Congrès de l'ACFAS

Les danseuses érotiques plus violentes que leurs conjoints

Les danseuses érotiques vivent des relations conjugales marquées par des taux « alarmants » de violence. Et, contrairement aux idées reçues, elles se montrent plus violentes que leurs conjoints.

Ce sont les conclusions d’une étude menée par des chercheuses de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) sur 50 danseuses érotiques qui sont en couple. Les scientifiques sont carrément débarquées dans les bars de danseuses des quatre coins du Québec et ont demandé à interroger les employées. Pas moins de 90 % d’entre elles ont accepté.

Les conclusions montrent que 86 % des femmes ont subi de la violence (psychologique, physique ou sexuelle) de la part de leur conjoint. Mais elles sont loin d’être seulement victimes : 92 % d’entre elles ont déclaré avoir perpétré de la violence. La violence physique a été subie par 38 % des danseuses, alors que 52 % d’entre elles l’ont utilisée.

« Ce sont des taux alarmants », commente Sabrina Bédard, étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAC, qui travaille sous la supervision de la professeure Karine Côté.

Pas moins de 27 gestes, du claquage de porte aux coups de couteau en passant par le fait de forcer son partenaire à avoir une relation sexuelle ou briser des objets, ont été étudiés. Et oubliez la thèse de la femme qui tire les cheveux et reçoit une volée de coups de poing.

« Quand on regarde la fréquence de la violence, les femmes commettent plus d’actes que les hommes. Et même quand on contrôle pour la sévérité, la femme reste plus violente », révèle Mme Bédard. Seule la violence sexuelle est plus utilisée par les conjoints des danseuses que par les danseuses elles-mêmes.

« Pour l’instant, on ne sait pas dans quel contexte survient cette violence. Est-ce que c’est une tentative des femmes de reprendre le pouvoir ? Est-ce que c’est fait dans un contexte d’autodéfense ? Y a-t-il une escalade de violence ? Il va falloir d’autres recherches pour le savoir. »

— Sabrina Bédard, étudiante au doctorat en psychologie à l’UQAC

Les chercheuses se sont penchées sur les femmes en couple depuis au moins trois mois avec un partenaire « non commercial », c’est-à-dire qui ne payait pas pour avoir des relations sexuelles avec elles (c’est le cas de 55 % des danseuses rencontrées).

Selon Mme Bédard, le fait que les femmes se montrent plus violentes que les hommes doit entraîner une réflexion sur les pratiques d’intervention. « Je pense qu’il va falloir ajuster nos programmes. Si, par d’autres entrevues, on montre qu’il y a une dynamique d’escalade dans laquelle les deux personnes du couple peuvent être à la fois victimes et agresseurs, il va falloir se demander comment on peut aider les couples à se sortir de ça. »

Est-il possible que, par peur ou par sentiment de culpabilité, les danseuses rapportent davantage la violence qu’elles font que celle qu’elles subissent ? « On ne peut pas l’exclure, mais on ne le sait pas », répond Sabrina Bédard. La prochaine étape pour les chercheuses est d’étudier les relations de pouvoir au sein des couples formés par les danseuses et leur partenaire. Les scientifiques aimeraient aussi comparer les taux de violence des danseuses érotiques avec ceux vécus par l’ensemble de la population, qu’on sait aussi très élevés.

« On a un problème sociétal avec la violence conjugale », estime Mme Bédard.

En un an, une danseuse érotique commet en moyenne…

5 actes de violence physique sévère comme frapper avec un objet ou un couteau, et en subit 2,4.

9 actes de violence physique mineure comme tirer les cheveux ou tordre un bras, et en subit 5.

9 actes de violence psychologique sévère comme briser un objet auquel l’autre tient, et en subit 6.

29 actes de violence psychologique mineure comme insulter son partenaire, et en subit 24.

0,02 acte de violence sexuelle sévère comme un viol, et en subit 0,54.

1,82 acte de violence sexuelle mineure comme insister pour essayer une nouvelle pratique sexuelle, et en subit 2,24.

