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SANTÉ MENTALE DES JEUNES Pas de pilule miracle

Les partis n’ont guère pris de positions convaincantes sur la façon dont ils veulent freiner la dérive biomédicale en cours

Dimanche dernier, des représentants et alliés du Mouvement jeunes et santé mentale sortaient publiquement pour mettre en lumière le phénomène de la médicalisation des difficultés vécues par les jeunes et demander aux partis politiques de s’engager à mettre en place une commission sur cet enjeu.

Si de nombreux médias ont relayé notre cri du cœur et plusieurs personnes nous ont depuis signifié leur appui, nous déplorons le silence des partis politiques.

Or, ce n’est pas faute de les avoir rencontrés : les représentants des quatre principaux partis ont convenu que la situation que nous dépeignons est conforme à leurs propres constats : surmédication, hausse des diagnostics psychiatriques, le diagnostic comme passage obligé pour l’accès aux services.

Si nos constats sont partagés, les différents partis n’ont guère pris de positions convaincantes, jusqu’à maintenant, sur la façon dont ils allaient freiner la dérive biomédicale en cours et mettre au-devant de la scène les déterminants sociaux de la santé mentale et l’accompagnement des jeunes.

Nous nommons ici l’importance des déterminants sociaux, car notre sortie publique vise avant tout une prise de conscience du recul majeur qu’accusent les pratiques alternatives en santé mentale, au profit de réponses misant presque exclusivement sur des interventions médicales qui mènent à des diagnostics précoces et la prise de médication, trop souvent sans suivi suffisant ou approprié. 

Nous croyons que cette voie, qui devient de plus en plus banalisée et la principale façon d’appréhender la santé mentale, est glissante et s’éloigne de la définition de la Politique en santé mentale de 1989, qui proposait une vision biopsychosociale, autour de laquelle un consensus fort existe.

Usage excessif des médicaments

Déjà, en 2009, la Commission de l’éthique en sciences et en technologie signait un rapport sur les usages des psychotropes au Québec et soulignait que ces substances venaient pallier aux problèmes d’accès aux services psychosociaux. Plus encore, on y faisait état de préoccupations quant à l’élargissement des usages des médicaments (détresse émotionnelle, crise familiale, difficultés scolaires, troubles de comportements, etc.) et du peu de connaissances et d’études indépendantes quant aux impacts à long terme des psychotropes sur le système nerveux central des jeunes.

Le Mouvement jeunes et santé mentale demande un débat public sur la médicalisation des difficultés des jeunes.

Un grand nombre de jeunes Québécois vivent leur lot de difficultés scolaires, existentielles, relationnelles, familiales, sans parler dans certains cas, d’itinérance, de violence, d’abus et de toxicomanie. Ces jeunes sont à même de témoigner que ces difficultés sont de plus en plus traitées par des moyens pharmacologiques. « La médication a sa place, mais elle prend actuellement toute la place » – voilà ce qui est ressorti d’une vaste consultation menée en 2016 par le Mouvement.

Plutôt que d’en appeler à une réponse médicale tous azimuts pour faire face à la détresse et à la souffrance que vivent des milliers de jeunes, nous croyons que nous devons revoir les façons de faire à partir de ce que nos jeunes souhaitent : plus de respect et d’écoute, plus de prise en compte des conditions parfois difficiles dans lesquelles ils évoluent, plus d’aide concrète et humaine pour améliorer leur existence.

Nous croyons que l’intelligence des jeunes, leur sensibilité et leur expérience doivent être au centre de toutes démarches qui les concernent.

Cette primauté de la personne, telle que défendue dans le dernier Plan d’action en santé mentale, doit s’incarner concrètement dans les pratiques et cesser d’être un slogan creux.

Trouver des solutions

Les 1000 personnes et 250 organisations qui joignent leurs voix dans ce Mouvement sont persuadées que des solutions existent et qu’elles sont à portée de main. Au Québec, nous avons d’innombrables chercheurs qui travaillent ces questions, qui possèdent des données concluantes sur l’importance de l’écoute et de l’appropriation du pouvoir (empowerment). Il y a aussi des milliers de jeunes, de parents, d’enseignants, de médecins, de travailleurs de rue, de travailleurs sociaux qui ont des expériences porteuses à partager pour faire en sorte qu’on accueille et qu’on accompagne mieux les jeunes.

Au Mouvement, nous n’avons pas l’arrogance de prétendre détenir toutes les solutions en main. Mais nous savons qu’une commission politique, qui permettrait de dresser fidèlement le portrait de la situation et de tracer les changements de pratiques à même d’améliorer les choses, serait un pas dans la bonne direction.

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