KHL

« Ça demeure la deuxième ligue au monde »

Francis Paré connaît bien la KHL pour y avoir joué pour quatre équipes différentes depuis 2013. Des histoires rocambolesques, il en a vécu. Mais si elles relèvent parfois un brin du folklore, cette fois, ce n’était plus drôle...

La saison dernière, Paré portait les couleurs du Medvescak de Zagreb, la seule formation de la KHL établie en Croatie. L’équipe a connu des difficultés financières – elle vient d’ailleurs de quitter la ligue – et peinait à payer ses joueurs à temps.

« C’était la panique. Ça nous tirait tellement de jus, ça devenait une distraction sur la glace, raconte Paré, au bout du fil. Les trois quarts de l’équipe ont une famille. Le capitaine a trois enfants. On joue par amour du hockey, mais on a une famille à faire vivre aussi ! »

Zagreb a raté les séries. Plusieurs joueurs ont vu leurs contrats rachetés en catastrophe – la totalité des sommes n’a pas encore été versée à tous – et ont donc terminé la saison ailleurs. Paré en Suisse, Yann Sauvé en Angleterre, Alexandre Bolduc en Allemagne, le bon vieux Lucas Lessio en Suède. Même l’entraîneur-chef de l’équipe, Gordie Dwyer, est parti en Suisse.

Pourtant, après cette histoire d’horreur, Paré n’a jamais hésité quand est venu le temps de se trouver du travail pour 2017-2018. Il jouera donc pour l’Automobilist d’Ekaterinbourg. Dans la KHL.

« L’offre était bonne, c’est une bonne équipe qui a raté les séries, mais qui a embauché de gros joueurs et qui a un nouveau commanditaire », a-t-il dit. 

« Les grosses années, il ne m’en reste plus beaucoup, poursuit l’attaquant de 29 ans. Je suis petit, j’ai du grit, je ne pourrai pas jouer éternellement comme ça. Et ma femme aimerait lancer sa carrière. Donc rendu là, aussi bien donner un coup pour le moment. De toute façon, en Russie, on est bien traités. »

« La Suisse aurait été mieux pour ma vie de famille, mais je veux rester dans la deuxième ligue au monde. Je veux être un joueur d’impact en Russie. »

— Francis Paré

Pascal Pelletier, lui, a joué pour trois équipes en KHL : Zagreb, Jokerit (en Finlande) et Vladivostok. Il a vécu de bons moments, traité comme un roi avec Jokerit. Mais il a aussi vécu le stress d’un rachat de contrat dont le paiement a fini par arriver avec quelques semaines de retard.

Pourtant, lui non plus ne fermerait pas la porte à un retour en KHL, après avoir passéla dernière saison dans la Ligue américaine. En fait, ce sont des raisons de logistique familiale qui l’ont ramené en Amérique du Nord.

« Au niveau géopolitique, il y a plus d’instabilité qu’avant. Il y a aussi la valeur du rouble. Pour un étranger, ça compte, rappelle Pelletier, qui a disputé 16 matchs dans la LNH. Mais ça demeure la deuxième ligue au monde, les gens seraient surpris du calibre. »

Défi professionnel ?

Que ce soit pour un défi professionnel ou pour la qualité de vie, certains joueurs vont préférer des offres salariales plus basses. C’est ce qu’a fait Alexandre Bolduc en terminant la saison à Cologne, après le rachat de son contrat par Zagreb. Il y passera aussi les deux prochaines saisons, dans une organisation qui lui offrira stabilité et paix d’esprit.

« L’argent, c’est une chose. Les joueurs suivent souvent l’argent, mais des fois, ça ne vaut pas la peine. »

— Alexandre Bolduc, ancien des Canucks de Vancouver et des Coyotes de l’Arizona

L’an passé, on racontait qu’Alexander Radulov avait refusé une offre annuelle de 7 millions pour en accepter une de 5,75 millions avec le Canadien. Vadim Shipachev touchait environ 2 millions la saison dernière à Saint-Pétersbourg. Il en touchera 4,5 cette saison et en 2018-2019 à Las Vegas. Pelletier est toutefois convaincu que le nouvel attaquant des Golden Knights aurait eu droit à un meilleur salaire en Russie et qu’il a opté pour le défi professionnel.

« Certains jouent encore au hockey pour jouer au hockey, rappelle Pelletier. Shipachev s’est peut-être dit que s’il doit le faire, c’est là ou jamais. Il a déjà gagné deux Coupes Gagarine en KHL. »

« C’est hypothétique, mais c’est peut-être la même raison pour laquelle je reste en KHL : pour jouer au plus haut niveau possible, ajoute Paré.

« Ils veulent montrer qu’ils sont des joueurs d’élite mondiale. Radulov brûlait la ligue depuis cinq ans. Et cette année, il paraissait bien dans la LNH. Shipachev a tout gagné. J’espère qu’il aura du succès, car ça va montrer que la ligue est bonne. Chaque équipe a des joueurs de calibre LNH dans son premier trio. »

Pas menacée

Nos intervenants sont unanimes : malgré la récente migration du talent, malgré les difficultés du rouble, le statut de la KHL comme deuxième ligue au monde n’est pas menacé.

« Il restera toujours des Russes de grand talent qui sont tout simplement plus confortables en restant à la maison, croit Bolduc. Donc il y aura toujours du talent russe, et ils vont trouver une façon de les payer, malgré les difficultés financières. »

« Quand tu perds des Panarin, des Radulov, les petits clubs se font vider, rappelle Paré. Mais côté talent, peu de pays peuvent accoter la Russie. Les départs vont juste faire de la place aux plus jeunes. Ça reste une très bonne ligue avec du talent à revendre. Moi, si ce n’était pas de ma fougue, je n’aurais pas ma place là. »

Ironiquement, au moment où la santé financière de la KHL n’a jamais paru aussi fragile, la ligue a rarement eu aussi bonne presse pour le talent qu’on y retrouve. Radulov, Artem Panarin, Nikita Zaitsev et peut-être Shipachev l’an prochain en sont de magnifiques exemples.

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