Union libre

Des conjoints de fait mal informés

19 % des conjoints de fait ont signé un contrat de vie commune.

62 % de la population croit que, lors d’une rupture entre deux conjoints de fait, tous les biens acquis pendant leur vie commune sont séparés en parts égales.

58 % ignorent que le conjoint de fait le plus pauvre n’a pas droit à une pension alimentaire dans le cas d’une rupture.

42 % ignorent qu’un conjoint de fait peut vendre la résidence dont il est l’unique propriétaire sans le consentement de son conjoint, et ce, même si ce dernier a contribué aux paiements de la résidence.

Source : Sondage de la Chambre des notaires

UNION LIBRE

Portrait au Québec

49,9 % des mariages au Québec se concluent par un divorce.

37 % des couples vivent en union libre.

63 % des enfants québécois naissent de couples non mariés.

Les couples qui mettent fin à une union libre ont vécu ensemble en moyenne 4,3 ans, tandis que les couples mariés qui divorcent ont vécu ensemble 14,3 ans.

Source : L’instabilité des unions libres, 2014, Université de Montréal, McGill

Union libre

Les femmes désavantagées après une rupture

43 % des femmes qui ont vécu une rupture ont vu le revenu de leur ménage baisser substantiellement, contre 15 % des hommes.

29 % des hommes séparés ou divorcés ont vu leur revenu augmenter, alors que c’était le cas de seulement 9 % des femmes.

Source : Enquête nationale sur la santé de la population, 2005, Statistique Canada

Droit de la famille

D’autres recommandations

CONNAÎTRE SES ORIGINES

Les enfants adoptés ou nés grâce à la procréation assistée devraient avoir le droit fondamental de connaître leurs parents d’origine ou le donneur ayant permis leur existence, selon le comité.

LES ENFANTS ET LEURS BEAUX-PARENTS

Comme les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses, il faudrait prévoir que les enfants puissent maintenir des liens avec leurs beaux-parents à la suite d’une rupture conjugale de leurs parents, suggère le comité.

LA FIN DES PUNITIONS CORPORELLES

C’est le Code criminel canadien qui encadre le recours à la force par les parents envers leurs enfants : on leur accorde une immunité s’ils utilisent une force « raisonnable » pour corriger les enfants. Mais le comité propose un ajout au Code civil du Québec pour bannir en toutes lettres les punitions corporelles, afin d’envoyer un message clair à l’encontre de l’usage de la force contre les enfants québécois.

Droit de la famille

Les mères porteuses et les enfants mieux protégés

Le droit de la famille concerne aussi les règles entourant les mères porteuses, le droit des personnes adoptées de connaître l’identité de leurs parents naturels et l’encadrement de l’autorité parentale, d’autres sujets qui font l’objet de recommandations du comité d’experts. On propose notamment de mieux protéger les mères porteuses, en imposant aux « parents d’intention » – ceux qui s’engagent à adopter l’enfant à naître – des obligations financières envers cet enfant et celle qui l’a mis au monde. « On a déjà eu un cas où les parents d’intention, après avoir eu recours à une mère porteuse, ont réussi à concevoir un enfant par leurs propres moyens et ont décidé qu’ils ne voulaient plus des jumeaux que la mère porteuse attendait », explique Louise Langevin, professeure de droit à l’Université Laval, qui s’intéresse à la procréation assistée. « Dorénavant, ces parents devraient soutenir financièrement la mère porteuse et son enfant. »

RAPPORT SUR LA RÉFORME DU DROIT DE LA FAMILLE

L’enfant doit être au cœur des liens économiques du couple

Ce n’est pas le mariage, mais plutôt l’arrivée d’un enfant qui doit justifier l’imposition d’obligations mutuelles des parents l’un envers l’autre. Voilà pourquoi, dans un couple, le conjoint ayant subi des désavantages économiques en raison de son rôle parental devrait recevoir une compensation de l’autre parent en cas de rupture.

Et cette obligation vaut autant pour les couples mariés que pour les conjoints de fait, selon le comité consultatif chargé de conseiller Québec sur la modernisation du droit de la famille, dont le rapport a été dévoilé hier à Montréal.

« Puisque l’enfant est une responsabilité commune des deux parents, les désavantages économiques de la famille ne doivent pas être supportés par un seul parent », a souligné le professeur de droit Alain Roy, de l’Université de Montréal, président du comité.

« [Les responsabilités] doivent être proportionnellement répartis entre les deux conjoints. »

— Alain Roy, professeur de droit à l’Université de Montréal et président du comité consultatif

« La simple vie commune n’est pas nécessairement source d’interdépendance entre les conjoints, que ce soit en mariage ou en union de fait. En revanche, la venue d’un enfant placera généralement le couple en situation d’interdépendance, d’où le “régime parental impératif” que nous proposons d’instaurer. »

Ce nouveau régime parental serait assorti de compensations, calculées selon les pertes de revenus, d’avantages sociaux, d’ancienneté, d’avancement ou d’opportunités professionnelles pour le conjoint qui a eu un engagement plus important à l’endroit de la famille. La résidence familiale serait aussi protégée.

