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Une menace négligée ?

Les forces de l’ordre canadiennes tendent à minimiser, voire à nier, la menace posée par l’extrême droite au pays malgré le nombre important d’incidents violents dans lesquels des membres du mouvement ont été impliqués, indique une étude pancanadienne.

Les chercheurs Barbara Perry et Ryan Scrivens, qui ont interviewé de nombreux intervenants en vue de produire leur rapport, notent qu’il est apparu évident durant leurs travaux que la plupart des corps policiers ne « [prenaient] pas » cette menace au sérieux.

Cette attitude était particulièrement manifeste dans les régions rurales, où des agents ont suggéré que l’importance du risque était inconnue, faute de surveillance appropriée.

La tendance à minimiser le problème était aussi perceptible dans des communautés connues comme des bastions de l’extrême droite, relèvent les chercheurs, qui évoquent notamment le cas d’une ville ontarienne où un groupe d’une vingtaine de néonazis a pu défiler dans les rues sans aucun encadrement policier.

Daniel Gallant, ex-néonazi de Colombie-Britannique qui suit de près certains groupuscules, affirme avoir voulu à diverses reprises sensibiliser les autorités à des activités inquiétantes de l’extrême droite sans véritablement trouver d’oreille attentive. « Il n’y a pas eu de suites », dit-il.

La menace ne semble pas suffisamment prise au sérieux non plus au niveau fédéral, note en entrevue Barbara Perry.

Les autorités à ce niveau tendent à considérer que l’extrême droite représente un problème de « sécurité publique » devant être pris en charge par les corps policiers locaux plutôt qu’une véritable « menace à la sécurité nationale », souligne-t-elle.

Des dizaines d’incidents violents

La priorité, tant à la Gendarmerie royale du Canada qu’au Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), est de contrer le terrorisme islamiste.

« Il y a eu une dizaine d’incidents violents au Canada, depuis les attentats du 11 septembre 2001, liés à des radicaux islamistes, alors que des dizaines et des dizaines d’autres sont imputables à l’extrême droite », souligne Mme Perry, qui presse les autorités de rééquilibrer leurs efforts dans ce domaine.

Le ministère de la Sécurité publique relevait dans une politique antiterroriste adoptée en 2011 que les extrémistes sunnites constituaient la menace la plus pressante pour le pays. Le document prévenait par ailleurs, dans un bref passage, qu’une « vigilance continue » était requise pour contrer l’action d’extrémistes locaux, dont des suprémacistes blancs pouvant être tentés par la violence.

Le SCRS relève de son côté sur son site internet que l’extrême droite « n’a pas représenté un problème significatif au Canada au cours des dernières années » et que ses militants tendent à être « isolés et inefficaces ».

La GRC, dans un guide de sensibilisation à l’extrémisme violent, soulignait pour sa part l’année dernière que les groupes d’extrême droite comptent généralement peu de militants et sont souvent éphémères.

Le corps policier fédéral n’a pas voulu donner hier son appréciation de la menace posée par l’extrême droite, se contentant de relever dans un courriel qu’il n’enquête pas sur « des mouvements ou des idéologies », mais plutôt sur des activités criminelles.

Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a indiqué récemment, en annonçant la création d’un centre contre la radicalisation, qu’il n’y avait pas qu’une source idéologique menant à la violence et que la prévention devait être une composante essentielle de l’approche du pays pour lutter contre le terrorisme.

Un porte-parole du ministre a refusé de préciser cette semaine si les efforts des corps policiers pour lutter contre l’extrême droite semblent appropriés aux yeux du gouvernement. Il s’est borné à préciser qu’Ottawa était déterminé à garantir que les forces de l’ordre disposent des outils requis pour « faire leur travail ».

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