Cours d’école

Interdit de jouer

Myriam Gehami, mère de deux enfants de 10 et 12 ans, habite « à 60 secondes de marche » de l’école Carlyle, à Mont-Royal. « Il y a une immense cour gazonnée, des paniers de basket, des filets de soccer et un terrain de baseball », décrit-elle.

Gros hic : la cour est cadenassée pour l’été. « C’est choquant pour les parents qui paient des taxes et pour les enfants, dénonce Mme Gehami. Tout le voisinage aimerait y avoir accès. »

Au cours de la dernière année scolaire, le ministère de l’Éducation a consacré 2,4 millions au financement de 134 projets d’embellissement de cours d’école. « Comme l’adoption d’un mode de vie physiquement actif doit être encouragée tôt, l’école a un rôle important à jouer à cet égard », a dit François Blais, le ministre de l’Éducation, lors de l’annonce de la rénovation de la cour de l’école Maria-Goretti de Québec, en mai.

Avec des cours fermées en soirée, les week-ends et l’été, oublie-t-on que les enfants continuent d’exister une fois la cloche sonnée ? À la Commission scolaire English-Montréal, dont relève l’école Carlyle, l’accès aux cours est généralement possible, selon le porte-parole Michael Cohen.

Mais « nous avons beaucoup de cas où les gens promènent leurs chiens, qui font [leurs besoins] sur la pelouse », précise-t-il.

« Nous avons aussi eu des situations où des gens traînaient dans nos cours, buvaient et laissaient des bouteilles cassées. Donc, pour certaines écoles, nous devons garder les portes verrouillées. »

— Michael Cohen, porte-parole de la Commission scolaire English-Montréal

ORPHELINS DE COUR

Or, des études démontrent « que donner accès aux cours d’école en dehors des heures de classe est une façon d’augmenter la pratique d’activité physique des jeunes du voisinage, indique une publication de l’Institut national de santé publique du Québec (Topo, juillet 2011). Particulièrement en milieu urbain, où tous n’ont pas accès à une cour arrière. »

Heureusement, le message passe : 88 % des écoles primaires et 89 % des écoles secondaires publiques permettent aux jeunes d’accéder à la cour d’école en dehors des heures de classe, selon le site internet Veille action pour de saines habitudes de vie, édité par Québec en forme. Contre seulement 39 % des écoles secondaires privées…

Cela laisse tout de même bien des jeunes orphelins de cour. Parmi eux se trouvent Éloi, 4 ans, Maxence, 6 ans, et Jeanne, 8 ans. Les trois enfants de Benoit Gratton et Marie-Andrée Bénard habitent en face de la cour de l’école Lévis-Sauvé, dans l’arrondissement de Verdun.

Depuis un an, ils ne peuvent plus y faire de vélo, jouer au ballon et s’amuser dans les modules. « À notre grand désarroi, elle est cadenassée les soirs, fins de semaine et tout l’été », dit M. Gratton, qui est président du conseil d’établissement de Lévis-Sauvé.

Explication : l’ombudsman de Montréal a reçu une plainte dénonçant le bruit fait par des fêtards dans cette cour. « On a communiqué avec la direction de l’école. La solution qui a été trouvée par l’école, c’est la fermeture. Ce n’est pas venu de notre bureau », dit Lucie Legault, conseillère à l’ombudsman de Montréal.

« En règle générale, les cours sont accessibles, à moins qu’il y ait des cas répétés de vandalisme. »

— Jean-Michel Nahas, porte-parole de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, dont relève Lévis-Sauvé.

« Dans ce cas, la direction de l’établissement peut décider de fermer la cour en dehors des heures régulières d’école. » C’est ce qui est arrivé à Verdun, a précisé M. Nahas.

AUTRES SOLUTIONS PROPOSÉES

« Si le conseil d’établissement avait été consulté, nous aurions eu plusieurs solutions à proposer pour régler le problème », plaide M. Gratton. Parmi elles : demander à la police de mieux surveiller la cour, fermer les grilles au coucher du soleil, optimiser l’utilisation des caméras de surveillance déjà présentes et améliorer l’éclairage.

« Ils pourraient trouver une autre solution que la fermeture, reconnaît Mme Legault. Une solution qui permettrait à la fois aux enfants d’avoir accès à la cour et de préserver la quiétude du quartier. Il n’y a jamais une solution unique dans un dossier. »

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