OPINION VULGARISATION SCIENTIFIQUE

Un soupir de soulagement

L’école pouvait-elle se permettre de voir mourir à petit feu Les débrouillards ?

C’est tout un soupir de soulagement pour le milieu scolaire québécois que ce revirement de situation annoncé par le ministre Jacques Daoust dimanche dernier.

Les acteurs de la vulgarisation scientifique que sont le Conseil du loisir scientifique, Les Publications BLD (à qui l’on doit notamment Les débrouillards, Les explorateurs et tout récemment Curium), l’ACFAS et l’Agence Science-Presse ne perdront pas leur financement.

Si le tollé de protestations nourri par les partis de l’opposition et le milieu de la communication scientifique a réussi à faire reculer l’austérité ambiante, force est de constater que les motifs invoqués tout autant que les moyens mis de l’avant auront choqué, et pour cause. Ces organismes portent à bout de bras la culture scientifique et technique au Québec.

Alors que l’école primaire devrait être le premier lieu d’acculturation scientifique, elle s’en remet, bien malgré elle, aux organismes de vulgarisation scientifique pour promouvoir la science auprès des jeunes.

PEU D’ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE

Il se fait très peu d’enseignement scientifique à l’école primaire. La place limitée accordée aux sciences et technologies dans le programme d’enseignement du primaire est difficilement conciliable avec les attentes véhiculées par le développement d’une culture scientifique. Le temps alloué dans la grille-horaire du primaire y est minime (une heure par semaine pour les élèves de 2e et 3e cycles), ce qui n’encourage pas les enseignants à s’investir dans des démarches expérimentales pourtant nécessaires au développement d’un savoir scientifique.

Aussi, l’enseignement et l’évaluation du français et des mathématiques accaparent l’essentiel du temps des enseignants du primaire. Qui plus est, nombre d’enseignants du primaire se sentent bien dépourvus pour aborder certains contenus scientifiques.

Dans ce contexte, il est facile d’imaginer l’onde de choc ressentie vendredi lorsque Québec a manifesté sa volonté de ne plus miser sur le développement de la culture scientifique au primaire. On peut se demander comment se porterait l’enseignement des sciences au primaire sans les brillants textes de vulgarisation scientifique publiés chaque mois par Les débrouillards et Les explorateurs. Comment s’organiseraient les concours scientifiques et les expo-sciences sans le soutien et les précieuses ressources offertes par le Conseil du loisir scientifique et la promotion de la recherche et de l’innovation scientifiques sans l’ACFAS ?

Rappelons-nous que dans les années 80 et 90, le Québec a choisi de miser sur les organismes de médiation scientifique comme les musées, les parcs fauniques et les organismes de vulgarisation pour promouvoir la culture scientifique et technique au Québec. Ainsi, c’est à cette époque qu’ont vu le jour le Biodôme et le Cosmodôme, mais également des organismes comme l’Agence Science-Presse, qui approvisionne nombre de médias nationaux – et internationaux – en nouvelles scientifiques. À la même époque, Les débrouillards (qui ont étendu depuis leurs ramifications un peu partout dans la francophonie), avec ses camps scientifiques, ses activités animées et ses ressources éducatives, a contribué à dynamiser l’offre de culture scientifique destinée aux jeunes.

DES QUESTIONS QUI S’IMPOSENT

Contrairement à la France, qui a choisi de former ses enseignants sur les contenus scientifiques abordés en amont des visites organisées dans les musées de sciences, les enseignants québécois apprennent en même temps que leurs élèves les savoirs qui y sont traités. Dans de telles circonstances, il est difficile d’imaginer que les retombées en matière de culture scientifique soient comparables.

Or, à une époque fertile en remises en question, notre gouvernement ne devrait-il pas se questionner sur les moyens d’améliorer le maillage entre l’école et les acteurs de la vulgarisation scientifique plutôt que de remettre en question la pertinence de ces derniers ?

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