erreurs médicales

Alors que Québec se penchera sur la création d’un no-fault pour l’indemnisation des victimes d’erreurs médicales, Yves Boisvert explique pourquoi le système actuel doit changer.

Indemnisation des accidents médicaux

Un système injuste, à jeter

La nouvelle est énorme. Je dirais même hénaurme. Le Collège des médecins se déclare officiellement favorable à un régime de no-fault pour les accidents médicaux.

Plus étonnant encore, ai-je appris en lisant la déclaration du docteur Yves Robert dans l’article de Katia Gagnon hier, le Collège a « toujours été en faveur » d’un régime pour indemniser les patients sans égard à la faute.

Ça nous avait échappé… Mais réjouissons-nous !

Une chose est certaine, le régime actuel n’a pas de sens. Il est injuste. Il coûte trop cher, il est financé indirectement par le gouvernement, prend trop de temps et indemnise mal les victimes d’erreurs médicales.

On pourrait dire que la faute est celle d’un système judiciaire qui sert magnifiquement bien les professionnels qui y travaillent, mais très mal les citoyens. Ce serait vrai.

Mais voyons plutôt comment se dépense l’argent dans le système actuel, et pourquoi il faut le mettre à terre.

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L’an dernier au Canada, 900 poursuites pour erreur médicale ont été enregistrées. Il s’en est « réglé » 778. La plupart (441) de ces règlements sont en fait des abandons, des rejets avant procès. Il y a eu 276 règlements à l’amiable entre patients et médecins. Il y a eu seulement 61 jugements sur le fond. Là-dessus, les médecins en ont remporté 53. Les patients ? Huit. Oui, juste huit.

Ce n’est pas une aberration statistique. S’il y a un procès, les patients perdent et les médecins gagnent. C’est la règle, confirmée par quelques exceptions.

En 2014, 377 causes ont été réglées à l’amiable, 26 ont été remportées par les patients, 85 par les médecins ; en 2015, il y a eu 350 règlements à l’amiable, 5 jugements favorables aux patients et 55 favorables aux médecins ; en 2016, 290 règlements à l’amiable, 9 jugements en faveur des patients, 45 pour les médecins ; en 2017, 274 causes se sont réglées avant le procès, 14 jugements ont été favorables aux patients, 48 aux médecins. Et chaque année, autour de 400 affaires sont abandonnées sans versement.

Pour l’année 2018, l’assureur des médecins, l’Association canadienne de protection médicale (ACPM), a versé 260 millions en indemnisations pour des erreurs médicales, que ce soit à la suite des rares jugements les obligeant à indemniser une victime ou à la suite de règlements.

Pour chaque dollar versé en indemnisation, l’assureur dépense environ 25 cents en frais d’avocats et d’expertise (en 2016, l’ACPM évaluait la compensation moyenne à un peu plus de 200 000 $ et les frais moyens à environ 50 000 $).

Cela peut paraître presque raisonnable.

Mais c’est sans compter tous ceux qui n’obtiendront aucun règlement. Ceux qui se sont découragés. Ceux qui n’ont pas pu attendre. Pas pu faire financer une expertise médicale. Ou juste trouver un médecin pour la faire. Ceux qui n’ont même pas entrepris de poursuite.

Le système actuel est destiné à indemniser le moins de victimes possible en leur rendant la tâche coûteuse, complexe, longue, décourageante.

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Songez un instant à cette seule statistique : quand un patient s’est retrouvé en procès contre un médecin au Canada en 2018, il a perdu dans 85 % des cas.

Vous me direz : les causes gagnantes sont réglées à l’amiable ; ne restent donc que les causes complexes devant la cour. Vous avez parfaitement raison. La femme est sortie paralysée d’une simple opération ? Les causes sont infiniment complexes, désolé, madame, vous n’aurez rien.

Je ne dis pas que les jugements sont mauvais. Au contraire, ils sont d’une infinie subtilité, on y cite des experts au langage abscons et… que voulez-vous, la preuve d’une faute professionnelle n’est tout simplement pas assez forte.

