Médias  David Desjardins

Finies les chroniques au Devoir et la carte de presse

Le journaliste David Desjardins vit une sortie de piste abrupte. Depuis son entrevue à La Presse, lors de laquelle il a affirmé avoir fondé une entreprise de marketing pour pallier ses cachets de piges qu’il juge insuffisants, Le Devoir a mis fin à ses chroniques et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a refusé que sa carte de membre soit renouvelée.

Établi à Québec, M. Desjardins commente régulièrement des sujets d’actualité pour Le Devoir, L’actualité et Radio-Canada. Or, en cofondant à l’automne 2014 l’agence La Flèche, qui produit des contenus publicitaires, il n’a pas informé la société d’État et le journal indépendant de ses nouvelles fonctions.

« Nous fonctionnons selon un principe de bonne foi. Quand cette bonne foi n’est pas respectée, il faut tirer des conclusions. C’est pourquoi j’ai eu des échanges avec David Desjardins pour lui faire valoir que c’était une question de confiance minimale qu’il nous informe [de sa nouvelle entreprise] », a affirmé Josée Boileau, rédactrice en chef du quotidien Le Devoir.

Chaque année, ses reporters signent une déclaration d’intérêts pour informer la direction de l’information de leurs activités qui pourraient contrevenir au code de déontologie de la profession journalistique. En 2014, un mois après avoir créé son entreprise, David Desjardins n’a pas informé le journal de sa réorientation de carrière.

« À l’avenir, on va poser des questions beaucoup plus [insistantes] auprès de nos collaborateurs. On doit nous mentionner tout changement de statut, pour valider ensuite si ça pose problème. Quand on parle de publicité, a priori, ça en pose un », a convenu Mme Boileau.

Pour sa part, Guillaume Bourgault-Côté, journaliste et président du Syndicat de la rédaction du journal Le Devoir, croit que la situation dans laquelle David Desjardins s’est placé est inacceptable.

« On ne peut pas être journaliste le lundi et dans l’industrie de la publicité le lendemain. » 

— Guillaume Bourgault-Côté, journaliste et président du Syndicat de la rédaction du Devoir

« À mon sens, la situation telle qu’on la connaît n’est pas acceptable parce qu’il y a un flou. Il y a des choses qui sont cachées et qui ne sont pas dites, ça me paraît évident », a-t-il réagi.

LA FPJQ NE LUI PERMET PLUS D’ÊTRE MEMBRE

Membre de la FPJQ jusqu’au 31 août dernier, David Desjardins avait déposé tout récemment sa demande de renouvellement de carte de membre. Or, après la publication de l’entrevue qu’il a réalisée avec La Presse, hier, la directrice générale de la fédération, Caroline Locher, lui a indiqué que sa requête était rejetée.

« Ses nouvelles fonctions sont incompatibles avec notre code de déontologie. […] M. Desjardins peut continuer à pratiquer le journalisme ou à se dire journaliste, mais il ne peut pas faire partie de la FPJQ », a-t-elle affirmé.

Cette histoire ouvre aussi la porte à de nombreuses questions éthiques, croit Paule Beaugrand-Champagne, présidente du Conseil de presse du Québec, un organisme indépendant dont le mandat est de protéger la liberté de presse.

« Il vient de mettre à mal sa propre indépendance. Comment les gens pourraient-ils s’assurer qu’en couvrant un tel sujet, il ne le fait pas au profit de ses clients ? Un journaliste peut difficilement maintenir son indépendance dans ce contexte-là », a-t-elle affirmé.

« Or, les journalistes pigistes sont dans une situation précaire. On peut comprendre qu’ils aient besoin de faire vivre leur famille. […] Je suis aussi convaincu que dans d’autres secteurs, comme les documentaires à la télévision, plusieurs réalisateurs font de la publicité pour joindre les deux bouts. [Ces mêmes questions éthiques] se posent maintenant pour les autres journalistes », a ajouté Mme Beaugrand-Champagne.

En plus de sa chronique au Devoir, David Desjardins écrit pour L’actualité. Malgré de nombreux appels et demandes d’entrevue, la direction du magazine ne nous a jamais répondu, hier.

Du côté de Radio-Canada, où le chroniqueur collabore à l’émission Médium large, on nous a répondu qu’on prenait la situation au sérieux, sans qu’il soit possible de parler à un membre de la direction de l’information.

« C’est sûr qu’on va regarder ça différemment, à la lueur de ses nouvelles fonctions. Je ne peux pas vous dire s’il fera à nouveau des chroniques, c’est la direction radio qui va regarder ça au cas par cas », nous a finalement affirmé Annie Bouthillette, chef des communications d’ICI Radio-Canada Première.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.