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En cette période estivale, La Presse est allée à la rencontre de joueurs québécois pour voir comment il anticipaient la prochaine saison de la LNH.

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La page blanche de Charles Hudon

CHICOUTIMI — « On passe à autre chose. Page blanche pour moi. »

Ce sont les derniers mots prononcés par Charles Hudon lorsqu’on est allé le rencontrer à son tournoi de golf caritatif à Chicoutimi. Surtout, c’était dit avec le sourire, avec détermination et avec cette étincelle réapparue dans ses yeux.

À des années-lumière de la dernière image qu’il a laissée à Montréal au bilan de fin de saison. Celle d’un jeune homme brisé, démoralisé. Les yeux dans l’eau, il avait coupé court aux entrevues. On peut aisément imaginer que la rencontre avec Marc Bergevin et Claude Julien l’avait secoué.

À Chicoutimi, on a retrouvé le Charles Hudon impliqué d’il y a deux saisons. Il était dans son élément, chez lui, les deux mains dans l’action. Ce tournoi de golf, c’est vraiment le sien. Il veillait aux moindres détails de l’événement, aussi banals que les réserves de salsa ou de glaçons. Son tournoi a attiré 144 golfeurs, salle comble. Le soir, il invitait d’autres donateurs à un souper-spectacle avec Rachid Badoury.

Hudon espère ainsi remettre 50 000 $ par l’entremise de sa fondation à de jeunes athlètes qui ont besoin d’argent pour poursuivre des rêves parfois trop dispendieux. Une journée parfaite pour se changer les idées. Il reconnaît d’ailleurs que ses épreuves de la dernière année, où il a été laissé de côté 50 fois, l’ont blessé. Il s’est imposé une pause de hockey de presque deux mois après la saison, une sorte de ressourcement. Il n’avait plus le choix.

« Ma femme a trouvé que j’avais changé. Moi aussi, j’ai trouvé que j’avais changé. J’étais négatif envers mes deux enfants. Ça m’a fait du bien de partir chez moi à Mirabel, où on habite l’été. Ça m’a fait du bien. Je voyais mes voisins, je devais m’occuper de ma maison, je pouvais penser à autre chose. C’était juste du positif pour nous.

« Ma femme comprenait. On a vécu les beaux moments, et les moins beaux aussi. Elle me changeait des idées, on faisait des activités avec les enfants. Toutes les choses qui me font du bien, revoir ma famille, les gens proches. Ça nous a permis de retrouver la mentalité nécessaire pour me permettre d’oublier tout ça. »

— Charles Hudon

Plusieurs fois, il revient sur sa famille. Pour son appui indéfectible, évidemment, mais aussi parce que l’incertitude contractuelle prend une autre tangente quand il y a des enfants à la maison. Hudon savait fort bien que le sort de la famille, à court terme du moins, reposait sur ses épaules.

Il sait aussi que sa famille sera à ses côtés si son chemin devait bifurquer hors de Montréal.

« Elle m’a suivi à Baie-Comeau, à Hamilton, à St. John’s. Ma femme veut vivre des expériences, et je lui en fais vivre », lance-t-il en riant.

Hudon s’est aussi réjoui de compter sur l’appui de ses coéquipiers dans les moments sombres, Shea Weber le premier. Au moment où Hudon s’éloignait d’un groupe occupé à se battre pour sa survie en fin de saison, Weber s’est assuré que tout le monde fasse partie de l’aventure. Un geste qui en dit beaucoup sur ce qui se passe en coulisses autour du capitaine.

« Je ne voulais pas être à l’écart, mais je ne voulais pas non plus déranger les gars. Il nous a gardés proches. On a fait des soupers avec lui à la fin même quand on ne faisait pas partie de la formation. Ça m’a fait du bien de voir que les joueurs étaient derrière moi. »

Les scénarios pour Hudon

Au-delà de l’épreuve humaine d’un joueur fort sympathique, il y a aussi la réalité hockey. Et cette réalité n’ouvre pas beaucoup de portes pour un retour de Hudon dans la formation du Canadien la saison prochaine. D’abord, le Canadien a ajouté encore beaucoup de profondeur, avec le retour des Jordan Weal et Nate Thompson et l’arrivée de Nick Cousins. Sans oublier les jeunes qui poussent, comme Ryan Poehling ou Nick Suzuki.