On parle d’erreurs médicales, on devrait parler d’accidents hospitaliers. Ils sont souvent dus à plusieurs causes. Pas forcément une faute d’un médecin. Parfois une combinaison de facteurs.

Mais ce constat devrait justement plaider en faveur d’un régime humain d’indemnisation.

Vous entrez à l’hôpital pour une hernie, vous n’êtes pas censé en sortir en fauteuil roulant pour le reste de vos jours. Ni mort. 

On s’en fout un peu, c’est la faute à qui. Il y a toujours le Collège des médecins pour condamner les incompétents. Ce qu’il faut, c’est un système qui prend les ressources utilisées pour nier la responsabilité… et les donne à ceux qui en ont besoin pour continuer à vivre.

Pas aux avocats qui défendent magnifiquement les médecins.

Ou aux experts qui expliquent savamment pourquoi c’est la faute à pas de chance.

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Il faut savoir aussi que les cotisations des médecins du Québec à cet assureur sont payées majoritairement par vous et moi. Ces cotisations pour l’ensemble du Canada s’élevaient l’an dernier à 637 millions. Les médecins québécois paient proportionnellement moins que les autres. Pourquoi ? Parce que les indemnisations sont particulièrement chiches ici. Il y a deux fois moins de médecins au Québec qu’en Ontario, mais de quatre à six fois moins d’argent versé aux victimes.

Bref, le système d’indemnisation est déjà majoritairement financé par les contribuables, qui remboursent par l’intermédiaire de la RAMQ la majeure partie des primes d’assurance versées par les médecins.

Conclusion : le public paie de sa poche un système qui est construit pour l’indemniser le moins possible, le tout au profit d’assureurs, d’avocats et d’experts.

Qui veut garder ça ?

Même pas le Collège des médecins, apparemment…

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Il est beaucoup plus facile d’instaurer le no-fault pour les accidents d’auto que pour les accidents médicaux ou hospitaliers. En même temps, le nombre d’accidents médicaux est bien moins grand que le nombre d’accidents de voiture.

Une commission ou une régie pourrait évaluer les cas, indemniser automatiquement les gens à certaines conditions selon des barèmes d’invalidité. Le tout pourrait être révisé par le Tribunal administratif du Québec.

On ne réglerait pas tout. Ce n’est certainement pas une mince affaire. Mais ce serait un gain social majeur et une utilisation plus humaine de l’argent dans le système.

Ça mérite un chantier autant que l’aide médicale à mourir.

Erreurs médicales

Québec examinera la création d’un no-fault

RIVIÈRE-DU-LOUP — Le gouvernement Legault examinera l’idée d’instaurer un régime d’indemnisation sans égard à la faute, semblable au no-fault de l’assurance automobile, afin d’indemniser plus rapidement les victimes d’accidents médicaux. Il paraît toutefois avoir peu d’appétit pour cette mesure.

À l’ouverture d’une réunion de son caucus à Rivière-du-Loup pour préparer la rentrée parlementaire, hier, le premier ministre François Legault a réagi à l’enquête de La Presse sur les erreurs médicales dans les établissements de santé. Pas moins de 200 aînés et personnes vulnérables sont morts au cours des 20 dernières années à la suite d’accidents médicaux dans des résidences qui les hébergeaient.

Le Collège des médecins plaide pour l’instauration d’un régime d’indemnisation sans égard à la faute. C’est, selon lui, « la suite logique » du registre des incidents et accidents mis en place au Québec au début des années 2000, qui a rendu obligatoire la déclaration de tous les accidents médicaux dans les établissements de la province.

« Ni oui ni non »

François Legault était ministre de la Santé à l’époque. « C’est moi qui avais mis en place la déclaration obligatoire des erreurs. Maintenant, qu’est-ce qu’on fait avec ces résultats-là ? Est-ce qu’il doit y avoir une responsabilité du médecin ? Est-ce qu’on veut un no-fault ? Comment on fait pour s’assurer quand même qu’il y ait une certaine imputabilité ? Ça fera partie de ce qui sera visé » par la réflexion du gouvernement, a affirmé le premier ministre en conférence de presse.

