PERSONNALITÉS DE LA SEMAINE

Karl Fernandes et son équipe du CRCHUM

Dans leur laboratoire du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CRCHUM), Karl Fernandes et son équipe ont fait une découverte qui pourrait ouvrir de nouvelles avenues dans la recherche sur la maladie d’Alzheimer. Ils sont nos personnalités de la semaine.

Le 27 août, l’équipe de Karl Fernandes, chercheur au CRCHUM et professeur de neurosciences à l’Université de Montréal, a publié dans la revue scientifique Cell Stem Cell un article faisant état d’une nouvelle piste dans la recherche d’un médicament pour la maladie d’Alzheimer.

Leur découverte : les personnes atteintes de cette maladie présentent des dépôts de lipides dans le cerveau. C’est Laura Hamilton, étudiante au doctorat sous la direction de Karl Fernandes et auteure principale de l’article publié dans Cell Stem Cell (cosigné par une dizaine de collaborateurs), qui a fait cette découverte étonnante dans le cadre d’un projet qui a nécessité cinq ans de travail.

« Nous avions observé une diminution de l’activité des cellules souches dans les cerveaux de souris prédisposées à la maladie d’Alzheimer et nous voulions savoir pourquoi, dit Karl Fernandes. Dans la même région du cerveau, nous avons constaté une forte accumulation de lipides. »

L’étape suivante était de vérifier si ces traces de gras étaient aussi présentes dans le cerveau d’humains atteints de la maladie – ce qui, pour le moment, est impossible à vérifier chez des sujets vivants. Les chercheurs ont donc examiné le cerveau de neuf personnes mortes de la maladie et les ont comparés à cinq cerveaux sains. Ils ont constaté que les cerveaux des patients atteints de la maladie présentaient, de façon significative, plus de gras que ceux des cerveaux sains. 

Par la suite, une équipe de chimistes dirigée par le professeur Pierre Chaurand a découvert que ces gras seraient produits par le cerveau lui-même. Chez les souris, ces gras commencent à s’accumuler vers l’âge de deux mois, ce qui correspond au début de la vingtaine chez l’humain, soit bien avant l’apparition de symptômes.

« Le nombre de cerveaux étudiés est petit, et il faut donc que l’expérience soit reproduite sur de plus grandes cohortes au cours des prochaines années. »

— Karl Fernandes

« D’autres chercheurs dans le monde vont vouloir tester nos découvertes pour essayer de déterminer s’il ne s’agirait pas d’un chaînon manquant dans la recherche sur la maladie d’Alzheimer. Il y a beaucoup de chercheurs dans le domaine, mais jusqu’à maintenant, personne n’avait encore examiné la question sous cet angle parce qu’il faut beaucoup de temps pour développer les techniques et les approches ayant permis d’arriver à cette découverte », ajoute-t-il. 

UNE MALADIE MÉTABOLIQUE DU CERVEAU ?

Les résultats de ce projet de recherche suggèrent que la maladie d’Alzheimer pourrait être une maladie métabolique du cerveau, tout comme l’obésité est une maladie métabolique de l’organisme. Des molécules actuellement testées pour traiter l’obésité et le diabète pourraient donc être modifiées et testées aussi pour la maladie d’Alzheimer. C’est l’une des prochaines pistes à suivre.

« Pour le moment, nous avons constaté qu’en administrant directement ces molécules au cerveau de souris prédisposées à la maladie, il y avait une réactivation de l’activité des cellules souches et que le niveau de ces acides gras était bel et bien diminué. C’est une piste. Mais il va falloir beaucoup de temps pour mesurer toutes les conséquences de ces découvertes. On parle, pour en arriver à des essais cliniques chez l’humain, de 10 à 15 ans de recherches. »

Dans le monde, 47,5 millions de personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer.

« La recherche scientifique est en partie une question de chance et d’inspiration, mais avant tout, c’est une question de “transpiration”, c’est-à-dire d’heures de travail. »

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