Congrès de l’ACFAS

Les Québécois sont « homonationalistes »

Les Québécois sont ouverts envers les gais, lesbiennes et autres minorités sexuelles. Et ils aiment bien se le dire dans les journaux… en se comparant à ceux qui, selon eux, ne le sont pas. En clair, ils sont ce qu’on appelle des « homonationalistes ».

C’est ce qu’affirme Valérie Lapointe, doctorante à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, qui travaille sous la supervision du professeur Luc Turgeon.

« Je voulais répondre à la question suivante : si on se définit comme étant inclusifs et progressistes par rapport aux enjeux des minorités sexuelles, on le fait par rapport à qui ? », précise Mme Lapointe.

Pour le savoir, l’étudiante a analysé 99 articles de nouvelles, chroniques et lettres d’opinion publiés dans Le Devoir, La Presse et Le Journal de Montréal entre 1990 et 2017 et traitant des minorités sexuelles. Elle a eu une surprise.

« C’est étonnant et super intéressant, commente-t-elle. Les études menées aux États-Unis montrent que le point de comparaison, c’est les musulmans. Au Québec, ce n’est pas aussi clair. On se compare surtout au reste du Canada – et le reste du Canada, dans ce cas, c’est l’Alberta. C’est fascinant de voir comment l’Alberta est dépeinte comme conservatrice. »

Les musulmans ne sont toutefois pas en reste et sont, comme l’affirme Mme Lapointe, « instrumentalisés » dans ce processus.

« Qu’est-ce que ça donne, à certains chroniqueurs, de dire que le Québec est progressiste par rapport aux gais et lesbiennes ? Ça sert à dire que les musulmans sont archaïques et qu’ils maltraitent leurs femmes et leurs gais. On fait un clivage entre un “nous” inclusif et un “eux” archaïque et conservateur. »

— Valérie Lapointe, doctorante à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa

La fameuse charte des valeurs du Parti québécois, selon Valérie Lapointe, a contribué à faire émerger cet « homonationalisme ». Dans ce cas, cela aurait servi à tracer des frontières entre l’attitude prétendument ouverte des Québécois de souche et celle, considérée comme fermée, des immigrants à l’intérieur même de la province.

Mme Lapointe relève une minorité d’articles – elle cite notamment des chroniques de Josée Legault, au Journal de Montréal, et de Rima Elkouri, à La Presse – qui ne tracent pas ces frontières imaginaires. « Dans ces cas, on dit plutôt : attendons avant de nous flatter la bedaine avec votre ouverture envers les minorités sexuelles. Nous ne sommes peut-être pas les plus progressistes de la planète », commente-t-elle.

Mme Lapointe estime également que l’homonationalisme fait maintenant partie du « processus de construction nationale » au Québec.

Congrès de l’ACFAS

Survol des recherches qui ont attiré notre attention

Survol des recherches qui ont attiré notre attention

Non, les jeunes ne délaissent pas la démocratie

La jeune génération ne croit plus à la démocratie : cette thèse a fait beaucoup de bruit, il y a un an et demi, le New York Times évoquant des « signaux d’avertissement qui clignotent au rouge ». Les préoccupations émanent des travaux de Yascha Mounk, de Harvard, et de Roberto Stefan Foa, aujourd’hui à Melbourne. Mais leur recherche, déjà critiquée par le passé, a fait l’objet hier d’une démolition en règle par une jeune étudiante de McGill.

« C’était alarmiste, et leurs conclusions sont erronées », affirme sans détour Rosalie Nadeau. L’étudiante a analysé les mêmes chiffres que Foa et Mounk, qui proviennent de sondages internationaux. Et elle conclut que dans 23 pays où la démocratie est implantée depuis longtemps, la jeune génération n’est pas moins attachée aux valeurs démocratiques que les précédentes.