Son cabinet a indiqué que l’idée du no-fault sera examinée et que « c’est ni oui ni non » pour le moment. Il ne semble pas y avoir beaucoup d’enthousiasme pour l’instant.

« Ce que demande le Collège des médecins, on peut se pencher sur la question, avec la ministre de la Justice. […] C’est une question qu’on pourrait certainement examiner. »

— Danielle McCann, titulaire de la Santé et des Services sociaux

Mais « d’abord et avant tout », le gouvernement veut « vraiment tout faire » pour prévenir les accidents médicaux. Mme McCann a ajouté que les établissements de santé ont des obligations en ce sens. « Il y a obligation de mettre sur pied un comité de gestion des risques, obligation pour le conseil d’administration de mettre sur pied un comité de vigilance et de la qualité, obligation pour le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de tous les établissements de faire le suivi et de mettre des mesures correctrices comme les autres entités pour prévenir les accidents et les incidents », a-t-elle insisté.

d’autres nouvelles du caucus de la caq

Un vote sur la réforme du mode de scrutin en 2022

Toute réforme du mode de scrutin sera soumise à un référendum en même temps que les élections générales de 2022. Le prochain scrutin se tiendra donc selon le mode actuel, malgré ce que disait François Legault en campagne électorale. Le caucus des députés de la Coalition avenir Québec a donné son appui à cette position hier. La ministre de la Justice, Sonia LeBel, déposera d’ici le 1er octobre, comme prévu, un projet de loi pour intégrer une part de proportionnelle au mode de scrutin. Elle a confirmé hier que le prochain scrutin se tiendrait selon le mode actuel. François Legault a soutenu que son engagement électoral était de déposer un projet de loi pour réformer le mode de scrutin. Or il était allé plus loin en campagne électorale. Il avait répondu qu’« effectivement », le scrutin alors en cours était le dernier selon le mode actuel. Et ce, même en considérant les délais du Directeur général des élections (DGE) : ce dernier « a demandé deux ans et demi pour faire des modifications sur le terrain. Si on dépose [le projet de loi] la première année, on va être prêt pour 2022 », avait dit M. Legault le 10 septembre 2018. Québec solidaire et le Mouvement Démocratie Nouvelle ont accusé le gouvernement « de se cacher derrière le DGE » pour renier son engagement.

Aide pour l’achat de lunettes aux mineurs

Québec remboursera une partie des frais pour l’achat de lunettes ou de verres de contact destinés aux jeunes de moins de 18 ans. Le gouvernement Legault a confirmé hier l’entrée en vigueur d’un programme offrant un remboursement de 250 $, et ce, tous les deux ans. La correction de la vue doit être prescrite par un optométriste ou un ophtalmologiste. Ce programme avait été annoncé lors du dépôt du budget. C’était un engagement électoral de la Coalition avenir Québec. Québec anticipe des coûts de 36 millions par année. Il prévoit que 145 000 enfants auront besoin de lunettes ou de lentilles cornéennes annuellement.

Pas de casino à Québec, tranche Girard

Le gouvernement Legault abandonne l’idée d’ouvrir un casino à Québec. La Coalition avenir Québec avait proposé, l’an dernier, de déménager le salon de jeux de la capitale et envisageait d’en faire un casino dans un quartier touristique. Une fois au pouvoir, elle a commandé une étude pour mesurer la faisabilité du projet. « Étant donné l’incertitude qu’il y a dans la population » et les inquiétudes dans la région de Charlevoix qui a son propre casino, le ministre des Finances, Eric Girard, a voulu « dissiper les doutes » hier. « Il n’y aura pas de casino », a-t-il annoncé. « Parce que l’étude montre que les joueurs du casino seraient principalement des joueurs locaux et non des touristes. Et bonifier l’offre, amener un casino aurait des impacts importants sur le casino de Charlevoix, notamment. »

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