Réparation des fuites d’eau

Aux grands maux les grands moyens

Des cols bleus mieux formés. Des interventions repensées. De l’équipement plus moderne. Aux prises avec un réseau de distribution d’eau vieillissant, la Ville de Montréal a complètement revu sa façon de colmater les fuites, ce qui promet d’augmenter considérablement l’efficacité des cols bleus chargés de réparer les conduites souterraines.

Le projet Maxim’eau

Estimant perdre environ 29 % de son eau en raison des fuites dans son réseau, la Ville de Montréal a entrepris il y a quatre ans de revoir complètement ses façons de faire pour l’entretien de son réseau, projet baptisé Maxim’eau. Après avoir longtemps œuvré à améliorer sa capacité à détecter les fuites, la métropole s’est penchée sur la façon dont ses employés s’y prenaient pour réparer les quelque 2000 ruptures de canalisations signalées chaque année. Parmi les changements, Montréal a élaboré pas moins de 150 scénarios d’intervention en cas de rupture. « La gestion de l’eau montréalaise monte aujourd’hui d’un cran. Notre administration veut mettre l’emphase sur l’accroissement de la qualité des services », s’est targuée la mairesse Valérie Plante, hier.

Centre de formation dernier cri

Dans le cadre de cette stratégie, la mairesse Valérie Plante a inauguré hier, dans l’est de l’île, un centre de formation sur l’entretien des réseaux de distribution d’eau. Les cols bleus y recevront une formation sur les meilleures pratiques pour réparer les conduites rompues. « Ce programme de formation va modifier radicalement l’ensemble de notre gestion de l’eau », s’est emballée Valérie Plante.

Fini le « sur le tas »

Ce centre de formation marque la fin de l’ère où les cols bleus apprenaient « sur le tas ». Auparavant, après avoir suivi une formation collégiale de huit jours, les employés apprenaient leur métier en accompagnant un col bleu sur le terrain. Désormais, tous les employés – même ceux en poste depuis longtemps – recevront 225 heures de formation sur une période de deux ans, formation au terme de laquelle ils devront passer un examen. « On fait comme Hydro-Québec ou Gaz Métro. On n’envoie pas n’importe qui sur les lignes à haute tension ou sur des conduites de gaz qui peuvent exploser. Les réseaux [de distribution d’eau], c’est tout aussi important », estime un des formateurs, Stéphan Fréchette.

Reproduction

Le centre reproduit à échelle réduite le réseau de distribution d’eau de Montréal, avec toutes ses particularités, afin de permettre aux employés de s’exercer. Afin de simuler ce qui se passe sous le sol, les conduites ont été placées à 1,8 mètre sous des passerelles, qui font office de trottoir. Une partie des valves permettant à l’eau de circuler tournent à droite, comme dans la majorité des réseaux en Amérique du Nord, tandis que d’autres tournent vers la gauche, un héritage britannique conservé dans les arrondissements issus de l’ancienne ville de Montréal. Les cols bleus pourront s’exercer sur des conduites en PVC, en fonte ou en béton. Deux conduites en bois sont même présentes, bien que ce type de tuyau ne soit plus en fonction. Reste que les cols bleus tombent parfois encore sur ces reliques d’une autre époque dans le sol.

Sus aux coups de bélier

Le centre de formation permettra aux cols bleus de découvrir l’impact de leurs travaux sur l’ensemble du réseau. « Si on ferme une conduite principale par inadvertance, on vient peut-être de paralyser tout un secteur ou même un arrondissement », explique Stéphan Fréchette. La formation cherche notamment à prévenir certains effets indésirables de travaux, comme les « coups de bélier ». Il s’agit d’un mouvement soudain de l’eau dans une conduite quand de l’air tente de sortir du réseau. Ceux-ci peuvent entraîner des ruptures dans les conduites affaiblies par le temps. Le centre a ainsi aménagé un réseau doté de conduites transparentes permettant de voir le déplacement de l’eau. « Les gars connaissent très bien leur tâche, mais ils ne connaissent pas nécessairement la dynamique sur l’ensemble du réseau », poursuit Stéphan Fréchette.

Une entente pour un gain d’efficacité

Ce virage majeur est en grande partie possible grâce à une entente survenue l’été dernier avec le Syndicat des cols bleus. La Ville est notamment parvenue à simplifier sa gestion en réduisant de 13 à seulement 2 le nombre de fonctions pour l’entretien des réseaux d’eau. Ainsi, au lieu de faire une tâche très précise, les cols bleus seront appelés à être polyvalents. « Les employés, au lieu d’être très spécialisés, vont être polyvalents. On va pouvoir avoir plus d’équipes avec le même personnel », résume le formateur Stéphan Fréchette. Une équipe qui pouvait être constituée de neuf personnes pourra désormais être réduite à cinq ou six personnes. Ne comptant pas réduire le nombre de ses cols bleus, Montréal anticipe pouvoir augmenter la cadence dans la réparation des fuites. À terme, on espère parvenir à faire davantage de travaux préventifs et ainsi réduire les ruptures de canalisations.

Endiguer la fuite de personnel

Autre changement, Montréal tente d’endiguer la fuite de personnel à son service de l’eau – oui, le jeu de mots est voulu. La convention prévoyait auparavant que les cols bleus pouvaient changer d’affectation tous les six mois. Personne n’aimant travailler les deux pieds dans l’eau quand la température est de - 30 °C, de nombreux travailleurs préféraient être mutés à la voirie durant la saison froide. « À l’aqueduc, comme c’est moins intéressant l’hiver, on perdait nos employés très compétents qui allaient à la voirie et on recevait des gens très verts, qui ne connaissaient pas le domaine », expose Stéphan Fréchette. Pour recevoir la formation, les cols bleus devront désormais s’engager à travailler au service de l’eau pour un certain nombre d’années.

Améliorer la sécurité

Ce virage permettra d’améliorer la sécurité pour les cols bleus. En plus de compter sur des employés mieux formés, Montréal renouvelle en ce moment son équipement pour se doter d’outils hydrauliques. N’utilisant pas de carburant, ces appareils ne dégagent plus de monoxyde de carbone, l’une des principales causes d’accident de travail. Ces nouveaux outils sont aussi plus performants. Les anciennes scies pouvaient mettre 30 minutes à sectionner une conduite tandis que les nouvelles en prennent six.

L’eau en chiffres

1,8 million

Population buvant l’eau de Montréal

8000 km

Longueur des conduites de distribution d’eau et égouts, soit la distance entre Montréal et Los Angeles aller-retour

300

Nombre d’employés au service de l’eau

2000

Nombre de réparations de ruptures que les cols bleus sont appelés à exécuter en moyenne par année

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.