Vols d'électricité

Les fraudeurs continuent de trouver de nouvelles astuces

Les compteurs intelligents n’ont pas encore permis à Hydro-Québec d’endiguer le phénomène des vols d’électricité sur son réseau. À preuve : la société d’État est intervenue l’an dernier dans plus de 500 dossiers de fraude auprès de clients qui ont réussi à déjouer le système.

« C’est notre talon d’Achille », reconnaît le directeur de la Sécurité physique, Yan Hugues Boily, dans une rare entrevue accordée à La Presse.

Il ajoute : « Les fraudeurs agissent en amont [en apportant des modifications au système électrique, notamment] pour commettre leurs délits. »

Hydro-Québec dit prendre le phénomène au sérieux. « Nous avons une équipe de 60 enquêteurs et analystes de données qui enquêtent sur plusieurs centaines de dossiers de fraude, tant dans le secteur résidentiel que commercial, expose le directeur. Nous devons être bien documentés avant de cogner à la porte des fraudeurs. »

Manipulation

En juin dernier, Hydro-Québec a terminé l’installation des 3,7 millions de compteurs de la nouvelle génération, qui ont remplacé les compteurs « à roulette ».

« Avec ces nouveaux compteurs, il y a un mécanisme qui nous permet de savoir presque instantanément lorsqu’il y a une tentative de manipulation », soulève le directeur.

Or, en dépit de ces mécanismes, si on se rapporte aux compilations statistiques fournies par la société d’État, tout indique que les voleurs d’électricité ont trouvé d’autres façons de contourner cette technologie intelligente.

« Mais plusieurs le font au péril de leur vie, déplore Yan Hugues Boily. Ils risquent des blessures graves et, pis encore, la mort par l’électrocution. »

« En plus de mettre leur vie en danger, les propriétaires qui trafiquent leur système risquent de voir leur maison passer au feu. » 

— Yan Hugues Boily, directeur de la Sécurité physique, Hydro-Québec

Il rapporte qu’au moins une mort survient, chaque année, dans de telles circonstances.

Des pertes financières

Chose certaine, ces vols d’électricité font perdre des dizaines de millions à Hydro-Québec, « entre 25 et 70 millions » par année, selon les estimations.

« Ça peut atteindre jusqu’à 1 % du volume de ventes d’électricité au Québec [11,6 milliards en 2015] », évalue le directeur de la Sécurité physique.

Il précise : « Le vol d’électricité, ça ne touche pas qu’Hydro-Québec. En Amérique du Nord, les distributeurs d’électricité font face au même problème. »

Les granges à pot

C’est toutefois le secteur « agricole », avec les bâtiments de ferme transformés en serres hydroponiques pour la culture à grande échelle de plants de marijuana, qui est responsable de la plus grande partie des pertes de la société d’État.

Les réseaux organisés se branchent directement aux poteaux d’Hydro, privant la société d’État de revenus considérables. Une grange à pot peut consommer plus de 10 000 $ d’électricité.

Un autre type de vol – touchant les fils de cuivre, cette fois – fait l’objet d’un suivi serré chez les enquêteurs d’Hydro. Pour décourager les voleurs, la société d’État a remplacé des portions de conducteurs de mise à la terre de cuivre par de l’acier.

Des maisons de millionnaires trafiquées

Les voleurs d’électricité n’ont rien à voir avec les Bougon, la famille devenue célèbre au petit écran avec ses manœuvres pour frauder le système.

Il y a quelques années, les enquêteurs d’Hydro-Québec ont découvert une vaste fraude, qui s’étendait à 47 maisons de millionnaires dans un quartier cossu de Laval. Un « spécialiste », Pierre-Robert Jean, qui a été traduit devant les tribunaux, avait alors trafiqué le compteur et fait des modifications aux composants du système électrique. Hydro-Québec avait estimé sa perte monétaire à plus de 300 000 $. Depuis, les trois quarts de cette somme ont été récupérés.

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