À vue de nez, Hudon tombe donc à peu près au 15e rang dans la hiérarchie des attaquants, peut-être même un peu plus loin. De toute évidence, Claude Julien ne lui voyait plus de rôle la saison dernière. Il a eu une « courte » occasion de se mettre en évidence offensivement, avec Max Domi et Jonathan Drouin, sans grandes flammèches toutefois.

Hudon aurait espéré avoir plus de temps avec deux joueurs qu’il connaît bien. Il y a aussi ce match bizarre de 13 mises en échec contre les Bruins de Boston en novembre, à un moment où il ne savait déjà plus qui il était.

« Je me cherchais. C’était du négatif toute la semaine. Je vais toujours finir mes mises en échec, mais c’est arrivé comme ça. Il y avait de la frustration. Ça m’a fait du bien et ça a fait rire plusieurs gars dans le vestiaire. »

Peu après, son purgatoire commençait. Il n’a joué que 12 matchs avant la fin de la saison. Julien tentait de trouver un quatrième trio qui lui plaisait, et de toute évidence, il n’y figurait pas.

La première offre de contrat de l’été, à deux volets, reflète cette réalité. Marc Bergevin avait aussi beau jeu de réduire sa proposition en raison du nombre de matchs joués par Hudon.

« J’ai réagi de la même manière que quand je n’avais pas de glace. J’étais fâché, mais j’ai compris que ça fait partie de la game. Je comprenais la décision de Marc. Il n’a pas fait ça en mal, c’était le contrat à offrir à quelqu’un comme moi. Mais c’est sûr qu’on n’allait pas prendre un contrat à deux volets. »

— Charles Hudon

Le reste est connu : demande d’arbitrage, contrat à un volet avant de s’y résoudre. C’est la suite maintenant qui est intrigante. Hudon rêve encore du Canadien, « son équipe », comme il le dit durant l’entrevue. Mais tout est possible, et il pourrait aussi bien être soumis au ballottage, et peut-être réclamé, ou échangé avant le camp. Au fond, c’est lui qui l’illustre le mieux : c’est entre ses mains, beaucoup, mais aussi entre celles de Claude Julien et de Marc Bergevin.

Quoi qu’il en soit, s’il est toujours membre du Canadien au jour 1, il y aura une relation à consolider avec son entraîneur-chef.

« Je n’ai rien contre la personne, mais c’est important de s’exprimer. C’est ce que je n’ai pas eu cette saison, des explications. Je vais toujours le respecter et je ne veux pointer personne. Il a fait son travail, j’ai fait le mien. J’aurais seulement voulu avoir plus d’explications. »

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Les ingrédients manquants des Panthers

Chicoutimi — En plus de son entraînement estival habituel, Mike Matheson s’est marié, il a visité les Émirats arabes unis à dos de chameau et il a admiré les lagons féériques de l’archipel des Maldives, en plein milieu de l’océan Indien.

Bref, le défenseur originaire de Pointe-Claire a eu un été chargé.

Difficile à croire, mais son équipe, les Panthers de la Floride, a eu un été pratiquement aussi mouvementé. À commencer par le départ à la retraite du grand Roberto Luongo.

« Il était une de mes idoles quand j’étais jeune, a reconnu Matheson, croisé au tournoi caritatif de Kris Letang. Il vient de Montréal et il a connu une carrière formidable. En ayant la chance de jouer avec lui, j’étais toujours en train de le regarder pour apprendre tout ce que je pouvais. J’apprenais comment être un professionnel, comment pouvoir jouer si longtemps.

