Opinion : Santé

Comme le scout, le pharmacien est toujours prêt

Je suis dans le domaine de la pharmacie depuis mon adolescence, depuis plus de 25 ans maintenant. J’ai observé les pharmaciens travailler tout en changeant leurs poubelles ou en lavant leur vaisselle. J’ai commencé ma compréhension de notre clientèle en m’occupant du facing des rangées. J’ai même vendu des cigarettes à une certaine époque, comme caissier.

Puis, j’ai suivi ma formation afin de devenir pharmacien, un parmi tant d’autres, mais avec la conviction de réussir et devenir mon propre patron, un des espoirs que feu mon père chérissait tant. Devenu propriétaire à 24 ans seulement, j’ai connu ce type de pharmacie qu’on vendait à « 6 $ l’ordonnance » dans le temps…

Au fil des années, la profession a aussi bien évolué que l’ensemble du réseau en général : les infirmières ont plus de pouvoirs et d’autonomie ; les optométristes acceptent les consultations en urgence et peuvent prescrire le traitement approprié. Et nous ? Nous avons littéralement fait exploser la profession suivant le grand courant nord-américain où le pharmacien devient la porte d’entrée du système de santé pouvant maintenant traiter certaines conditions de santé dites « mineures » tout en prescrivant des tests de labo, en ajustant les ordonnances du médecin et en prolongeant leurs ordonnances échues.

Je pratique en ce moment la « meilleure pharmacie » de toute ma carrière. Vraiment !

Par contre, il faut bien comprendre notre modèle d’affaires et comment s’oriente notre client-patient à travers notre offre de produits et de services. Comme pharmaciens et entrepreneurs, nous devons nous projeter dans les souliers de nos précieux consommateurs de services de santé.

Par exemple : je suis prêt à faire la file dehors sur le trottoir à -3 degrés Celsius pendant trop longtemps pour avoir la chance de déguster le brunch du dimanche au Pied de cochon de notre ami Martin Picard. Martin possède ce type de restaurant rare où l’on fait la file à l’extérieur, comme ces boîtes de nuit où les jeunes se les gèlent en attendant d’entrer. Eh bien, pour voir un médecin en urgence, c’est ce que le patient est prêt à faire. On parle d’exclusivité et de rareté.

Sans réservation

Je dois faire une réservation afin d’avoir ma chance d’aller manger chez Toqué ! Pleinement conscient que j’y laisserai une partie de mon portefeuille, j’accepte ce fait comme le patient qui prendra rendez-vous chez son dentiste des semaines d’avance et y laissera probablement une partie de sa paie pour régler son problème de santé buccal. On est ici avec un professionnel dont les tarifs sont élevés et que plusieurs ne peuvent se permettre.

Par contre, lorsque j’ai une faim immédiate et que j’ai un budget limité, je m’offre un trio chez McDo ou une soupe chez Tim Hortons. J’entre, je choisis et j’obtiens à l’instant. Même principe pour ma pharmacie, mes consommateurs de soins qui entrent, peu importe l’heure de la journée, avec un bout de papier, s’attendent à être servis dans les 15 minutes et que la facture soit raisonnable.

On tape du pied, on pianote des doigts sur le comptoir du labo, on soupire, car on s’attend à être servi rapidement.

Le client malade veut combler son manque par l’achat d’une médication adaptée à son état. Il ne verra le pharmacien que quelques minutes avant de payer son bien. Je le comprends.

Nous sommes le fast food du système de santé. Jamais personne ne prend rendez-vous chez nous, nous allumons l’enseigne « Ouvert » et nous attendons nos clients comme un dépanneur ou une épicerie… c’est ainsi !

Il n’y a rien de péjoratif dans cette affirmation. Je suis très fier d’offrir des soins pharmaceutiques sans rendez-vous, d’une qualité impeccable et avec une offre toujours plus grande (et bientôt la vaccination, je l’espère).

Je suis la première ligne du système de santé ; accessible, d’une grande commodité et d’une expertise assurée.

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