Astrologie

Dis-moi ton signe et je te dirais qui tu es

Même si elle défie toute logique scientifique, l’astrologie continue d’interpeller un large nombre d’adeptes. Parmi eux, bien des millénariaux, comme en témoignent notamment les médias sociaux. Pourquoi cet intérêt indéfectible ? Qu’on y croie ou pas, l’astrologie semble apporter à beaucoup de précieux outils d’introspection. Explications.

Au moment d’écrire ces lignes, début décembre, Mercure est en mouvement rétrograde. Scientifiquement parlant, cela veut dire que la planète semble reculer dans son orbite, un effet d’optique dû à la révolution des planètes autour du Soleil à des vitesses différentes, ce qui influence notre perspective.

Mais si l’on fait un tour sur l’internet, une foule de mèmes et de publications sur les médias sociaux font état des problèmes dans la vie que l’état de Mercure est en train d’entraîner.

« Tout ce qui concerne la communication n’est pas au mieux, alors il est mieux d’attendre pour prendre de grosses décisions, pour signer des contrats ou faire des réservations », affirme Debbie Stapleton, astrologue certifiée et artiste montréalaise.

Parce que, astrologiquement parlant, ces périodes de rétrogradation indiquent que l’ordre est perturbé par le mouvement (apparent) de Mercure. Puisque cette planète est censée influencer la communication et est associée à l’affirmation de soi par l’intellect, ainsi qu’au raisonnement, les adeptes d’astrologie lui associent toutes sortes de problèmes (disputes, accidents, oublis ou retards) lorsqu’elle entre en mouvement rétrograde.

Des mèmes par milliers concernant le phénomène abondent sur Instagram. Et ce n’est que la pointe de l’iceberg lorsqu’il est question d’astrologie sur les réseaux sociaux. « Les mèmes sont des stéréotypes, c’est très grossier, mais ça permet de faire des blagues, explique Megan Bédard, étudiante au doctorat en sémiologie et codirectrice du chantier de recherche Savoirs occultes et alternatifs, à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il y a un aspect de communauté et un sentiment d’appartenance très importants, surtout sur les réseaux sociaux. »

Les adeptes d’astrologie sont de tous âges, mais le web dévoile que cette tendance prend beaucoup de place dans la culture populaire des millénariaux. « Il y a un engouement très présent », confirme Mme Bédard.

Y croire sans y croire

L’astrologie comme l’entendent de nombreuses personnes qui s’y intéressent n’est pas « une croyance à tout prix », croit Megan Bédard. « C’est plutôt un outil de connaissance de soi, qui est utilisé de façon pragmatique pour nous amener à réfléchir sur un aspect de notre personnalité ou sur la façon dont on agit. »

Stéphanie Roussel, poète, candidate au doctorat en sémiologie et également codirectrice du chantier de recherche à l’UQAM, estime qu’il faut « jouer le jeu de la croyance » lorsqu’on aborde l’astrologie.

« C’est une croyance limitrophe : la plupart des gens y croient et n’y croient pas en même temps. Tout le sens qu’on y trouve, ce qu’on veut en retirer, ça vient de nous. »

— Stéphanie Roussel

Karissa Tremblay, étudiante en sciences humaines de 24 ans, raconte que son intérêt pour l’astrologie s’est développé après qu’une amie lui eut parlé des cartes du ciel. Ces « thèmes de nativité », basés sur la position des astres à la naissance, représentent la base de la pratique de l’astrologie moderne occidentale : on se fie à la date, à l’heure et à l’endroit où on est né pour déterminer les facteurs influant sur la vie d’un individu, selon le déplacement des astres au cours de son existence.

Verseau, elle dit se reconnaître dans la description de son signe et dans les informations de son thème de naissance. « Parfois, on lit par rapport à soi-même et on va commencer à le voir davantage, à y faire de plus en plus attention », observe Mme Bédard. 