« Il a joué si longtemps car il travaille plus fort que tout le monde. L’année passée, il arrivait trois heures avant la pratique juste pour être prêt. C’est une des raisons pour lesquelles il a décidé d’arrêter, il devait tellement prendre soin de son corps, juste pour un entraînement. Sa dévotion au sport était exceptionnelle. »

Le gardien québécois a annoncé en juin dernier que son corps ne suivait plus. Les efforts nécessaires pour simplement réussir à aller s’entraîner devenaient insensés depuis son opération à une hanche, il y a deux ans. Les Panthers ont vite réagi en annonçant que son numéro 1 serait retiré le 7 mars 2020, avant un match contre le Canadien de Montréal.

Il sera aussi certainement considéré pour le Temple de la renommée, surtout grâce à ses 489 victoires en carrière, troisième total de l’histoire derrière Martin Brodeur (691) et Patrick Roy (551).

Matheson raconte qu’il avait parlé de retraite en mai dernier avec Luongo. À ce moment, le gardien n’avait pas encore arrêté son choix. Mais il avait admis que pour la première fois de sa vie, il n’avait pas particulièrement hâte au prochain camp d’entraînement.

« Il ne voulait pas commencer et avoir des regrets ensuite. Ce n’est pas facile pour lui parce qu’il aime encore le hockey. Mais il sait que c’est le temps d’arrêter. »

Pendant que l’un des plus grands gardiens de l’histoire accrochait ses jambières pour de bon, les Panthers accueillaient l’un des meilleurs gardiens de sa génération. Sergei Bobrovsky a décidé « d’amener son talent en Floride », comme l’aurait dit LeBron James, pour la modique somme de 70 millions sur 7 ans. Il a alors pris le deuxième rang des gardiens les mieux payés de la LNH, derrière Carey Price.

Bobrovsky, c’est deux trophées Vézina. C’est 115 victoires à ses trois dernières saisons, plus que quiconque dans la LNH. C’est aussi, selon plusieurs, l’ingrédient secret qui manquait aux Panthers pour en faire une véritable menace dans l’Est.

« C’est un des gardiens les plus intimidants à affronter. C’est bon de l’avoir avec nous l’an prochain. En fait, on a réglé les quatre aspects qu’on devait régler. »

« On a trouvé Joel Quenneville comme entraîneur, on a un gardien, on a Anton Stralman à la défense et on a Noel Acciari et Brett Connolly à l’attaque. Ces gars-là vont être très importants pour la profondeur. »

— Mike Matheson

Les quatre aspects

C’est vrai que le directeur général Dale Tallon a réussi de petits bijoux pour donner une nouvelle vie aux Panthers. Sur papier, l’équipe avait tout ce qu’il fallait pour au moins accéder aux séries la saison dernière. À commencer par deux joueurs de centre d’élite en Aleksander Barkov et Vincent Trochek, une denrée rare.

Pourtant, les Panthers ont raté les séries par 12 points. Parmi ceux qui ont payé le prix de cette défaillance, il y a Bob Boughner. L’entraîneur a été condamné pour deux saisons de surplace chez les Panthers, avec à la clé deux exclusions des séries.

Joel Quenneville arrive à la barre de l’équipe armé de l’un des plus spectaculaires palmarès de la LNH. Il est deuxième dans l’histoire de la ligue avec ses 890 victoires, derrière seulement le légendaire Scotty Bowman. Il est aussi le seul entraîneur actif avec trois Coupes Stanley, toutes remportées avec les Blackhawks de Chicago, et l’un des 11 pilotes seulement à revendiquer l’exploit.

« Je lui ai parlé trois fois durant l’été. Tu peux voir sa mentalité, il est tellement professionnel. Il sait ce qu’il doit faire pour motiver les joueurs. »

— Mike Matheson

« La première fois, il est venu parler à toute l’équipe et tout le monde a beaucoup de respect pour lui. C’est important d’avoir un entraîneur comme lui. On s’est aussi parlé au téléphone. Il m’a demandé ce que je pensais de ma dernière saison et ce que je voulais améliorer. On voulait aussi apprendre à se connaître un peu plus. »

Quenneville, Bobrovsky, alouette… Les Panthers ont-ils une raison de rater les séries cette fois ?

« Non, aucune raison. Il n’y a plus rien à dire. On doit faire ce qu’on a à faire. »

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