Opinion

Je suis acadien

Si Dany Laferrière peut se dire écrivain japonais, j’ai le droit de me réclamer de l’Acadie. Je suis un Acadien, et ce n’est pas parce que j’ai la couleur de quelqu’un qui s’est baigné dans la rivière Chocolat qui traverse la ville de Moncton.

Des fois, je raconte à la blague aux Acadiens qu’ils ont quand même une certaine parenté avec nous, les Africains.

En effet, nous avons eu l’esclavage et les Acadiens ont eu la déportation ; nous pratiquons la circoncision et les Acadiens ont le Cap-Pelé.

Si ce n’est pas là un début de convergence parentale, il ne me reste plus qu’à déménager à BC et je ne parle pas ici de British Columbia, mais plutôt de Bas-Caraquet !

En vérité, je me dis acadien parce que chaque fois que je retourne en Acadie, j’éprouve un sentiment d’appartenance inexplicable à cette société que j’ai souvent sillonnée. La semaine passée, je suis allé à Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour participer à une rencontre du GREF, qui est le grand rassemblement de l’éducation en français.

Quelque 600 enseignantes, enseignants et autres membres du personnel scolaire œuvrant en contexte minoritaire y tenaient un congrès pour parler de culture, d’éducation et d’avenir de la francophonie dans leurs communautés respectives.

Le but partagé par les acteurs de cette rencontre ? Travailler à perpétuer la langue et la culture francophone aux quatre coins du Canada.

Je suis solidaire de toutes les minorités qui, tous les jours, travaillent très fort pour repousser le rouleau compresseur de l’assimilation. J’ai beaucoup entendu les francophones hors Québec se plaindre de ne pas exister dans le regard des Québécois. Ce qui semble dramatiquement vrai. Combien d’animateurs de télévision ou de radio des médias d’ici prennent le temps de saluer les gens qui les écoutent à La Broquerie au Manitoba, à Saint-Albert en Alberta, à Prince Albert en Saskatchewan, dans la Péninsule acadienne, etc. ?

Pourtant, les problèmes des Franco-Manitobains, des Franco-Ontariens, des Franco-Albertains et de toutes les autres communautés francophones du Canada, qui s’accrochent à leur culture et à leur langue, devraient nous interpeler au plus haut niveau.

Je plaide ici pour la solidarité avec ceux qui ont le même accent que nous sur le bout de la langue.

Je plaide pour une francophonie canadienne plurielle. Une francophonie qui, sans se fermer à la majorité anglophone, travaille à préserver les particularités culturelles du Québec, mais qui tend aussi une solide main à sa parenté qui doit parfois se sentir sur le respirateur.

En 2014, alors qu’on se mobilisait tous pour contrer le projet de terminal pétrolier de TransCanada dans le sanctuaire du béluga à Cacouna, Maxence Jaillet, un ami qui vit à Yellowknife et qui a passé des années de journalisme à traiter des sujets d’assimilation, d’éducation, et de vitalité culturelle chez les minorités francophones, m’a envoyé un message qui m’a vraiment secoué.

Il m’a dit de façon métaphorique : « Le problème de la population de bélugas du Saint-Laurent, c’est que même si parfois on en voit dans les baies autour de Terre-Neuve, ils n’ont pas l’air de communiquer avec les populations de la baie d’Hudson. Les Québécois francophones, eux, sortent du Québec, mais la majorité n’est pas ouverte à l’importance de la francophonie ailleurs que là où elle est majoritaire au Canada. Pourtant, l’écho d’une langue peut aider à la faire résonner. Je me rends compte qu’on regarde toujours son grand frère en espérant qu’il joue avec nous. C’est pareil pour la francophonie canadienne pour le Québec, le Québec pour la France, la France pour son nombril. »

Le Québec devrait s’intéresser davantage au sort des francophones à l’extérieur de la province et ouvrir de véritables canaux de communication avec ces communautés. Moi, je me sens solidaire de toutes ces minorités francophones à qui il arrive de dire :  « Ou les francophones souffrent d’extinction de voix ou bien ils sont carrément en voie d’extinction. »

Moi, je suis solidaire de tous les francophones du Canada qui préfère la cohabitation côte à côte à l’anglicisation coast to coast. Voilà pourquoi je suis Acadien.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.