de côté », déplore auprès de l’AFP Agnès Sinaï, journaliste et enseignante à Sciences Po Paris.

Mais comment créer des emplois ou financer la protection sociale sans croissance ?

Mme Sinaï évoque une meilleure répartition des ressources – un « rationnement énergétique » individuel, par exemple – et une allocation exigeante des fonds publics et liquidités des banques centrales.

Croissance plus éthique

D’autres économistes, eux, préfèrent défendre une croissance plus éthique, non seulement suspendue au chiffre du produit intérieur brut (PIB), mais attachée à des critères sociaux et environnementaux.

« Vous avez besoin de croissance […] mais nous allons dans une mauvaise direction qui gonfle inutilement la consommation de ressources, avec des problèmes massifs d’inégalités. »

— Stewart Wallis, président de la Wellbeing Economy Alliance

Stewart Wallis prône « une économie de marché où les mesures incitatives et objectifs seraient radicalement changés […] à l’inverse du capitalisme traditionnel ». L’approche séduit déjà certains gouvernements – Nouvelle-Zélande et Écosse – dans l’élaboration de « budgets du bien-être ».

Dans leurs derniers livres, le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz plaide pour un « capitalisme progressiste » avec un retour de l’État et de la régulation des marchés, tandis que le Français Thomas Piketty, connu pour son travail sur les inégalités, prône un « socialisme participatif » bouleversant le rapport à la propriété privée.

Laisser faire le marché et l’innovation

« Personne ne peut nier le fait que le progrès technique et les échanges commerciaux ont permis de sortir de l’extrême pauvreté et de produire des innovations », affirme à l’AFP l’essayiste libéral Gaspard Koenig.

Selon la Banque mondiale, 10 % de la population mondiale vit sous le seuil de pauvreté, contre 36 % trente ans plus tôt.

Avion à hydrogène, viande de synthèse, bateau nettoyeur d’océans : en projet ou déjà en développement, les innovations techniques se multiplient pour tenter de sauver la planète.

De quoi réjouir les penseurs libéraux : « C’est par la technique qu’on résoudra les problèmes posés. Quand on voit les progrès dans le solaire, l’éolien […] la mise au point de bactéries pour dévorer des sacs plastiques… Cela peut aller tout aussi vite que le progrès des technologies fondées sur le carbone au XIXe siècle », estime M. Koenig.

« Il y a 100 ans, personne n’aurait pu prévoir le nucléaire ou l’internet. Miser sur la technologie, c’est un pari qui implique de ne pas mettre de restriction au progrès », renchérit Laurent Pahpy, analyste pour l’Institut de recherches économiques et fiscales, centre de réflexion libéral.

Pour ces « techno-optimistes », pas question de parler de décroissance et encore moins d’un contrôle renforcé de la puissance publique.

Un débat à suivre…

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