« Le soccer
reste un jeu »

Plusieurs joueurs choisissent la MLS pour des questions de sécurité

La ville argentine de Rosario, avec son million d’habitants, est coupée en deux. Une partie vibre pour le club de Newell’s Old Boys tandis que l’autre se pare aux couleurs bleu et jaune de Rosario Central. La rivalité est intense, féroce, et n’est pas toujours facile à vivre quand on y est l’un des protagonistes centraux.

« Quand tu perds, tu ne peux pas sortir de ta maison et, quand tu gagnes, tes partisans te font sentir comme le meilleur joueur du monde. Mais les fans de l’autre équipe, eux, te rayent la voiture, t’insultent et te font passer un mauvais quart d’heure », raconte Hernán Bernardello, joueur de Newell’s Old Boys entre 2006 et 2009, puis en 2015. 

« En Argentine, il y a beaucoup de violence, et le football ne déroge pas à la règle. Ça ne fait que refléter le climat général qui existe. »

— Hernán Bernardello

Cette ambiance délétère mène parfois à de profondes remises en question chez les joueurs (« Chaque fois qu’on doit prendre une décision quant à où aller jouer, cela influe », lance Bernardello). 

Victime d’un braquage d’automobile en octobre 2012, Diego Valeri a carrément quitté son club de toujours, Lanús, pour rejoindre les Timbers de Portland, dans la MLS. 

Aucune mésaventure semblable n’est arrivée à Hassoun Camara, mais les deux clubs précédents du défenseur montréalais – l’Olympique de Marseille et le SC Bastia – sont réputés pour leurs partisans passionnés. 

« Quand ça va mal, ça va très mal. Marseille est une institution et, quand on perd, on le ressent vraiment tout de suite dans la ville. Quand les supporteurs viennent te voir et t’appréhendent dans la rue, ils te demandent de réveiller tel ou tel joueur. » 

« Ce sont des choses délicates, mais à la fin, c’est la ferveur du foot. Jusqu’à un certain point, c’est agréable, mais si on dépasse certaines limites, ça devient inadmissible. »

— Hassoun Camara

« Ce qu’on voit à Marseille, avec de la délinquance faite envers certains joueurs, est unique en France, ajoute-t-il. On a souvent entendu parler de choses malheureuses comme des cambriolages ou des braquages de voiture. J’espère que ça n’arrivera jamais ici, mais je ne pense pas. Les mentalités sont quand même différentes, et l’histoire sportive est assez récente. »

En optant pour la MLS, Valeri et bien d’autres joueurs font le choix d’une certaine sécurité. La MLS est épargnée par toute cette gradation de violence même si, au fil des années, quelques rivalités ont pu se développer. L’an dernier, par exemple, Didier Drogba a eu maille à partir avec deux partisans particulièrement virulents des Red Bulls de New York.

Camara pointe aussi l’atmosphère qui règne désormais durant les matchs entre l’Impact et le Toronto FC. « En Argentine, il faudrait imiter un peu plus les fans de Montréal, du Canada ou des États-Unis, convient Bernardello. Il y a une certaine passion, mais gagne ou perd, ça reste un jeu. Demain est un autre jour, et personne ne perd la vie en raison d’un match. »

Incidents en série

Camara et Bernardello sont bien placés pour comprendre que certaines choses n’ont pas tourné très rond sur la planète soccer, ces dernières semaines. À Bastia, par exemple, une invasion de terrain par des partisans corses a récemment mené à l’agression de joueurs de l’Olympique Lyonnais.

Toujours en contact avec certains de ses anciens coéquipiers, Camara a déploré l’incident et ses conséquences publiques. « La passion, c’est bien, mais quand ça débouche sur des événements comme ça, c’est difficile à voir. J’espère que les choses s’amélioreront à ce niveau-là. Ce ne sont pas de belles images pour le soccer et sur ce qu’on renvoie à la société, particulièrement auprès des enfants. » 

Au même moment, à Cordoba, un partisan – qui a reconnu l’assassin de son frère dans les tribunes – a été rudoyé avant de perdre la vie après une chute de plusieurs mètres.

« Dans une nouvelle publicité, les joueurs de Belgrano et de Talleres [ndlr : les clubs de Cordoba] rappellent que tout le monde a des amis, de la famille ou des collègues qui appuient le club ennemi, et il n’y a pas de problème. Mais une fois dans le stade, ils veulent s’entretuer », conclut Bernardello en pestant.

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