Technologie

L’internet à la vitesse de la lumière

Vous ne le savez peut-être pas, mais vous avez chez vous plusieurs routeurs qui pourraient vous permettre de surfer sur l’internet à des vitesses vertigineuses. Pour télécharger, par exemple, huit films de format DVD en une seconde. La technologie derrière cette révolution, c’est le Li-Fi, qui permet de transférer des données par des ampoules à diode électroluminescente. Après des projets-pilotes prometteurs, une petite entreprise estonienne, Velmenni, a annoncé le mois dernier avoir installé un réseau Li-Fi fonctionnel dans ses locaux. Quatre questions pour comprendre.

D’OÙ VIENT CETTE TECHNOLOGIE ?

En juillet 2011, Harald Haas, un professeur en communications mobiles de l’Université d’Édimbourg, en Écosse, présente une conférence TED fort remarquée. Il fait la démonstration que des données peuvent être transmises en faisant clignoter, sans que ce soit perceptible à l’œil nu, une simple ampoule à diode électroluminescente (DEL). « Nous transmettons des données sans fil par des ondes électromagnétiques, des ondes radio en particulier, et elles sont limitées, a-t-il expliqué. D’un autre côté, nous avons 14 milliards d’ampoules, de la lumière. Et la lumière fait partie du spectre électromagnétique. » 

COMMENT ÇA MARCHE ?

Le Li-Fi (pour « Light Fidelity », également appelé « Li-fire » ou « Visible Light Communication ») repose sur le principe du code Morse, accéléré des millions de fois. L’ordinateur ou le serveur d’où proviennent les données les transmet par le réseau électrique. À l’autre bout, une ampoule à DEL équipée d’une puce les reçoit et clignote plusieurs milliers de fois par seconde. Évidemment, à cette vitesse, l’œil humain ne perçoit rien. Mais des appareils équipés d’un photodétecteur peuvent les recevoir et les reconvertir en données. En laboratoire, des chercheurs de l’Université d’Oxford ont réussi en février 2015 à atteindre une vitesse de transmission de 224 gigabits par seconde. À cette vitesse, il suffit d’une seconde pour télécharger un disque Blu-ray simple couche. La vitesse a été atteinte à une distance de trois mètres de l’ampoule, avec une couverture de 60 degrés. Hors des laboratoires, notamment dans les locaux de Velmenni, on table plutôt sur une vitesse de 1 gigabit à la seconde, ce qui demeure tout de même trois fois plus rapide que la norme des routeurs utilisés chez les particuliers.

QUELS SONT LES AVANTAGES ?

Outre la vitesse de transmission et l’omniprésence des ampoules, le Li-Fi est très sécuritaire, puisque la lumière ne peut traverser les murs. Impossible, donc, pour un voisin de pirater vos signaux. Contrairement aux ondes radio, qui sont occupées par une multitude d’appareils qui peuvent entrer en conflit, la lumière visible n’est pas utilisée pour la communication et a un spectre près de 10 000 fois plus étendu. Comme on utilise l’éclairage, on consomme très peu d’énergie supplémentaire pour le transfert de données. En France, plusieurs projets-pilotes ont permis de démontrer les possibilités du Li-Fi. Une petite ville dans le sud-est du pays, Meyrargues, 3778 habitants, a installé des lampadaires pouvant transmettre des informations d’intérêt public aux téléphones intelligents. Ceux-ci doivent être équipés d’une clé (« dongle ») branchée sur la prise d’écouteurs pour capter les signaux lumineux, et avoir une application conçue pour cet usage. À Perpignan, l’hôpital a installé des ampoules à DEL transmettant les dossiers des patients par Li-Fi. Depuis 2013, la Société nationale des chemins de fer français a installé à la gare Montparnasse des ampoules servant de liseuses et pouvant transmettre aux téléphones de ses clients les horaires des trains.

MAIS IL Y A SÛREMENT DES INCONVÉNIENTS ?

Oui, et ils sont importants. D’abord, la portée, qui est d’une dizaine de mètres, à peine plus que le Bluetooth. Aucun obstacle physique ne doit se trouver entre l’ampoule et le photodétecteur : faire passer sa main devant le faisceau suffit à interrompre la communication. Il faut se trouver dans la même pièce que l’ampoule émettrice et celle-ci doit être allumée, même faiblement, pour transmettre ses données. À Meyrargues, par exemple, le lampadaire doit s’allumer après en avoir reçu l’instruction par un téléphone intelligent pour pouvoir transmettre ses informations. Ensuite, le signal est monodirectionnel : l’ampoule à DEL peut émettre, mais ne peut recevoir d’information. Tout réseau Li-Fi doit donc être couplé à une infrastructure traditionnelle, Wifi ou câble, pour que les appareils puissent dialoguer avec le serveur, envoyer des courriels ou téléphoner par l’entremise de l’internet. Il est possible qu’on conçoive d’ici quelques années un Li-Fi bidirectionnel, mais la technologie n’existe pas encore. Enfin, pour avoir un intérêt, le Li-Fi doit être intégré au plus grand nombre d’appareils possible, et convaincre les fabricants de son potentiel. 

LA COMMERCIALISATION

C’est dans ce but que le Consortium Li-Fi a été fondé en 2011 par quatre groupes industriels internationaux, afin de faciliter la communication entre chercheurs et, depuis un an, explorer les avenues de commercialisation. Celle-ci devrait être possible à grande échelle à partir de 2018. Le cabinet américain Markets & Markets estime le chiffre d’affaires potentiel à 8,5 milliards de dollars en 2020.

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