Exposition

Le suicide démasqué

Le Musée des beaux-arts de Montréal propose ces jours-ci une expo sur un sujet qui dérange, un sujet qui fait peur, qui fait mal : le suicide.

À travers une vingtaine de masques – aux yeux fermés, aux oreilles bouchées, des masques tristes, faussement joyeux, colorés, des masques vivants, étrangement – réalisés par les principaux intéressés (des proches, aidants, survivants, et une communauté particulièrement touchée : la communauté inuite), l’expo Graines d’espoir nous jette en pleine face un sujet qu’on tait, généralement.

La métaphore du masque n’est d’ailleurs pas innocente : tout comme le suicide, le masque incarne un habile mélange entre ce que l’on révèle et ce que l’on cache.

Mais ce n’est pas que déprimant. Parce que la petite expo, réalisée dans le cadre d’un projet de thérapie par les arts, en collaboration avec l’Université Concordia, se veut aussi porteuse d’espoir. D’où le titre, mais surtout le travail de création préalable exigé.

« J’ai insisté pour qu’on exprime à la fois la souffrance et l’espoir. Exprimer seulement la souffrance, ça n’est pas thérapeutique ! »

— Yehudit Silverman, directrice du département de thérapie par les arts de l'Université Concordia

Les participants (une vingtaine de personnes ici recrutées) se sont réunis à quatre reprises, dans différents ateliers. À plusieurs égards, l’expérience a été thérapeutique, poursuit la directrice. Comment ? D’abord, parce qu’en rencontrant d’autres gens touchés par la même problématique, ils ont créé des liens (mettant un terme à leur isolement). Mais thérapeutique également parce qu’ils ont pu projeter leurs émotions dans la création. « C’est incroyablement thérapeutique ! Et c’était ça l’idée : la projection créative ! Projeter ce qui est à l’intérieur, l’inaccessible. »

Selon Yehudit Silverman, les participants ont aussi énormément évolué à travers le processus. Tout particulièrement les « survivants ».

« Quand ils sont arrivés, ils avaient honte, ils n’osaient pas nommer les choses. Puis, à la fin du projet, ils étaient tous très fiers. Fiers parce qu’ils sont en vie. Fiers parce qu’ils ont survécu. »

— Yehudit Silverman

D’après la directrice, dont l’oncle s’est suicidé (un geste dont elle n’a eu connaissance qu’à la fin de l’adolescence), il est aussi crucial de parler de suicide : « Les études le démontrent, dit-elle. Il faut en parler parce que sinon, ceux qui souffrent n’oseront jamais demander de l’aide. Et ceux qui ont perdu un proche seront toujours laissés à eux-mêmes ! »

Graines d’espoir est présenté au MBAM jusqu’au 2 avril. L’expo s’inscrit dans le cadre du programme Le Musée en partage, un programme d’éducation et d’art thérapie du MBAM.

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