Selon elle, l’erreur des chercheurs a été d’attribuer à des effets générationnels des phénomènes qui s’expliquent par d’autres variables. Il est vrai, par exemple, que les jeunes d’aujourd’hui sont légèrement moins attachés à la démocratie que leurs aînés. « Mais quand on regarde les chiffres, c’était la même chose pour leurs parents à leur âge. Ce n’est pas un effet générationnel, mais un effet d’âge – les valeurs changent dans la vie des individus », dit Mme Nadeau.

L’étudiante observe aussi bel et bien un déclin récent pour l’attachement à la démocratie dans certains pays, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni. Elle montre toutefois qu’il ne s’explique pas par le désintérêt des jeunes, mais qu’il est en fait généralisé à toutes les tranches d’âge. Selon elle, il pourrait être dû à la crise économique de 2008. « C’est en tout cas un déclin périodique, pas un déclin générationnel », soutient-elle.

Ça ne veut pas dire qu’il n’existe aucun changement générationnel. Rosalie Nadeau observe par exemple que la jeune génération semble un peu moins réticente que les précédentes à être gouvernée par un régime armé. « Ça, c’est surprenant et certainement troublant », commente-t-elle.

L’ozone mine la qualité de l’air

Les Québécois respirent globalement du meilleur air aujourd’hui que pendant les années 70. Mais un polluant vient faire de l’ombre au tableau : l’ozone, une molécule qui peut causer des problèmes respiratoires et contre laquelle on ne peut malheureusement pas faire grand-chose.

Jean-Philippe Gilbert, étudiant à la maîtrise en sciences géographiques à l’Université Laval, a compilé toutes les statistiques disponibles sur ce qui se trouve dans l’air québécois. « On respire du bon air. On n’a rien à envier à personne », constate-t-il. Les filtres sur les cheminées des usines et l’amélioration des procédés ont permis une « baisse drastique » des grosses particules en suspension dans l’air. La concentration des particules plus petites a aussi diminué, ainsi que la presque totalité des 10 polluants étudiés par M. Gilbert.

La seule exception est donc l’ozone, dont la concentration a grimpé de 50 % en 40 ans. On aime l’ozone lorsqu’il se trouve dans la stratosphère, où il nous protège des rayons UV. Le problème survient quand il descend dans les basses couches de l’atmosphère. Or, c’est ce qui se passe à cause des changements climatiques. Le phénomène est complexe : l’air plus chaud en basse altitude fait de la pression sur la stratosphère au-dessus de l’équateur. Celle-ci se retrouve alors poussée vers le nord et finit par transmettre une partie de son ozone dans notre air. Ironiquement, certains polluants capables de détruire l’ozone sont aujourd’hui plus rares, ce qui exacerbe le problème.

Dans ce cas, impossible de mettre un filtre sur une cheminée pour régler le problème. « Outre essayer de s’adapter, il n’y a pas grand-chose à faire », estime Jean-Philippe Gilbert.

Un atlas des vulnérabilités aux aléas du climat

Les Québécois ont eu droit à leur lot d’inondations et de vagues de chaleur au cours des dernières années, et ces épisodes deviendront plus fréquents et plus intenses avec les changements climatiques. Pour savoir qui est le plus susceptible d’en souffrir, des chercheurs ont élaboré un « atlas » capable d’identifier les zones vulnérables.

Les cartes produites ne montrent pas les risques que courent les gens d’être inondés ou frappés par la chaleur, mais bien leur capacité à y répondre. Pourcentage de gens qui vivent seuls, proportion des logements nécessitant des réparations majeures, proximité d’un CLSC, accès à une piscine municipale : voilà le type de variables qui ont été incluses dans l’atlas.

« Si on voit, par exemple, qu’une grande proportion de gens ne parle ni anglais ni français dans un secteur, ça nous dit qu’ils ne capteront pas les informations diffusées sur la façon de se protéger et où trouver des ressources », illustre Nathalie Barrette, du département de géographie à l’Université Laval.

La professeure Barrette compte rendre l’atlas accessible au grand public via une application mobile.

« En montrant cette information aux populations, elles seront mieux placées pour faire pression sur les élus en montrant, par exemple, qu’elles sont plus vulnérables aux vagues de chaleur », dit-elle.

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