CHRONIQUE

CONVERGENCE Un échec cuisant pour Jean-François Lisée

Dure semaine pour Jean-François Lisée. 

D’abord, deux sondages désastreux qui montrent que la Coalition avenir Québec (CAQ) a dépassé le Parti québécois (PQ) dans les intentions de vote, ce qui place les troupes de M. Lisée au troisième rang. Ensuite, la planche de salut sur laquelle comptait le chef péquiste pour défaire le gouvernement libéral, la stratégie de convergence avec Québec solidaire (QS), a reçu une fin de non-recevoir le week-end dernier des militants de ce parti réunis en congrès.

Les deux éléments sont interreliés. D’une part, cette idée de convergence reflétait déjà l’extrême faiblesse du Parti québécois, forcé de recourir à une stratégie du désespoir, forcé à tisser des alliances parce qu’il est maintenant incapable, à lui seul, d’obtenir une victoire électorale.

D’autre part, la façon dont M. Lisée a piloté ce dossier a probablement contribué à affaiblir encore davantage son parti. La multiplication des messages de gauche pour séduire Québec solidaire a sans doute agacé les péquistes plus conservateurs. Cela a en outre mis en relief les traits de caractère les plus inquiétants du chef péquiste, sa propension aux calculs tactiques et aux contorsions idéologiques, dont on ne sait jamais si les déclarations reflètent sincèrement ses idées ou servent une manœuvre politique.

En soi, l’idée d’une convergence des forces souverainistes n’est ni nouvelle ni illégitime. À l’approche d’un choix déterminant, comme un référendum, on comprendrait que les indépendantistes travaillent ensemble, quitte à reprendre leurs chemins respectifs une fois l’objectif atteint.

Mais, en l’absence d’une échéance référendaire proche, cette idée a subi un glissement, et ce projet de rapprochement, en principe noble, a pris une forme beaucoup plus partisane avec M. Lisée :  une alliance dont le seul but, électoraliste, est de défaire le gouvernement Couillard.

Il est fascinant de voir à quel point les stratèges souverainistes, dans leur bulle, ont consacré beaucoup d’encre et de salive à disserter sur cette idée qui avait pourtant quelque chose de franchement surréaliste, parce qu’elle reposait sur une alliance contre nature entre des formations politiques qui ont peu en commun.

Le projet pouvait pourtant sembler porteur, si on se fie au sondage Léger de samedi, dans Le Devoir et le Journal de Montréal, qui nous apprenait que 39 % des répondants appuieraient une « alliance Québec solidaire/Parti québécois », ce qui lui assurerait la victoire contre des libéraux qui n’obtiendraient que 29 %.

Cet exercice de politique-fiction, mécanique, faisait abstraction des idées et des programmes. Cela a mené à une intéressante anomalie : cette alliance théorique recueillait plus d’appuis que ceux qu’obtenait chacun des deux partenaires séparément (23 % au PQ et 13 % à QS). Cela signifie que des libéraux et des caquistes déserteraient leurs partis, fédéralistes et plus à droite, pour appuyer une coalition souverainiste de gauche ! Voilà pourquoi il faut voir dans ces résultats plus un reflet d’un désir de changement qu’un appui à cette alliance mythique.

Dans les faits, le projet de convergence, rejeté par Québec solidaire, était beaucoup plus modeste. Ce n’était qu’un pacte électoral ponctuel où, dans certaines circonscriptions, le PQ laisserait le champ libre à QS, ou vice-versa, pour ne pas diviser les voix au profit des libéraux, ce qui pourrait donner quelques sièges de plus à chacun des partenaires.

Mais même une alliance de cette nature, beaucoup plus limitée, a été refusée par les militants de Québec solidaire. Parce que le projet, un regroupement des forces souverainistes et progressistes, comportait deux failles. La première, c’est que presque la moitié des solidaires ne sont pas souverainistes. La seconde, c’est qu’un grand nombre de péquistes ne sont pas progressistes !

Les électeurs ne sont pas des pions que l’on déplace comme on veut. Et les partis ne sont pas que des machines à récolter des votes : ils reflètent des idées, des principes. Et dans ce cas-ci, les différences sont énormes dans les programmes et les idées du PQ et de QS, notamment sur la question identitaire.

Au lieu de multiplier les manœuvres et de miser sur des tactiques électorales, Jean-François Lisée devrait poser très clairement les questions qu’ont éludées ses prédécesseurs depuis 10 ans.

Pourquoi le PQ a-t-il du plomb dans l’aile ? Pourquoi est-il déserté par une partie de sa base ? Pourquoi cela transforme-t-il le PQ en girouette qui passe d’un virage idéologique à l’autre pour retrouver le succès ?

Les difficultés fondamentales du Parti québécois viennent essentiellement du fait qu’une majorité écrasante de Québécois, environ les deux tiers, n’est pas en faveur de la souveraineté, et que rien ne permet de voir un renversement de cette tendance très lourde.

Tant que le PQ n’aura pas analysé sérieusement les causes de cette désertion, et tant qu’il n’aura pas pris acte de ce nouveau paradigme, il nous fera penser à un hamster qui court dans sa roue.

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