L’astrologie n’est pas une science

« Au cours du XXe siècle surtout, on a essayé de montrer que l’astrologie n’avait pas de fondements scientifiques, explique Megan Bédard. Et c’est vrai, il n’y a pas d’influence prouvée entre les planètes et ce qui se passe sur la Terre. »

Mais l’astrologie prétend-elle être une science ? Absolument pas, tranche l’astronome Daniel Kunth, astronome à l’Institut d’astrophysique de Paris et coauteur du livre L’astrologie, qui tente de comprendre la longévité du phénomène au fil des siècles.

« La science se pose des questions fondamentales, mais il reste des mystères qu’elle ne peut résoudre », dit M. Kunth. « Des gens croient que le moment de la naissance est très important, qu’il y a une configuration astrale pour chaque individu qui nous suit toute la vie, et qu’en regardant le ciel et en le comparant à ce qu’il était au moment de la naissance, on peut en tirer des conclusions sur ce que l’on est », résume l’astrophysicien.

Cette conviction, explique-t-il, donne l’impression d’être lié au cosmos, de ne pas être qu’une poussière dans l’univers. « On a décidé que ça fonctionne comme ça, on est en gage d’une nature symbolique, pas d’une explication scientifique. »

La majorité des personnes qui ont un intérêt ne sont pas dupes et ne confondent pas croyance astrologique et science astronomique. « En astrologie, on n’a pas cette volonté d’approcher des faits concrets, tangibles, de les étudier et de soupeser des hypothèses », dit Stéphanie Roussel. 

Trouver du sens 

« Une des premières critiques, c’est que l’astrologie donne une interprétation bien fermée de notre signe, mais au contraire, la complexité du système fait que les gens qui s’y intéressent veulent pouvoir se poser des questions », affirme-t-elle.

L’astrologie ne serait donc pas porteuse de déterminisme. « Ça détermine seulement comment on regarde le monde, on donne du sens à des choses qu’on expérimente par rapport à ça », affirme Megan Bédard.

La plupart des personnes qui consultent un astrologue le feront parce qu’ils sont à la croisée des chemins dans leur vie, témoigne Debbie Stapleton.

« Ils veulent du contexte. C’est très apaisant de mieux comprendre le contexte de ta vie. »

— Debbie Stapleton

Ce désir de réponses est inhérent à la nature humaine. L’astrologie, donc, ne fait pas un retour. Elle s’articule différemment, grâce au web, mais « a toujours été là et risque de rester », dit Daniel Kunth.

Debbie Stapleton voit d’un très bon œil cette visibilité qu’acquiert l’astrologie. « Nous sommes dans une ère où il y a beaucoup d’incertitude et d’anxiété dans le monde, indique-t-elle. Il peut y avoir un certain réconfort en sachant qu’il y a quelque chose de plus grand, quelque chose d’immuable entre la Terre, les planètes et les étoiles. »

Et les horoscopes dans tout ça ?

Depuis leur arrivée dans des journaux anglais, dès l’invention de l’imprimerie, les horoscopes de presse (qui déterminent les événements qui devraient survenir une journée, une semaine ou un mois précis, selon les signes du zodiaque) sont traditionnellement présents dans de nombreuses publications. Des dizaines de milliers de lecteurs de La Presse consultent quotidiennement l’horoscope dans nos écrans. Pas besoin d’y croire, la curiosité fait tout le travail. « C’est pour s’amuser, plutôt, c’est une activité ludique, note Mme Bédard. Les horoscopes sont une version très, très simplifiée de ce que dévoile l’astrologie, qui est très complexe. » Par exemple, puisqu’elle doit éplucher les publications médiatiques tous les jours dans le cadre de son emploi, Camille, 23 ans, a pris l’habitude avec ses collègues de consulter l’horoscope tous les jeudis, à la sortie des hebdos. Comme un rituel, elles se penchent sur leur prédiction de la semaine. « J’imagine que c’est la distraction parfaite pour prendre une pause des tâches quotidiennes, dit la jeune femme. On a un penchant pour celui de l’Écho-Vedettes, qui nous offre en prime notre problème de santé de la semaine. » Camille ne prétend pas qu’elles prennent leurs horoscopes au sérieux. « Je ne pense pas qu’on garde en tête nos horoscopes pour prendre nos décisions au travail. »

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