On ne propose pas ici une obligation de partage des biens faisant partie du patrimoine familial, ni le versement d’une pension alimentaire au parent qui aurait un revenu moindre, comme la loi l’exige actuellement pour les couples mariés en cas de divorce, précise Me Roy.

Le comité d’experts va donc moins loin que le souhaitait le Conseil du statut de la femme, qui avait recommandé l’an dernier que les obligations imposés aux couples mariés soient les mêmes pour les couples en union libre après deux ans de vie commune.

Le comité consultatif avait été mis sur pied en avril 2013 dans la foulée de la décision de la Cour suprême dans la célèbre cause Lola contre Éric. Il se penchait sur la modernisation du Code de la famille, pour l’adapter aux nouvelles réalités des ménages.

« OPTING OUT » POUR LES COUPLES MARIÉS

Le rapport propose aussi un changement majeur pour les couples mariés : un droit de retrait (« opting out ») permettant aux conjoints qui se passent la bague au doigt de se soustraire aux obligations mutuelles. « Les époux auraient la possibilité de se soustraire par contrat de mariage, en tout ou en partie, avant ou pendant le mariage, au contenu juridique qui accompagne le statut matrimonial », explique Me Roy. Actuellement, les couples mariés ne peuvent déroger aux effets du mariage.

Pour les conjoints de fait sans enfants, il n’y aurait pas de droits et obligations mutuels, mais l’accès à des contrats d’union de fait, sous forme de formulaires simples, devrait être amélioré.

Par contre, dans tous les cas, que les couples soient mariés ou non, l’arrivée d’un enfant imposerait automatiquement les obligations prévues au « régime parental impératif ».

Le comité explique que ces changements visent à introduire un régime juridique « résolument axé sur l’autonomie, la volonté et la liberté contractuelle des conjoints, tant en matière de mariage que d’union de fait », tout en plaçant les intérêts supérieurs de l’enfant au cœur des priorités.

Les conséquences financières pour un parent qui s’est consacré à la famille pourraient être calculées selon un barème établi par le gouvernement, semblable à celui qui sert à fixer le montant des pensions alimentaires pour les enfants à la suite d’une rupture des parents, a indiqué Alain Roy.

LA MINISTRE DE LA JUSTICE SATISFAITE

« Les recommandations du comité tiennent compte de l’importance de respecter la liberté de choix des individus, mais reconnaissent aussi le fait que les charges qui découlent de l’arrivée des enfants ne sont pas toujours réparties équitablement entre les conjoints », a commenté la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée. En entrevue en fin de journée hier, elle a remercié les experts pour leur travail colossal, un rapport de près de 600 pages contenant plus de 80 recommandations. Elle les étudiera avant de décider comment y donner suite.

« Le nouveau régime qui est proposé aurait comme conséquence de responsabiliser davantage les parents face à leur rôle. »

— Stéphanie Vallée, ministre de la Justice

La ministre Vallée se demande cependant comment sera accueillie la suggestion de permettre aux couples mariés de se soustraire aux obligations actuellement imposées par la loi. « Lorsque la loi sur le patrimoine familial a été adoptée, elle visait à protéger les femmes au foyer qui se retrouvaient démunies en cas de divorce, souligne-t-elle. On veut s’assurer de ne pas porter atteinte à ces protections. Même si la société a changé, les femmes sont toujours plus nombreuses à occuper des emplois précaires, par exemple. »

L’avocate Anne-France Goldwater, qui a défendu Lola dans son combat pour obtenir une pension alimentaire pour elle-même et une partie du patrimoine de son ex-conjoint de fait milliardaire, estime que les propositions provoqueraient un recul pour les droits des femmes. « C’est honteux, on propose un retour en arrière inacceptable », a réagi la juriste bien connue.

« On veut faire du Québec le paradis des hommes. Les femmes vont continuer d’être victimes de discrimination au sein même de leur foyer. »

— MAnne-France Goldwater

Selon elle, comme les femmes gagnent presque toujours des revenus inférieurs à ceux des hommes, elles sont vulnérables face à des conjoints mieux nantis. « Beaucoup d’entre elles vont signer sans comprendre les documents, simplement pour acheter la paix », dit-elle.

Le Québec est la seule province au pays qui ne prévoit pas le versement d’une pension alimentaire aux conjoints de fait en cas de rupture. Le droit québécois de la famille n’a pas été revu de manière approfondie depuis 1980. À cette époque, 8 % des couples vivaient en union libre contre 37 % en 2011. Aujourd’hui, 63 % des enfants naissent de couples non mariés.

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